AS DE TRÈFLE n'abat pas souvent ses cartes. En 15 ans de carrière, 4 albums studio et 2 live, on ne peut pas dire que la productivité soit le maître-mot du quartet, dont le rock espiègle et contestataire rencontre, malgré tout, un public conséquent, séduit par les très nombreux concerts du groupe. Car c'est en effet en live qu'AS DE TREFLE s'épanouit et prend toute sa mesure. Et c'est, forcément, dans l'optique du live qu'a été conçu ce (Pas) Comme tout le Monde, quatrième album qui, tranquillement, en évoquant les regrettés Louise Attaque, pose un peu plus le groupe comme une valeur sûre du rock francophone.

La filiation avec Louise Attaque est une évidence, portée par le violon sautillant de Géraldine Bisi. Les premières mesures de "Bonjour à tes parents" ne trompent pas : rythmée, entraînante, reposant sur une base rock acoustique, la musique d'AS DE TRÈFLE séduit sans forcée, portée par des mélodies entêtantes et des textes inspirés, riches en jeux de mots et en allégories ("Ma tige"), qui sonnent juste et bien. Il est à noter que le groupe, autoproduit, bénéficie d'une excellente mise en son, dont le professionnalisme n'est malheureusement pas mis en valeur par le paradoxal amateurisme de la pochette, bien en deçà de ce que le groupe a pu proposer par le passé en la matière.

L'introduction frappe fort, donc, et les qualités de l'album se voient immédiatement confirmées par "Dans les bibliothèques", morceaux aux sonorités reggae qui bénéficie de la présence au chant de Guizmo, un des quatre Tryo, et de la section de cuivres de la Ruda. Un titre collaboratif, gentiment contestataire, fustigeant sans violence les coupes budgétaires faites dans l'éducation et la culture depuis plusieurs mandats présidentiels. Une indéniable réussite, tout comme le percutant "Ça ou d'la merde", pour sa part bien plus électrique, dont la rythmique frénétique et le violon hypnotisant confirment le rapprochement naturel avec Louise Attaque. Globalement, cet album se fait assez énervé, et séduit par son énergie envoûtante : "Les filles", dont les paroles simplistes semblent être un clin d'oeil au "J'aime regarder les filles" de Patrick Coutin, correspond à cet adjectif, tout comme "Du poil autour", aux ambiances quasi-punk, ou encore "Jessica", second titre agrémenté de la présence des cuivres de la Ruda, qui clôt l'album en beauté. Plus mesuré, "Passer l'hiver" prévaut grâce à un refrain très marquant, à scander à l'envi en concert.

AS DE TRÈFLE ne parvient pas malgré tout à faire carton plein, la faut à quelques titres décidément pas au niveau. C'est le cas de l'ovni "Jean-Jacques", hommage complètement halluciné à Jean-Jacques Goldman, handicapé par une tendance à la répétition et une mélodie pas vraiment marquante. Il en va de même pour "En prendre de la graine", redondant et superflu, ou de "Comme tout le monde", pourtant sauvé par un texte nostalgique croustillant.

Fort d'un savoir-faire de 15 ans, AS DE TRÈFLE abat un boulot monstre et propose un album qui, s'il ne fait qu'apporter un peu plus d'eau au rock francophone, se fait chaudement recommandable pour les amateurs de violon (même les amateurs de celtique devraient y trouver leur compte) et de rock survolté, à la manière du défunt groupe de Gaëtan Roussel. Un groupe à soutenir, sur album (vu le prix modique, la prise de risque n'est pas importante) et en live.

3,5/5