Qui a inventé le bruit dans le rock ? Les historiens du proto punk se déchirent sur cette question à coups de querelles byzantines sans fin… Dès les fifties, HASIL ADKINS, pratique un rockab déviant. Durant les sixties, les anglais TROGGS (avec leurs riffs préhistoriques) et WHO (surtout en live pour ces derniers) manient le feu d’artifice décibélique… Mais à notre avis la réponse se situerait plutôt vers un groupe étiquetté Garage rock ricain nommé les SONICS, originaire de Tacoma dans l’état de Washington. Rien que le nom ! Le groupe faisait référence aux usines Boeing voisines et effraya son environnement par un bruit d’enfer entre 1963 et 1968. Bien souvent ce sont, en effet, les stridences urbaines qui déterminent l’œuvre des grands bruitistes du rock.

Ainsi quelques années plus tard, les MC5 et autres STOOGES (bien influencés par les SONICS) avoueront que le bruissement continu des usines Ford de Détroit aurait eu des répercussions sur leurs cervelles cinglées…Et je ne parle pas évidemment des ténors du rock industriel dans la décennie suivante… En plus des sidérurgistes de Détroit, leur impact se démarque auprès de toutes les vagues Garage punk se multipliant à l’infini depuis la fin des années soixante. CRAMPS, FLESHTONES, FUZZSTONES, NOMADS, DEAD KENNEDYS, NIRVANA, MUDHONEY, WHITE STRIPES et bien d’autres déclareront maintes fois leur amour pour le quintet sauvage.

Reformés en 2008, nos bicentenaires experts du « gargouillis n roll » ont refait quelques tournées et viennent de sortir un nouvel album…Cent ans ans après le dernier ! Et avec quand même trois membres originaux. On se retrouve dans le bain avec une formule immortelle, à la fois dansante et destroy que seul un Jon SPENCER pourrait incarner depuis bientôt trente ans à travers ses innombrables gangs. On baigne dans l’ambiance du florilège sixties avec d’anciens morceaux revisités et des nouveaux brûlots qui feraient sans problème danser un tétraplégique ou même l’Aigle blanc… Sinon le son est bien crade et trash créant une ambiance orgiaque. C’est du pur SONICS, il n’y a pas de doute, écoutez particulièrement "I got a number", "Leaving here" ou "Livin a chaos". "Look at little sister" fait même penser à leur classique "Cindirella".

Les hostilités s’ouvrent pourtant avec "I Don’t Need no doctor" qui sonne presque comme du MC5 seconde période. Les racines roots ressortent bien comme peut l’illustrer "you can’t judge the book by the cover", reprise de l’énorme Bo DIDDLEY. "The hard way" sonne mème garage punk (le mot punk n’est pas de trop). Les vocaux sont fortement imprégnés par Little RICHARD surtout sur "Sugarree" où l’imitation du rocker homo noir est troublante. Sur "Be a woman", les hurlements sont carrément impressionnants ainsi que sur "Look at little sister" avec son refrain entétant. La carotide est à deux doigts d’exploser ! On entend plusieurs fois des enthousiasmants "Hey hey" qui nous entrainent dans cette infernale farandole.

Les riffs de gratte peuvent être très lourds ainsi sur "Be a woman" ou "Save the planet" avec quelques fois des riffs up tempo bien catchy comme pour "Spent the night". Ce disque est évidemment une ode à la fuzz, voyez donc "Save the planet". Il y a même un solo heavy rock sur "Living in chaos". L’orgue parait convulsif sur "Bad betty", le saxo de "Sugaree" est carrément épileptique et l’harmonica de "Leaving here" ne peut-être que frénétique. Le piano s’emballe comme au bon vieux temps de Jerry Lee LEWIS, c'est flagrant sur "I got your number".

Il n’y a pas de doute, on est toujours en 1966 !