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ROCK PSYCHÉDÉLIQUE  |  STUDIO

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1968 The United States Of America
 

- Style : Frank Zappa , Pink Floyd, 13th Floor Elevators, The Velvet Underground
- Style + Membre : Joe Byrd And The Field Hippies

The UNITED STATES OF AMERICA - The United States Of America (1968)
Par JOVIAL le 16 Novembre 2015          Consultée 2940 fois

The United States of America ... Un nom aussi recherché pour un groupe new-yorkais aura de quoi faire sourire, mais n'a toutefois rien à voir avec une panne d'inspiration de la part de son principal géniteur, Joseph Byrd. Ce nom était avant tout un programme, un projet musical qui devait mener à la réalisation d'une fresque géniale comportant plusieurs niveaux de lecture.

Il s'agissait tout d'abord pour Byrd et ses cinq autres comparses de produire une œuvre capable de résumer, en un seul album, le paysage musical d'une jeunesse américaine amatrice de rock psychédélique et de pop anglaise. On ne s'étonnera donc pas de se retrouver en face d'un disque qui ne cache en rien ses influences et va même jusqu'à les imiter. La chanteuse Dorothy Moskowitz rappelle immédiatement Grace Slick; le violon électrique de Gordon Marron se contorsionne à la manière de celui de John Cale; le jeu des instrumentaux emprunte autant à LOVE, aux 13TH FLOOR ELEVATORS, à IRON BUTTERFLY qu'aux BEATLES et on en passe beaucoup. Même cette fanfare qui ramène de temps à autres le bout de ses cuivres au cours de l'album nous renvoie aux amis de Red Krayola, qui en avait expérimenté un usage assez sacrilège un an auparavant. L'expérimentation d'ailleurs, voilà le maître mot de cette nouvelle vague. PINK FLOYD, The VELVET UNDERGROUND et bien entendu Frank ZAPPA gagnent ainsi une place de choix sur la toile, y siégeant confortablement en conseillers tordus et inspirateurs. La Cène est presque achevée. Mais Joseph Byrd y apporte une dernière nuance plus personnelle, certes légère mais d'une importance certaine pour le tableau, à savoir un soupçon de musique concrète. Il faut d'ailleurs préciser que notre homme fut formé à l'université de Berkeley en compagnie de Steve REICH et Terry RILEY, qu'il fréquenta également La Monte YOUNG et Morton FELDMAN et qu'il fut élève de John CAGE en 1960 (1). Forcément, ça laisse des traces et une approche assez particulière de la musique.

Et évidemment, la représentation est assez peu réaliste. La peinture coule, les formes sont grotesques, les couleurs trop criardes ou au contraire trop ternes. Raphaël fait une overdose de LDS en contemplant Michael-Ange. Les souvenirs d'une enfance colorée virent au cauchemar halluciné, pollué à l'éther (« The American Metaphysical Circus »). Le docteur Frederick Von Meir scapelise Teddy Bear et le gosse sourit, du fond de la déprime. Les belles chansons d'amour ne sont plus que cartoons ubuesques (« I Won't Leave My Wooden Wife For You, Sugar ») quand ils ne sont pas exaltations électroniques, où la magnifique Dorothy Moskowitz n'est guère plus capable de faire éjaculer qu'un ring modulator. La ballade du dimanche s'est transformée en flânerie astrale (« Cloud Song ») et le sermon respecté du vieillard en messe sinistre où le latin remplace l'anglais en canon (« Where is Yesterday »). « The American Way of Love » s'achève enfin en un samplage vaporeux où les souvenirs malades rejaillissent en vrac, incontrôlables et obsédants.

The United States of America est un album déroutant. Pas de guitares, des textes pessimistes voire pernicieux, toute une rhétorique musicale allant à l'encontre de l'esprit Flower Power pourtant à son origine. N'est-ce donc qu'une critique de la naïveté de ce mouvement ? La sclérose qui guette, les lambeaux d'une illusion qui s'arrachent sans peine pour ne laisser qu'une réalité honnie par tous, Byrd et son groupe en tête ? Le fait que seule la chanson à peu près « normale » du lot soit un hommage à Che Guevara (« Love Song for the Dead Ché ») pousse à trouver une explication politique. Mais cela, de même que l'appartenance de Byrd au Parti Communiste américain, ne transparaît guère autrement dans l'œuvre. Le jusqu'au-boutisme de ce groupe éphémère, qui va jusqu'à utiliser des instruments spécialement conçus par l'ingénieur Richard Durrett, rappelle quand même la table rase. Les interprétations sont multiples et se valent sans-doute chacune.

Quoi qu'il en soit, l'album s'affranchit nettement des convenances de l'époque et demeure en cela assez précurseur. À l'instar d'artistes tels que ZAPPA, le VELVET UNDERGROUND, les SILVER APPLES ou WHITE NOISE, il représente l'apparition d'une « seconde voie » du rock psychédélique, non commerciale et aventureuse, qui ne cesse de s'affirmer depuis 1967. L'irruption d'une radicalité musicale inédite qui conduira en ligne droite aux franges les plus catégoriques des musiques dites « progressives », allaitant peut-être les KING CRIMSON et les CAN qui eux-mêmes feront naître les vocations que l'on sait.

Est-ce pour autant un bon disque ? Oui. La beauté est noire, acide, les ambiances originales, variées et ne manquent pas d'efficacité. « Where is Yesterday » peut constituer une pause peut-être regrettable pour certains, mais redonne un peu de souffle au centre de la pièce. Les déçus le seront principalement en s'attendant à un album de rock psychédélique traditionnel. Il est évident qu'y rechercher du JEFFERSON AIRPLANE ou du LOVE ne mènera pas à grand-chose, sinon à la revente de cette galette. Du rock hippie trafiqué, frelaté, voilà ce qu'est The United States of America. Malsain et étrange, cependant fascinant, jusque et y compris dans l'horreur sucrée de « The American Metaphysical Circus ». Mais qui, à la manière d'un The Piper at the Gates of Dawn, permet un autre type de plaisir. Moins direct peut-être, plus subtil et qui ne fera, lui non plus, jamais l'unanimité.


Note : 4/5

(1) Selon les propos de Joseph Byrd, il serait même le dernier élève du compositeur américain. À vérifier.

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- Population :
- Joseph Byrd (claviers/calliope)
- Dorothy Moskowitz (chant)
- Gordon Marron (violon)
- Rand Forbes (basse)
- Craig Woodson (batterie)
- Avec :
- Ed Bogas (claviers)
- Richard Durrett (conception instr.)


1. The American Metaphysical Circus
2. Hard Coming Love
3. Cloud Song
4. The Garden Of Earthly Delights
5. I Wont Leave My Wooden Wife For You, Sugar
6. Where Is Yesterday
7. Coming Down
8. Love Song For The Dead Ché
9. Stranded In Time
10. The American Way Of Love



             



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