Ex-HICKORY, FLAMING YOUTH est un de ces groupes-étoiles filantes de la scène ouest londonienne à la fin des années 60, à qui tout semble sourire mais qui ne fait que passer. Il est composé de quatre musiciens au talent fort, pourtant même pas sortis de l'adolescence : "Flash" Gordon Smith (guitare, basse) et Brian Chatton (claviers) en sont les principaux chanteurs, puis il y a un tandem de vieux amis et complices musicaux en les personnes de Phil Collins et Ronnie Caryl.

Le groupe est repéré par un duo de compositeurs alors en vue, Alan Blaikley et Ken Howard, qui occupent une maison d'artistes célibataires à toit ouvrant. C'est là que FLAMING YOUTH vient s'imprégner de l'univers du concept-album Ark 2, entièrement écrit par Blaikley et Howard, sous les étoiles et tandis que l'Homme monte marcher sur la lune (nous sommes en plein été 69). Un détail très important pour cette réalisation, mélange de discours hippie, de pop-music et d'astronomie.

Ark 2 narre l'histoire supposée si l'Homme devait quitter un jour la planète Terre pour trouver un autre lieu de résidence - le titre de l'album est aussi le nom du vaisseau spatial, nouvelle arche de Noë -. Durant la même période (68-69), entre Stanley Kubrick et Neil Armstrong, il n'est pas étonnant que toutes ces préoccupations se répercutent sur le monde de la musique et que des hippies se montrent moins terre-à-terre. Cependant, l'aspect "gentil" reste le même.

C'est ce qui façonne Ark 2, et son principal défaut. Sans compter que le groupe FLAMING YOUTH, en studio, est augmenté par la présence d'un orchestre, comme c'est l'usage dans cette forme de pop-variété symphonisante à la MOODY BLUES, avec des chants très en avant. Le présent disque n'est sans doute pas de la trempe d'un On the Threshold of a Dream ou d'un Days of Future Passed, mais il se défend bien, compte tenu de la prime jeunesse des exécutants.

Les voix et l'orchestre peuvent paraître lourds dès les premières mesures disons religieuses de "Guide Me, Orion", à cause de l'orgue et de l'arrangement qui sonne très chœur d'église. C'est le single principal, avec une belle mélodie et une bonne progression, mais d'emblée, on sent que tout est figé. "Earthglow" continue dans l'esprit ballade et chants angéliques, avant que "Weightless", sa variation instrumentale, ne vienne libérer le potentiel des musiciens pour un premier temps.

Si Brian Chatton et "Flash" Gordon Smith se révèlent très bons chanteurs sur des airs aux frontières du lyrisme et parfois très casse-gueule (spéciale solfège : vas-y que je te balance des sauts de sixte majeure ascendante dans les notes aigües et en voix pleine !), Ronnie Caryl et Phil Collins sont les locomotives instrumentales du groupe. Le guitariste adopte son style blues à la pop-psychédélique et le batteur, tout en rendant hommage à son idole Keith Moon ("Pulsar"), montre qu'il est fort de quelques expériences en big-band, faisant swinguer le vaisseau-arche en orbite de Jupiter.

C'est d'ailleurs sa toute première performance vocale enregistrée, ce passage inattendu au milieu des "Planets", avec une légèreté et une malice qui lui conviennent bien, assez éloignées de Smith et Chatton. Plus loin, Collins marque bien les ruptures de "Changes" (où Chatton brille davantage à l'orgue) et il chante aussi le joli "Space Child", pour revenir au son ballade nébuleuse et orchestrale. Ce sont de bons morceaux, avant une fin d'album à la qualité un peu plus médiocre.

Le morceau-fleuve "The Planets", adaptation de l'oeuvre symphonique-contemporaine de Gustav HOLST (1918), demeure particulièrement intéressant. Long de treize minutes, il nous fait passer d'un style musical à l'autre avec un thème-liaison court de l'orchestre, violoncelles et cuivres bouchés. Mars, évocation de la Guerre Mondiale, devient chez FLAMING YOUTH une marche militaire ronflante, Venus une galanterie façon surf-music, et Uranus un très bon rhythm'n'blues avec Ronnie Caryl impérial à la guitare. Il y a du moins bon (les chants a-cappella de Mercure) et de l'excellent (les efforts de Phil Collins sur le jazzy Jupiter et le mélancolique Saturne).

Cette "jeunesse enflammée" (nom trouvé par les concepteurs de l'album, d'après une déclaration du président américain Franklin D. Roosevelt) est une étoile filante. L'album semble déjà dépassé au moment de sa sortie et ne tient pas la comparaison face à Tommy des WHO, par exemple, ni tous les moments progressifs à venir. Le périodique Melody Maker, cependant, en fait son album du mois en octobre 69, devant LED ZEPPELIN et KING CRIMSON !

Les quatre musiciens vont enregistrer pour une émission TV aux Pays-Bas ("Space Child" et "Changes" sont visibles en ligne), où "Flash" Gordon Smith s'établit en tant que producteur d'artistes. Brian Chatton intègrera les groupes JACKSON HEIGHTS et BOYS DON'T CRY, avec plus ou moins de succès. Ronnie Caryl, on vous en parle davantage sur notre webzine, et Phil Collins, n'en parlons pas, ou plutôt si, mais pas sur cette chronique ! Sauf pour dire que ce n'est pas pour rien si, déjà à 18 ans, il est le musicien qui ressort le mieux dans un tel projet, niveau talent.