Crises souffre de son statut de "grand classique des années 80", le genre de disque que l'on déniche facilement dans les foires aux puces tant il s'en est vendu en 1983 surtout grâce à Moonlight Shadow, tube ultra diffusée à la radio. Et comme aujourd'hui, il est souvent de bon ton chez les critiques de casser ce type d'album, trop "mainstream" et à la production trop ancrée dans son époque, Crises se paie aujourd'hui une bien mauvaise réputation...
Certes, on peut lui reprocher son aspect calculé et son manqued'authenticité mais on aurait tort d'ignorer la talent qu'il faut réunir derrière pour commettre ce genre d'exploit musical : réaliser un album calibré avec une certaine exigence artistique sans trahir ses origines musicales.
Non seulement ce n'est pas à la portée de tous mais on n'y arrive pas à tous les coups (Mike le démontrera par la suite).
Le huitième projet de Mike Olfield est le résultat des quelques années de recherche du compositeur qui souhaitait ardemment réaliser un album aussi brillant, tubesque et complexe que Arrival du groupe Abba qui l'avait fortement
impressionné dans les années 70. Il y eut quelques tentatives plus ou moins réussies avec l'album Platinum et quelques titres sortis sur les suivants.
Mais avec Crises, Mike atteint enfin son objectif tout en conservant son style progressif, ses envies guitaristiques et électroniques. Crises est de ce point de vue une réussite totale. Il n'y a qu'à écouter la face b pour se rendre compte à quel point c'est la classe internationale : morceaux pop ultra bien écrits, efficaces et inspirés, pas de déchets, pas de temps mort, les titres s'enchaînent rapidement, plusieurs styles sont abordés et l’homogénéité est maintenue grâce à une production fine, solide et typée. Mission accomplie pour Mike !
Parlons maintenant du gros morceau, Crises, qui donnera son nom à l'album ainsi que son concept visuel et textuel.
Là aussi, Mike synthétise, se débarrasse du superflu pour ne garder que l'essentiel. Ainsi, la pièce longue de 21 minutes est organisée en 4 parties bien distinctes, chacune possédant des thèmes forts et efficaces. Mention spéciale pour la troisième partie : Mike a rarement composé un thème aussi beau que celui-ci. C'est tout simplement magnifique.
N'oublions que Crises représente aussi une prouesse technique. En 83, cet album avait un son incroyable, mélangeant astucieusement le monde de l'analogique, de l'acoustique et celui du digital avec l'utilisation classieuse du Fairlight. Bref, mis à part quelques sonorités très 80's, c'est une production puissante qui vieillit bien et peut encore aujourd'hui impressionner l'auditeur attentif (le final de Crises et sa superposition monstrueuse de batteries).
Ainsi, définir Crises comme le "Breakfast in America" de Mike Oldfield, le "So" voire le "Rumours"de sa discographie est vrai tant ces albums ont en commun les mêmes caractéristiques : succès commercial au rendez-vous et grande qualité artistique.
Par la suite, Mike tentera de réitérer ce coup de maître sans jamais arriver à atteindre le niveau de Crises : Discovery un poil moins bien, Islands encore moins bien, Earth Moving définitivement moins bien, Tubular III,etc... ainsi va la vie.