Joey BADASS. Sacrément classe le pseudo, surtout qu'il l'a stylisé Bada$$ pour faire un peu plus rappeur alpha. Sortir son premier album à 20 piges, cela signifie que le natif de New York a fait ses premiers essais bien plus tôt, en effet on remonte à 2012 pour découvrir le gars aujourd'hui omniprésent dans le paysage hip-hop américain. L'album est intitulé sobrement B4.DA.$$, pour Before da money. On peut donc imaginer que le rappeur va retourner sur son passé, sur ce qu'il était avant que le succès l'emporte.

Allons-y franco, pas de suspens ici, cet album est bon. Le rappeur longtemps présent sur la scène rap a attendu d'être fin prêt pour sortir sa première galette, et la maturité se ressent dans ce projet abouti. Les quelques longueurs qui se font ressentir ne sont pas vraiment étonnantes, Joey BADASS ayant opté pour une production assez lente, plutôt sombre pour évoquer un passé qu'il ne trouve pas toujours beau, comme sur "Big Dusty". Ce premier single montre bien la détermination du rappeur à imposer sa prestance, son style comme il s'amuse à le répéter. Cette ambiance se répète sur le premier morceau de l'album "Save the Children" qui, bien que plus rythmé, suit les mêmes constructions. Il est nécessaire de noter l'excellente prestation du rappeur sur ces morceaux qui sont de vraies réussites d'écriture et de rap. Le rappeur n'hésite pas à puiser dans le catalogue touffu des classiques hip-hop pour composer "Piece of Mind" clairement inspiré du tube "One Love" de NAS. Coïncidence ou pas, le titre du morceau originellement proposé par NAS est presque plus adéquat aux paroles que celui choisi par Joey BADASS : il est ici question d'écrire une lettre à son pote coincé en prison.

L'énergie présente dans le bon "Hazeus View" est dupliquée dans le single "Paper Trail" qui, composé par l'illustre DJ PREMIER, est devenu une pièce maîtresse de la carrière de Joey BADASS. Un titre qui à lui seul résume l'album, aussi bien dans les thèmes évoqués que dans l'instrumentation choisie avec goût. La cadence est ralentie par des titres moins mouvementés tels "Like Me" ou "Belly of the beast" en featuring avec le reggaeman CHRONIXX qui nous offre un changement d'ambiance sympathique dans l'album. Nous pouvons également remarquer "Christ Conscious" qui donne une ambiance planante dans laquelle on ressent le côté sombre du rappeur.
La tension remonte via un sample de "Scenario" de A TRIBE CALLED QUEST dans "No 99", titre plein d'énergie qui même s'il se veut revendicateur manque un peu de la rage nécessaire à la mise en avant parfaite des paroles crues. Le rappeur nous pond avec "On and On" et "Escape 120" des morceaux de bonne factures bien qu'assez quelconques. A l'inverse, les trois dernières pièces que sont "Black Beetles", "O.C.B" et "Curry Chicken" sont toutes de franches réussites qui clôturent ce premier essai de manière fort concluante.

Joey BADASS nous prouve que la jeunesse a son mot à dire dans le hip-hop et, par la même occasion, que la relève est assurée. Ce premier album nous propose dans son ensemble de très bons morceaux, seuls quelques-uns seront réécoutés par les amateurs, tandis que les érudits vont apprécier de revenir de temps à autre sur un album qui, sans révolutionner le monde du rap, tire son épingle du jeu en proposant des idées audacieuses.