Un de plus ? Non, THE KILLIGANS n'est pas qu'un groupe de folk-punk à tendance celtique de plus dans la base de données de Forces Parallèles, qui ne manque pas de groupe en « The » œuvrant dans le style. Comme si la crise qui dure depuis la deuxième moitié des années 2000 avait soudainement réveillé pléthore de ces groupes défenseurs belliqueux de la « middle-class » et auteurs de protest-songs vindicatives à l'encontre des politiciens et des puissants. Non, THE KILLIGANS n'est pas un nouveau groupe de plus, puisque le sextet du Nebraska compte déjà dix ans de carrière à son compteur, et propose avec Another Round For The Strong of Heart. Un titre à rallonge pour un album qui lui va droit au but.

On pense immédiatement aux Canadiens de Flatfoot 56 à l'écoute de ce nouvel album des Américains. Il faut dire que les similitudes entre les deux groupes sont semblables : la formation, dans les deux cas, est composée de trois frères. Les thèmes, parmi lesquels le nœud gordien qu'est la survie des classes moyennes face à des mesures politiques qui font ce qu'elles peuvent pour les mettre en pièce, trouvent également un écho commun. La musique, un punk ancré dans le folk, direct et énergique de bout en bout, est plus ou moins semblable. Sauf que THE KILLIGANS va plus loin, n'hésitant pas à intégrer des touches rock'n'roll dans son punk (certaines intonations vocales du chanteur Brad Hoffman rappellent Bruce Springsteen), et lorgnant ostensiblement du côté de Flogging Molly, en atteste un « The Throes of misery » dont la mélodie orientalisante ressemble trait pour trait à celle de « Another bag of bricks », excellent morceaux des maîtres du punk celtique.

« Hit the deck », avec ses riffs rugueux et son accordéon omniprésent, donne dans l'énergie pure, mais le groupe réussit à éviter l'écueil de la vacuité. Riche et varié, l'album s'installe en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écouter (soit une petite trentaine de minutes), et séduit en de très nombreuses occasions : « Empty streets », introduit par une mandoline et un harmonica, se transforme en un « petit » titre punk qui bastonne, mais se fait malgré tout moins marquant que « Devil and the deep blue sea », qui rassemble toutes les qualités du groupe : refrain et mélodie imparables, mix parfaitement réussi entre section électrique et section folk (accordéon et mandoline s'intègrent parfaitement dans l'ensemble), et chœurs fédérateurs qui donnent à ce morceau des allures d'hymne en puissance. La petite respiration offerte par l'acoustique « Salt of the earth » et l'instrumental « Ghost of our fathers » (à nouveau, quelle virtuosité à la mandoline!) ne fait que confirmer les capacités qu'a le groupe à proposer un folk-punk accrocheur (« The bottoms » et ses sonorités gitanes », « From the Underground », véloce et irrésistible) qui impose un peu plus les Américains comme un groupe majeur dans un style surpeuplé qui ne souffrira pas du bénéfice de leur présence.

Après dix ans d'existence, THE KILLIGANS semblent bien partis pour s'installer durablement dans cette « nouvelle vague » folk-punk qui propose tellement de groupes similaires qu'il est parfois difficile d'en dégager un véritable intérêt. Le groupe américain parvient néanmoins à redonner foi dans le style, et offre un des albums les plus convaincants de l'année, toujours ça de pris !