Charles AZNAVOUR approche de la cinquantaine lorsque paraît Non, Je N’ai Rien Oublié, pourtant il est partout, sur toutes les routes, toutes les scènes, partout tournent ses disques. À l’écoute de son époque, il se rapproche des instruments électroniques pour créer, s’approche aussi de la musique pop tout en restant fidèle à lui-même et à sa nostalgie.

On le retrouve avec la chanson titre "Non, Je N’ai Rien Oublié", un souvenir qui vibre encore, qui serre la gorge autant qu’il réchauffe. On y sent le sentiment d’amour puissant d’une précision dramatique aux allures d’un petit film. Parfois parlée, parfois murmurée et toujours mêlée à une orchestration somptueuse. Cette chanson nous fait ainsi intimement entrer dans le disque à l’intérieur duquel, très rapidement, le temps devient personnage central. Ce que l’on a dit, ce que l’on n’a pas dit, ce que l’on regrette ou pas, ce qui se tait, par pudeur ou par fatigue. Alors AZNAVOUR déroule des souvenirs et des pensées. La chanson "Un Par Un" malgré la mélancolie de son thème, se pare d’une clarté musicale comme un éclat de lumière douce, le transformant en un titre plutôt charmant.

Puis, vient "Ma Vie, O Ma Vie". Voici le souffle du music-hall, les cuivres éclatants, le piano en accords bondissants, le swing élégant. La musique pétillante contraste volontairement avec la voix qui s’y brise peu à peu, qui s’élève aussi. AZNAVOUR s’amuse de sa propre nostalgie en lui offrant un écrin joyeux.

"Comme Les Roses" survient comme un lent effeuillage du cœur. Tout y est plus contemporain : les textures, l’arrangement, le tempo. Et pourtant, l’émotion est ancienne. Une nostalgie élégante y flotte doucement. Mais, rien ne prépare totalement à "Mourir D’aimer". Chanson née d’un drame réel – le suicide d’un enseignant condamné pour avoir eu une relation avec une élève – et écrite pour accompagner le film de ce fait divers. Au-delà de l’histoire autour de cette chanson, elle est une pièce bouleversante par sa retenue et sa dignité. Pas d’effondrement lyrique, seulement une mélodie qui épouse le texte.

Après le sommet émotionnel de l’album, AZNAVOUR change de registre sans rompre le fil et se fait conteur, avec sa voix tendre. Il nous accueille sur une mélodie plus légère avec "L'instant Présent". Presque hypnotique, avec son rythme régulier et ses aigus délicats, appelle à vivre l’instant présent comme une urgence douce. Un joli moment, touchant. "Partir" est à l’image des autres chansons, le titre annonce le thème, les arrangements mêlent orchestre et touches modernes et la chanson avance joliment. "J’ai Vécu" est simple, tranquille, presque dansante avec son rythme souple. C’est "Je Ne Veux Plus Parler D’amour" qui vient clore l’album, rythmée, music-hall, avec des guitares et des rythmes modernes. AZNAVOUR adopte un ton tantôt lyrique tantôt espiègle et crée un morceau dynamique et nostalgique comme il sait les faire.

En somme, ce disque s’inscrit avec une belle cohérence dans la lignée des précédents. Il n’en bouleverse par la grammaire mais en affine les contours. C’est un opus qui ne cherche pas à conquérir un nouveau public mais plutôt à s’adresser à ceux qui le connaissent et l’écoutent déjà. On y perçoit, çà et là, des touches de modernité dans les arrangements qui sont toujours raffinés et ANZAVOUR s’y montre tendre.