Jochen Arbeit, Günther Schickert et Schneider TM. Ces trois noms ne disent pas grand-chose, si ce n'est rien, au commun des mortels et pourtant, en dépit d'une célébrité relative dans certains cercles, il s'agit de musiciens ayant marqué chacun à leur époque la musique allemande. Schickert, le plus vieux, est un guitariste hors pair dont le plus gros de la carrière réside en des albums de musique électronique innovants, surtout Samtvogel (1974) qui a la particularité de n'avoir été joué qu'avec des guitares. Arbeit, lui, est guitariste au sein de Einstürzende Neubauten, groupe culte et grosse référence de l'indus, depuis 1997. Enfin, Schneider TM a un passé peut-être moins connu de certains, mais a le mérite de mener sa barque électro avec brio depuis le début des années 2000. Trois musiciens d'univers à la fois proches et différents, et qui s'associent en 2016 le temps d'un album.

Arbeit, Schickert et Schneider s'associent donc pour ASS, un album portant par conséquent un nom assez ridicule pour un anglophone débile, mais qui est avant tout geek. En effet, la très belle pochette ainsi que les noms des morceaux parlent assez explicitement de l'acide acétylsalicylique, qu'on abrège en aspirine. On a donc là un trio de rock expérimental évoquant un élément de science, voilà donc une bonne raison d'apposer la mention « krautrock » sur ASS. Après, c'est plus du rock électro-expérimental, certes.

Outre ces batailles de chapelle, ASS est avant tout un album de musique plaisant à écouter. Les trois musiciens offrent une œuvre planante et bien rôdée, et qui n'arrive jamais à être ennuyeuse. Encore que ce n'est pas forcément gagné avec les 4 premières pistes. ASS commence ainsi dans l'ambient assez sombre et proche par moments du drone, et il faut bien avouer qu'on a vu mieux dans le genre. Mais le son est assez beau et les ambiances tissées assez crédibles pour être réussies. Mais concrètement, c'est lorsque Schickert pose ses fameux accords de guitare sur "41°" que la machine s'emballe concrètement pour donner quelque chose d'accrocheur.

En vérité, la seconde moitié de l'album, une suite constituée des trois derniers morceaux, est la meilleure. Alternant ambiances crépusculaires et tropicales ("Acetyl") avec de l'électro finement ciselée ("Salicyl"), les trois musiciens s'unissent pour un résultat captivant, ne révolutionnant rien dans le domaine mais faisant la différence entre le savoir-faire musical et un travail fait à l'arrache et avec mauvaise volonté.

ASS n'est clairement pas l'album de l'année ni une nouvelle ou future valeur sûre de la galaxie krautrock, c'est une évidence. Mais sans pour autant dire que ça suffit en 2016, il paraît clair qu'Arbeit, Schickert et Schneider, trois hommes clairement doués chacun de leur côté, ont pu offrir une œuvre collective convaincante et méritoire. Il est alors temps d'espérer une nouvelle collaboration, cette fois plus réussie bien entendu.