Issu de la culture amérindienne, le mot "potlatch" désigne une cérémonie à caractère sacré qui consiste en un échange de dons. Le partage, l'échange, des mots qui résument d'ailleurs assez bien la musique pratiquée par ce quintet de jazz originaire de Besançon. C'est après s'être connus sur les bancs du Conservatoire de la ville que les cinq membres décidèrent de monter un projet où les multiples influences de chacun donneraient naissance à des compositions mêlant écriture et, jazz oblige, improvisation. Et voici que quelques mois plus tard déboule un premier album intitulé Agora. On a bien compris que le groupe aimait les références directes aux cultures anciennes, ce qui n'est personnellement pas pour me déplaire.

"Ecloplosion" démarre l'album tout en douceur sur des notes de guitare, vite rejointes par le saxophone soprano, avant que les autres instruments ne viennent ensuite se greffer à l'ensemble pour un accompagnement tout en dosage et en cohérence, avec en filigrane une ambiance orientale assez lounge. Chacun des musiciens a tour à tour de l'espace pour s'exprimer et prendre la lumière le temps d'un solo ou d'une cassure, et il en sera ainsi tout au long de l'album.

"Be Hop" commence, elle, sur un beat presque trip hop, avant de proposer un schéma jazz plus classique. C'est toujours aussi maîtrisé, avec des dialogues très agréables entre les cuivres. Mention spéciale pour le niveau technique car nous avons globalement affaire à des musiciens très jeunes (le batteur par exemple n'est âgé que de 18 ans).

"Intrication" est pour moi le morceau le plus technique du disque. Le plus long aussi. Guitare, batterie et basse se distinguent un peu plus. Cette dernière ouvre d'ailleurs très agréablement la piste qui multiple tout au long de sa durée les changements de rythmes avec plusieurs passages de très haute volée qui m'évoque un peu, pour la diversification des instruments employés et des influences, le travail récent d'un Kamasi Washington. Judicieux choix que de l'avoir placée en milieu d'opus.

Vient ensuite "Palmyre", le morceau de bravoure de l'album. Plus de 11 minutes de voyage à travers l'ancienne oasis du désert de Syrie. Ambiance ultra orientale à la Ibrahim Maalouf/Dhafer Youssef et grande interprétation des musiciens qui rivalisent littéralement de virtuosité. On ne voit clairement pas le temps passer et c'est là que réside la force de cette composition très mature.

C'est à "Métro" qu'il revient de conclure l'album sur une texture plus rock. Écoutez un peu cette guitare à 4'56 et vous verrez ce que je veux dire. Un morceau un peu plus sombre (l'entame notamment) et nerveux mais qui a le mérite d'achever l'écoute sur une note dynamique ; la plupart des albums s'achevant généralement sur un morceau plus calme et apaisé. Je ne sais pas si c'était voulu dès le départ, mais en tous cas ce détail ne m'aura pas échappé.

En résumé, si vous aimez le jazz qui alterne les ambiances et intègre de multiples influences (on peut presque parler ici de fusion), le groupe de ces cinq jeunes gens est tout à fait à recommander. Et si en plus vous êtes amateurs des artistes que j'ai cités dans la chronique, auxquels je pourrais également rajouter Sylvain Rifflet, Tigran Hamasyan, Hadouk ou encore Avishaï Cohen, alors vous ne pourrez pas être déçus. Pour ma part, j'attends le successeur avec impatience.