La partie bleue, c’est cet endroit au cœur de la flamme où s’opère la combustion, le lieu où tous les éléments, par réaction, se transforment. La pochette suggère un intéressant parallèle avec une silhouette d’arbre environné par le bleu de l’aurore. Magie du symbolisme qui trame des correspondances poétiques. La part bleu de la création. L’alchimie en cours.

Filago, qui prend son nom d’une fleur à pétales jaunes, pratique un folk rock à l’ancienne (à moins que ça ne soit de la pop onirique ou du rock indé ?). Là où Erevan Tusk, groupe de rock élégant auquel appartiennent deux des membres du trio, assume sophistication et goût pour l’efficacité, Filago préfère valoriser, par opposition, une forme de spontanéité et cultiver une certaine indolence. Enregistré en quelques jours, le résultat, logiquement moins imparable et d’une facture un peu plus artisanale que les productions de la formation mère, n’en dégage pas moins une forme de magie douce.

Cet E.P. de cinq titres fonctionne comme une infusion de ballades parfumées, où les couleurs, un peu baveuses, se brouillent et se mélangent en d’intéressantes scènes rêveuses. L’émotion tarde rarement à sourdre. Les percussions sont en apesanteur, les arrangements flirtent avec le psychédélisme, quant au chant, tout en harmonies onctueuses, il fait merveille ; il faut les entendre, ces espèces de montées vocales, façon panaches de fumée, sur le refrain de « Thimister ». Mais il faut dire que, même cerné par le silence, par son tour de chant, Jim parviendrait sans doute encore à extirper des pépites d’or. « Funnel » est le morceau le plus entraînant, et n’est d’ailleurs pas sans rappeler le groupe Starboard Silent Side. Tous les titres sont réussis et les approximations qu’on décèlera ci et là font partie du charme.

Les textes, par petites touches visuelles, font naître des images, des impressions. Instants suspendus, ce sont des souvenirs transformés en poèmes. Outre le dernier morceau, « I Can See You Spark », qui comporte textuellement l’expression « the blue part in the flame », et l’amoureux « Salty Rose », celui qui exploite le plus la figure du feu, c’est « Thimister », inspiré du lieu où a été enregistré l’album, un manoir venteux qu’un feu de cheminée réchauffait péniblement. Le bucolique « Ebbing » est peut-être le plus littéraire, plein de senteurs qui remontent du passé et où l’on se retrouve à « pêcher dans le nombril de Dieu à l’aide d’un lacet noué à une tringle à rideau ».

Un bel E.P. dont la flamme, loin de nous cuire, nous réchauffe amicalement.