David DUCHOVNY a-t-il réellement quitté le rôle de Hank Moody, qu'il campait ces dernières années dans la série Californication ? Cet écrivain à la fois dilettante et torturé, amateur de whisky et de parties fines, qui collait fort bien à l'image de l'acteur lui-même en proie à une certaine exubérance sexuelle. Alors que la fin du show, quelque peu bancale et expédiée, nous a laissé comme un léger goût amer, voici que l'éternel interprète de Fox Mulder propose, à 54 ans, un premier album qui aurait pu être composé par Moody. Mise en abîme.

David DUCHOVNY ne se pose pas comme ces acteurs-chanteurs clamant, lorsqu'on les surprend à pousser la chansonnette, que la musique a toujours été leur passion première. Non, le bonhomme se la joue modeste, n'hésitant pas à décrire cette souffrance qu'a été le travail en studio. Il faut dire que l'acteur s'y est mis sur le tard : un divorce, une garde d'enfants partagée, et voici que David trouve le temps d'apprendre la guitare. Peu à peu, il créé des mélodies, qui s'avèrent parfaitement adaptées pour mettre en musique des poèmes, écrits au fil des années. Hell or Highwater est le fruit de ce travail sans prétention, qui s'avère autant surprenant que réussi.

On pense parfois à Neil Young, à R.E.M., souvent à Bob Dylan. La teneur de cet album est à la fois rock et folk, infusée dans un soupçon de country, un album "coin du feu" qui se laisse déflorer tranquillement, délicatement. La voix n'est pas puissante, mais marquée par une sensibilité à fleur de peau. Le timbre est chaleureux, et les lignes vocales, presque timides, témoignent d'une certaine nonchalance d'un artiste lucide et éprouvé. Il est question, essentiellement, d'amour, que le bonhomme évoque sur fond d'un rock à la fois simple et catchy, en atteste le morceau d'ouverture "Let It Rain", à la fois calme et entraînant. Ce morceau donne le ton à un album loin d'être avare en belles mélodies : le refrain de "Hell or Highwater", mélange entre Dylan et Springsteen, est sans doute l'une des plus belles réussites de l'opus, tout comme la délicate ballade "Lately It's Always December", dotée d'un feeling ’70s poignant. En ne proposant pas un album "à voix", qu'il n'a pas, David DUCHOVNY favorise ainsi les compositions, affinées pour séduire sans réserve. Dotée d'un côté folk-rock plus moderne, "Another Year" nous transporte grâce à ses chœurs entraînants, tout comme le titre final, "Positively Madison Ave", nous séduit grâce à ses guitares rugueuses façon Neil Young.

Est-il toujours dans un rôle ? Ou est-ce lui, finalement ? Peu importe, David DUCHOVNY, artiste multi-talents, est grand. Si la voix est fébrile, le propos est, en toute modestie, sûr de lui. Sans réelle faiblesse, si ce n'est une légère tendance à la répétition, ce premier effort est une réussite à la fois surprenante et, finalement, si prévisible.

3,5/5