Faisons d'abord le point sur un malentendu...

LYKKE LI, tout le monde connait. Non ? Vous êtes sûr ? N'avez vous jamais entendu, sur les radios ou sur le net à la rigueur, mais surtout dans les boites de nuit ou autres clubs pour ceux qui ont mauvais goût, cette chanson "I Follow River" ? Mais si, entre deux rasades de cocktail hors de prix et quelques pas de danse hasardeux pour essayer de draguer, au choix, le mec pseudo viril aux tatouages tribaux ridicules, ou la nana siliconée qui fait des duckfaces avec ses copines en posant pour des selfies sur on smartphone dernière génération, vous vous êtes surpris à vous agiter en chantant ce refrain entêtant: "Aïe Aïe follow, Aïe follow you / Ni ni Baby / Aïe follow you !...".

Voilà LYKKE LI. Enfin, presque. Car ce morceau n'est qu'un remix par THE MAGICIAN de "I Follow River". La chanson originale, si elle a été reprise par plusieurs films, n'a pas eu le même succès que cette version dance-floor insupportable. Merci THE MAGICIAN d'avoir bousillé une belle chanson en un truc disco infâme ! Rien de tel pour ruiner la réputation d'une artiste qui possède un réel talent !

Ce succès, la jeune suédoise n'en est pas sortie indemne. Face à une célébrité inattendue grâce à "I Follow River" et son album Wounded Rhymes, ainsi qu'une rupture amoureuse qui l'a profondément marqué, LYKKE LI a voulu prendre du recul, un recul nécessaire pour entreprendre ce nouveau disque, le troisième déjà.

I Never Learn est un titre éloquent quant à ce disque, tant ses neufs chansons parlent d'amours brisées, de désillusion, et des erreurs que l'on répète. "I never learn" ne veut pas dire "Je n'apprend rien" par hasard. Plus sobres, sans ajouts électroniques, mais avec des arrangements très soignés, les chansons de I Never Learn touchent en plein coeur, parlent à tout le monde. Avec un chant qui n'est pas sans rappeler une LANA DEL REY en plus humble, discrète et bien moins superficielle, LIKKE LI, dévoile ses blessures avec une élégance rare.
Mélancoliques, mais sans nager dans le mélo, ces chansons sont entraînantes, avec toutes un potentiel tubesque imparable, que ce soit le poignant "Never Gonna Love Again", "Heart of Steel" et ses choeurs gospel, le sublime "No Rest For the Wicked" ou "Just Like a Dream" et leur touche d'exotisme, ainsi qu'un "Gunshot" plus virulent. "I Never Learn" et "Sleeping Alone" ouvre et clôture l'album par leur courte durée et leur quasi optimisme musicale (contrairement aux paroles).

Cependant I Never Learn ne jouit pas que de qualités. En particulier avec "Love Me Like I'm Not Made of Stone". Unique morceau acoustique de l'album, ce qui pourrait passer pour une superbe ballade est gâchée par une guitare au son trop sale, comme une démo mal enregistrée. Et la voie de LYKKE LI, jusque là divine, se fait irritante. Elle force trop sur son chant, ce qui ne colle pas avec un arrangement dépouillé à l'extrême.
Autre défaut, la construction des chansons et les arrangements sont trop similaires, un refrain épique succède machinalement à un couplet plus sobre. Pour ceux qui écoute la galette d'une seule oreille, l'impression d'écouter toujours la même chanson risque d'être de rigueur.

Heureusement, sa courte durée (à peine plus d'une demi-heure), est un avantage, et permet d'accrocher l'auditeur jusqu'au bout. S'il était plus long, il est fort probable qu'il aurait fini par être lassant. Que l'on ne s'y trompe pas, I Never Learn est un très beau disque, empreint d'une douleur lourde, mais jamais étouffante. C'est tout le talent de l'intrigante suédoise que de rendre l'ombre plus lumineuse.

Un 3,5 que j'arrondi à 4, pour saluer la sincérité de l'artiste.

A écouter absolument: "No Rest For the Wicked", "Gunshot", "Never Gonna Love Again", "Sleeping Alone"
La déception: "Love Me Like I'm Not Made of Stone"