Depuis sa signature avec le label Blue Note en 2013, José James s’éloigne peu à peu de ses racines jazz. Il va mettre fin à ce drôle de paradoxe au printemps prochain avec la sortie d’un album hommage à Bille Holliday, sa mère spirituelle. En attendant, While You Were Sleeping fait suite à No Beginning No End et prouve l’attachement du chanteur pour les titres aux consonances mystérieuses, miroirs de sa musique envoutante.

Une nouvelle fois, l’auditeur est invité à vivre un songe éveillé, et tel un somnambule, à se promener au milieu de chansons oniriques, très bien écrites, aux compositions variées, aux arrangements travaillés, à la production impeccable. While You Were Sleeping comporte sans doute moins de morceaux de bravoure que son prédécesseur. Mais il emporte l’adhésion sur deux points: moins dans la retenue, José James se montre sous un jour plus ambitieux, et surtout, les cuivres occupent désormais une place mineure dans sa palette sonore, plus électr(on)ique et plus pop.

Derrière lui, il peut toujours compter sur ses fidèles collaborateurs, le génial Kris Bowers aux claviers, Solomon Dorsey à la basse, et Takuya Kuroda en ami guest-star sur la reprise de la magnifique chanson d’Al Green « Simply Beautiful ». Si cette nouvelle version est rehaussée d’un beau solo de trompette, les arrangements surchargés ne permettent pas à José James de donner sa pleine mesure, ce qui est regrettable sur une chanson où la voix se doit de résonner avec profondeur, comme à l’intérieur d’ une église.

L’ensemble de l’album est composé par José James et ses complices. Certains verront dans telle chanson une référence à Jimi Hendrix, dans telle autre à Nirvana. While You Were Sleeping est surtout empreint du style de son chef d’orchestre, attaché à ses racines musicales certes, mais surtout visionnaire. La pédale wah-wah d’ « Angel », la rythmique de « U R the 1 » qui échaffaude un groove en béton armé, les rêveries acoustico-électroniques de « While You Were Sleeping » installent l’album sur des bases solides et ne sauraient cacher l’atout maître de José James : les mélodies.

En effet, les mélodies, enivrantes, variées, soul, entêtantes, envoutantes, séductrices, pop font de While You Were Sleeping un recueil de chansons accessibles qui évitent avec bonheur l’écueil du déjà-entendu. José James sait envoyer la subtilité au diable quand il le faut (« Every Little Thing »), revenir à des nuances plus éthérées (« Dragon » en duo avec Becca Stevens) ou se laisser transporter par un orchestre à cordes (« 4 Noble Truths »).

Album idéal pour découvrir le talent de l’étonnant José James, While You Were Sleeping comblera aussi ceux qui le suivent depuis quelques années. Que dire de plus ? Le changement dans la continuité, la volonté d’être accessible au plus grand nombre doublée d’un perfectionnisme et d’une exigence remarquables, l’expérimentation de nouvelle sonorités nourrie d’un patrimoine musical riche… José James aurait-il la marque des grands ?