Quand vous séjournez à Cuba, vous entendez de la musique partout, dans la rue, dans les bars, dans les restaurants, dans les Casa de la Musica et, très souvent la qualité des combos est excellente, le système cubain enseigne en effet très tôt l’art de la musique à ses enfants.
Aussi, il n’est pas vraiment étonnant, outre le succès planétaire du Buena Social Club With a Little Help Of Ry Cooder, de parler d’une école cubaine de piano avec des musiciens comme Omar Sosa ou Jo Fonseca qui parcourent le monde en proposant une musique inventive qui explose les barrières du jazz traditionnel.
L’un des précurseurs, Chucho Valdes, est un monument du jazz, du haut de son mètre quatre-vingt-quatorze et de son grand âge (71 ans) et après une une longue carrière, il sort le successeur de son superbe CD, Chucho’s Step (2010).
La pochette nous le montre en chef indien «avec une parure de plumes authentique, achetée dans un aéroport», mais au-delà de cette anecdote, il a découvert, qu’à la fin du XIXème siècle, 700 indiens ont été déportés à Cuba, dans l’extrême est de l’île, et il est fort vraisemblable que leur musique s’est mélangée à celle des descendants d’esclaves africains qui vivaient là.
Afro Comanche, long morceau de douze minutes, évoque cette fusion et constitue l’épine dorsale du disque Border Free. Les mélopées indigènes et les chants yoruba s’élèvent et se mélangent aux rythmes cubains dans des envolées superbes poussés par des instrumentistes qui s’éclatent sur leurs instruments.
Chucho rend également hommage à sa famille, dans « Pilar » (sa mère) « Caridad Amaro » (sa grand-mère) et « Bebo » (son père) grand pianiste également qui est décédé en début d’année 2013, à 94 ans, et qui a fortement influencé le petit Chucho, lui donnant l’envie au cours de longues soirées au Tropicana de La Havane de devenir pianiste.

La musique foisonne d’influences diverses, Chucho refusant de ses fixer des limites, ainsi on entend une fugue de Bach et des accords de Miles Davis dans le thème « Pilar », et « Contraconga » malaxe les congas, et le battement des tambours des défilés du carnaval antillais.
Petit clin d’œil à l’ancienne colonie espagnole avec du flamenco dans « Santa Cruz » et des airs mauresques dans « Abdel »
Le personnel des Afro-Cuban Messengers se modifie à chaque nouveau CD depuis 10 ans et Chucho a embauché une section rythmique fantastique, composé d’un bassiste de 25 ans Ángel Gastón Joya Perellada et de Rodney Barreto Illarza qui s’en donnent à cœur joie soutenus par les percussionnistes, point fort de la musique cubaine.
Le sax ténor de Branford Marsalis colore Tabu et ses sonorités mêlées à celles du piano font de ce morceau une grande réussite.
Ce disque mérite bien son nom, au-delà des chemins balisés du jazz, des sonorités de la world music, il entre dans une autre dimension, au-delà des frontières, mieux en les abolissant.
Le récent concert du groupe à Paris, le jour de la sortie du CD, avec Roy Hargrove à la trompette, où le nouveau CD fut présenté en live (et diffusé sur FIP), démontra que cette musique était encore plus forte émotionnellement en live.
Si vous aimez les nouvelles aventures musicales, servies par le talent……