L'excellente parenthèse Rock Fantasia Op. 9 aurait sans doute mérité une suite, mais voilà, ce n'est pas arrivé. Ou presque pas. Ayant remporté un franc succès à l'internationale et notamment au Japon, le nom de WURTEMBERG retombe dans l'anonymat et s'efface au profit des 80's, véritables galères pour de nombreux groupes prog français.

Au milieu de la décennie, vers 84-85, Alain Carbonare établi comme luthier dans les Vosges et, entre deux commandes de Yehudi MENUHIN et Mstislav ROSTROPOVITCH, monte une toute nouvelle formation qui lui permet d'ailleurs de retrouver momentanément son ancien collègue de MACHIN alors pianiste de THIEFAINE, Gilles Kusmeruck. Ils forment un trio de psaltérions avec André Hercot, tandis que Jean-Luc Primo (guitares) et Laurent Sigrist (ex-bassiste des compatriotes franc-comtois ANGE) viennent augmenter le groupe.

Un disque est enregistré chez Fred Serry (ex-membre du groupe AUTOROUTE) mais ne verra jamais le jour, sauf de manière détournée par Musea Records, qui édite en 2008 les bandes enregistrées et agrémentées de bonus, tout comme la réédition CD de Rock Fantasia Op. 9.

Les amateurs de ce même premier disque pourraient se sentir vite refroidis par l'introduction. Le son reflète son époque, avec une batterie triggée et des influences rythmiques dansantes, comme le veulent les années 80. Il y a même un caractère exotique, une touche samba, une basse slapée, tandis que les psaltérions sauvegardent l'identité folk. Sur le final, Alain Carbonare se fend de belles parties de piano virtuoses, preuve que le rock progressif n'a pas été délaissé mais qu'il s'adapte seulement, et cela reste très bien fait.

On peut regretter ce son qui manque de relief et paraît un peu sec, le côté léger qui perdure sur "Nymphodanse" et ses influences disco. Les musiciens se font plaisir cependant, et peut-être encore mieux sur les morceaux hard-rock du disque, car il y en a. On parle de "Rockmatique", au final calme et lyrique où Kusmeruck ressort son violon, de "Soleil d'Automne" dont certaines harmonies font furieusement penser à Tony BANKS, le claviériste de GENESIS.

En matière de beauté et d'élégance, "Amanite" figure parmi les plus belles réussites de la sélection, tout comme le traditionnel "Bransle", malgré ses sonorités très "cheap" et sa réverbération oppressante. La mélodie du psaltérion est aussi simple que superbe, de même que la variation militaire sur fond d'orgue et de caisse claire.

Il y a de très bonnes idées et une unité certaine dans le groupe qui emploie à bon escient son bassiste et son guitariste, en dehors des interventions de Carbonare, fort inspirées. Seule la batterie paraît assez lourde. Quant à "Symphomanie", il faut savoir qu'il a quelque peu assis la renommée de WURTEMBERG au Japon, fut même employé comme générique d'une émission là-bas ! Sacrés Nippons, mais on conçoit qu'il leur a été difficile de résister à ces synthés ondulants et au son du psaltérion-basse qui révèle des consonances asiatiques !

Tout cela est déjà bon, quoiqu'un peu bordélique et pas complètement maîtrisé en ce qui concerne les finitions. Les bonus sont agréables, avec un coup de coeur pour l'interprétation de la "Marche du Roi Louis", thème celte de "Planxty Irwin" que TRI YANN avait déjà repris quelques mois plus tôt ("Kalonkadour"). Et ces synthés élégants... L'"Aria" de BACH aussi bien sûr, toujours belle. Si l'on passe outre les imperfections, cela en vaut la peine !