Bien que j'apprécie le travail de GONG sur tous les albums précédant celui-ci, j'ai souvent tendance à penser que ce n'est qu'avec ce You que nos franco-britanniques préférés se sont enfin rendus compte qu'ils pouvaient faire de la très très grande musique. Si le côté psyché et volontairement délirant des autres albums n'est pas non plus à dénigrer, ce troisième et dernier album de la Radio Gnome Invisible est d'un tout autre niveau. Plus jazz que ses prédécesseurs, sans pour autant renier ses racines acid/psyché voire space rock, il s'agit ni plus ni moins de l'oeuvre la plus aboutie de GONG, qui ne fera d'ailleurs jamais mieux.

Pourtant, tout semblait repartir comme sur Angel's Egg. Avec les très simples et toutes gentilles "Thoughts For Naught" et "A PHP's Advice", GONG feint d'abord de reprendre le côté complètement barré qui était jusqu'ici sa marque de fabrique. Mais il trompe bientôt son auditeur par des compositions délicates, aux sonorités plus orientales pour la première, plus enfantines pour la seconde, sans rallonger les débats ni abuser d'effets qui auraient pu légitimement agacer. Enfin je vous rassure, ce "côté complètement barré" dont je viens de vous parler n'est pas pour autant laisser à l'abandon, et est au contraire bien mieux exploité. Vous n'avez qu'à écouter la géniale "You Never Blow Yr Trip Forever" et son électronique acidulée pour vous en rendre compte, ou la joyeuse "Perfect Mystery", courte pièce en perpétuel contre-pied, au demeurant excellente elle aussi, bien que plus directe dans un album plus... spatiale.

"Isle Of Everywhere" et "A Sprinkling of Clouds" sont quant à eux les morceaux les plus posés de l'album, mais sont peut-être aussi ceux qui nous font le plus décoller de notre torpeur habituelle. Les effluves électroniques de "A Sprinkling of Clouds" nous transportent doucement vers des cieux plus que transcendants, qui peu à peu gagnent en intensité et délire, jusqu'au final s'achevant en un festival de saxophones, guitares et flûtes, déroutant sans être agressif. Il est d'ailleurs important je pense de souligner la performance du grand Didier Malherbe, royal à chacune de ses interventions, nous caressant le visage de ses solos de saxophone sur la sensuelle "Isle Of Everywhere", pour laquelle je fais souvent une overdose. Mais là où l'on prend vraiment sa claque, c'est bien sûr sur le classique des classiques gonguesques qu'est "Master Builder", faussement planante mais faussement frénétique également, toujours en flottement dans un air absolument unique où la transe devient un passage obligatoire.

L'album de GONG qu'il faut avoir écouter avant de mourir. Alors une fois que vous avez fini de tirer dessus, soyez gentils, faites le tourner.