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MODEST MOUSE - Good News For People Who Love Bad News (2004)
Par BAAZBAAZ le 4 Octobre 2005          Consultée 4873 fois

Ça grince, ça tangue, ça crisse et ça roule. C'est du rock indépendant et ça se sent. Une guitare ici, un banjo là. Puis un Mellotron – forcément –, et un piano ailleurs. Une batterie, des percussions dans tous les coins, et des cuivres, et des cuivres encore. Un Ukulele, aussi, derrière les synthés rafistolés.
C'est ça, le dernier Modest Mouse. Un foutoir musical qui tient du miracle : ça pourrait craquer, déborder, et puis se perdre en route. La cacophonie pourrait guetter. Mais non, rien n'y fait. Si ce disque est miraculeux, c'est grâce à sa cohérence. A sa précision et à sa maîtrise. Et surtout à la plus formidable collection de chansons que l'on a entendues depuis…

Depuis qui, au fait ?

Quand le rock indépendant, qui fourmille de groupes capables aussi bien des plus intenses fulgurances sonores que des enlisements bruitistes les plus poussifs, a-t-il accouché d'un tel album pour la dernière fois ?
On me parle de Pavement. Oui ce groupe était bon, mais il savait aussi être si soporifique et pompier… On me parle de Granddady. Mais personne n'a jamais dansé sur leurs albums, alors que Modest Mouse nous a balancé ici un disque à bouger et à suer. Pas un disque dont la musique serait à contempler. Et Granddady, à ce sujet, n'a pas toujours été très net. Alors bien sûr, cela exclut aussi d'emblée Mercury Rev. Mais eux n'ont jamais écrit le moindre tube, de toutes façons.
Non, franchement, Modest Mouse est tout seul. Le rock indépendant ne vient pas d'être sauvé et réinventé par un courant, une école, une chapelle. C'est à un groupe fondé en 1993, qui a déjà sorti cinq albums, qui a galéré, bossé, évolué et enrichi – parfois épuré – son style, que tout un courant musical doit son renouveau.
Une décennie à mûrir un miracle, un instant de grâce imprévisible, enraciné dans l'effort d'une longue carrière musicale, mais aussi terriblement spontané et inattendu. Une surprise que l'on aurait du voir venir, en somme.

Car bien sûr, Modest Mouse a toujours été bon. Le fer de lance d'un rock lo-fi déglingué et groovy, puisé à des sources aussi éclectiques que Bowie, Tom Waits ou les Pixies. Et le funk, et le punk, et la New Wave. Et les Talking Heads, aussi. Mais eux sont décidemment trop cités, ces jours-ci. Alors oui, ils ont toujours été bons, mais à force, ils sont devenus encore meilleurs.
La vrai claque de l'album, c'est peut-être cela : la leçon du temps. Le petit rappel d'une évidence, à savoir que le talent demande aussi du travail. Le long cheminement d'un groupe, son perfectionnement, la quête incertaine du vrai chef d'œuvre que les années ne terniront pas. Et ça ne fait pas de mal, à une époque où le premier disque un peu brouillon et frais est immédiatement étiqueté comme une œuvre majeure.
Alors on se calme. Parce que le seul chef d'œuvre à perte de vue, c'est celui-là. Cette musique chaloupée, cette voix qui caresse et qui beugle, ces incroyables morceaux à tiroirs, jamais linéaires, toujours surprenants, ces ruptures de ton et de rythme, cette profusion de son, d'émotions, d'ambiance. Et ces tubes, ces tubes à la pelle, à n'en plus finir entraînants, irrésistibles, martelés comme si le rock indépendant passait en discothèque…

Difficile de se rappeler depuis quand un disque avait été aussi triste et aussi dansant à la fois.

En 13 chansons et 3 interludes, pas un faux pas. Aucun déchet. Une immersion sans faille dans une fête foraine, une foire aux instruments, un festival de trouvailles, de couplets désordonnés et de refrains assassins, des ponts, des glissades, une musique où même en arrière-plan, il se passe toujours quelque chose.
Mais une fête un peu lugubre, un peu pathétique. Car si la musique de Modest Mouse a souvent un aspect assez joyeux – on boit et on fume en écoutant tout ça –, les mélodies faussement hétéroclites recèlent une part d'ombre, comme un revers de la médaille : c'est une vraie tristesse qui se dégage de l'album, une douceur et une douleur cachées derrière les éclats de voix bruyants et nerveux. Et lorsque s'arrête le dernier morceau, c'est un optimisme chagriné et amer qui s'est depuis longtemps installé.
Seulement maintenant, on sait que la tristesse se danse. Qu'elle remue, qu'elle balance dans tous les sens, qu'elle gueule, qu'elle racle et qu'elle s'étale sur un rythme cassé, rompu, à la fois déstructuré et millimétré.
Terriblement rustique, fièrement bouseux par instant – le rock est ici bien planté dans la terre – Modest Mouse se révèle aussi fabuleusement moderne. Rude et sautillant, avec un arôme très pop, plus accentué que lors des albums précédents qui – bien que très bons – avaient parfois du mal à passer d'une traite.
On ne dira pas pour autant que c'est un disque parfait. Ce serait trahir l'équilibre précaire et hasardeux, à la limite de la débandade sonore et de la catastrophe auditive, qui le caractérise.

Non, ce disque est en fait délicieusement imparfait.

A aucun moment il ne s'arrondit et ne prend par la main celui qui ose le suivre dans son périple musical. L'album n'a pas été briqué et poli. Il n'est pas très propre sur lui. Les instruments sont stridents, les synthés produisent des bruits étranges, la rythmique s'emballe et ralentit en élastique, sans compter l'impression persistante qu'un autre groupe jouant à côté a été enregistré en fond par mégarde.
Tout cela est évidemment sous contrôle. Chaque chanson qui menacerait soudain d'imploser dans ses propres élucubrations est immédiatement recadrée par une petite mélodie serrée, par un retour de groove en forme de saut périlleux par-dessus l'assaut des chœurs venus tempérer les errances vocales. Parti furieux, donnant d'un coup le meilleur de lui-même à force de tubes bouillants, le disque finit d'ailleurs par s'assagir avec une poignée de morceaux apaisés : si l'album s'est bien vendu, ce n'est par hasard.
C'est ça, le miracle. L'équilibre entre une inspiration chaotique – et cahoteuse – et une écriture maîtrisée où les Flaming Lips, attirés par la lumière, ne côtoient Bukowski sur la piste de danse qu'à condition que l'improbable rencontre dans ce lieu impossible ait été superbement mûrie et délimité.

Un génie, on vous dit.

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- Isaac Brock (chant, guitare)
- Eric Judy (basse)
- Dann Gallucci (guitare)
- Benjamin Weikel (batterie)


1. Horn Intro
2. The World At Large
3. Float On
4. Ocean Breathes Salty
5. Dig Your Grave
6. Bury Me With It
7. Dance Hall
8. Bukowski
9. This Devil's Workday
10. The View
11. Satin In A Coffin
12. Interlude (milo)
13. Blame It On The Tetons
14. Black Cadillacs
15. One Chance
16. The Good Times Are Killing Me



             



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