Avec l’interprétation du requiem en 1999, Thomas Hengelbrook et son Balthasar-Neumann Chor ressuscitaient Antonio LOTTI. Ce maître de chapelle vénitien du haut-baroque a en effet disparu dans les limbes, oublié de tous, comme le premier artisan venu. Pourtant la musique de LOTTI lui survécu, en effet son Miserere eut un grand succès au XVIIIe et fut interprété jusqu’au siècle suivant. LOTTI ne doit finalement son salut actuel qu’à la nouvelle vague baroque qui a pris les amateurs de musique classique ou ancienne, un peu des deux. Lorsque l’on aime l’harmonie, on préfère écouter des compositeurs qui n’en n’avaient pas conscience plutôt que d’autres qui cherchent par tous les moyens (il semblerait) à l’éviter. Faute de qualité, on fouille donc le grenier.

LOTTI composa essentiellement de la musique religieuse, avec profusion d’œuvres exclusivement vocales ce qui, dans un contexte fortement polyphonique où la basse continue était la règle, contrastait fortement pour l’époque. A la manière d’un PERGOLESE, ses œuvres appartiennent au pré-classique, cette période de transition à laquelle BACH père ne souscrira jamais et qui fera à l’inverse la renommée de ses fils. Les œuvres vocales de LOTTI sont ainsi débarrassées d’une tendance forte à l’ornementation instrumentale, que la fin du siècle jugera démodée.

LOTTI chérissait les voix, quand bien même il savait y faire avec les instruments (pensez aux superbes trompettes introductives du jour de colère). Sur disque, il s’avère encore rare. Si l’on peut trouver aisément aujourd’hui d’autres enregistrements d’Hengelbrook accompagnés d’œuvres de BACH (père) ou ZELENKA (qui fut élève de LOTTI), Xavier Haag et l’ensemble vocal Terpsichore se risquaient également à dédier un enregistrement au compositeur.

Le menu se compose de trois motets, une messe et 4 madrigaux, différentes formes de musique vocale. Pour expliquer les classifications, nous dirons pour simplifier que les motets, terme dérivé de « mot » sont courts, que la messe est longue et les madrigaux sont ici anachroniques. Le madrigal est en effet une forme de polyphonie vocale en vogue essentiellement au XVIe siècle jusqu’à l’introduction d’une basse continue par MONTEVERDI au début du XVIIe. Par la suite le madrigal va peu à peu disparaître. Tout le paradoxe de la musique de LOTTI qui se veut à son époque portée vers l’avenir, est de s’affubler d’un terme si désuet. De toutes les œuvres qui figurent sur le disque, seuls les madrigaux sont accompagnés d’instruments. L’évolution apportée par la suppression de la basse continue dans les motets ou la messe, peut sembler sur le papier être donc finalement une régression. C’est oublier toute l’évolution de la musique sur 130 ans.

Là où la musique gagnait à être enrichie à l’époque de MONTEVERDI, celle-ci s’est complexifiée au fil du temps. La polyphonie s’étant enrichit, plutôt que de régresser, celle-ci gagne en lisibilité à se débarrasser d’ornementations instrumentales encombrantes. L’exemple type est le superbe Crucifixus à 8 voix, rendu évident par l’abandon d’un clavecin, d’un théorbe ou d’un orgue.

Malheureusement, si l’on excepte le Miserere introductif, l’ensemble est quelque peu moribond. C’est beau, certes, mais nous sommes loin de la pertinence du Requiem. A l’ombre de géants tels que BACH, VIVALDI ou HAENDEL, il faut de réels coups d’éclats à ces compositeurs oubliés par le temps pour se démarquer. Ce fut le cas du requiem, cet assemblage de vocalises agréables mais sans feu ne réitère pas l’exploit.