On savait déjà que, du côté de chez CELKILT, il y avait autre chose qu'une rage bienveillante et une énergie débridée. Dès son premier EP, le groupe a laissé poindre une facette plus tendre, mélancolique également, qui permettait de contrebalancer la ferveur contagieuse des titres les plus enlevés. Au fil des ans, "Lay Me Down", "Going Down" ou "Lost and Found" ont montré que sous le kilt se cache autre chose que ce à quoi vous pensez : une grande richesse émotionnelle. L'arrivée d'Ana MacFive, en 2014, a permis au groupe d'enrichir encore cette facette plus mélodique en faisant participer au chant la jeune violoniste, ce qui donne alors naissance à quelques titres de grande classe, à l'image de la relecture vocale époustouflante du cantique "Amazing Grace" sur album et en concert.

Naturellement, même si la surprise est de taille, les deux artistes sentent bien que de leur alchimie peut naître quelque chose de spécial. Sans pression, à la maison, tous deux enregistrent donc cinq morceaux qui constituent ce premier EP publié sous le nom THE FALLEN BIRDS. Le nom, comme l'imagerie, est mélancolique. Il y est question de séparation, d'injustices, de déconvenues amoureuses, mais ces thématiques somme toute peu joyeuses sont mises en musique sans pathos. Mieux, il y a ici de la lumière, une douce lumière, qui rejaillit à l'écoute de ces cinq titres époustouflants. Valse triste, "Just Goodbye" peut évoquer l'univers de Marketa Irglova. Chez elle comme chez les FALLEN BIRDS, la mélancolie peut être un état dans lequel on peut trouver son compte, à défaut de s'y complaire, et qui peut servir de terreau pour un nouveau départ. Les voix d'Anaïs et Nico se succèdent, s'entremêlent, dansent et fusionnent avec délicatesse et mille précautions. Le duo s'inscrit en zone franche, entre le déluge de décibels des CELKILT et le silence complet.

"A Million Reasons Why" confirme un peu plus la réussite du projet. Pas de prouesse vocale ici, mais une maîtrise technique parfaite et une sincérité décoiffante qui transparaît sur chaque note, à chaque instant. Les voix sont le moteur, mais le violon d'Anaïs et la guitare de Nico ne sont pas en reste, construisant une toile musicale discrète autant qu'enivrante, porteuse de délectables montées en intensité. Si "Breathe You Again" est le morceau qui s'approche le plus de la noirceur, il y a toujours une mélodie, comme une bouée à la mer, vient rattraper tout ce beau monde juste avant la noyade. Entre puissance et retenue, ce titre est, comme les trois autres compositions originales, une pièce à la fois spontanée et aboutie, qui montre une facette inédite et stupéfiante de la part de ces deux artistes. Reprise totalement déconstruite et retravaillée de Grease, "You're The One That I Want" se fait un clin d'oeil un peu plus léger en fin d'EP, qui permet d'apprécier une fois de plus les harmonies vocales parfaitement combinées des deux chanteurs.

Sur un album complet, la répétition d'ambiances résolument mélancoliques pourrait générer une certaine lassitude. Sur un EP, la splendeur des mélodies proposées, la richesse instrumentale et la spontanéité de l'ensemble fonctionne à merveille et ne peut que séduire les auditeurs sensibles à ce genre d'ambiances qui ne franchissent jamais les frontières de la tristesse et restent porteuses d'une luminosité salvatrice, que l'on retrouve ici essentiellement dans le mariage opportun des voix d'Anaïs et Nico. Pour un premier essai, voici un coup de maître, et espérons-le, le début d'un side-project amené à connaître d'autres aventures.