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1998 Home At Last

PERCY STROTHER - Home At Last (1998)
Par LE KINGBEE le 15 Septembre 2018          Consultée 659 fois

Si l’histoire de la petite marchande d’allumettes, héroïne d’un conte d’Andersen, contribua à faire pleurer les chaumières, l’enfance de Percy STROTHER s’inscrit pleinement dans ce type de récit mélodramatique.

Percy voit le jour en 1946 à Vicksburg, grosse ville du Mississippi. Si vous avez en tête l’image d’un long fleuve tranquille, il va vous falloir revoir votre copie. En fait, quand on pense à l’enfance de Percy Strother, c’est vers le film « Mississippi Burning » (thriller avec Gene Hackman et Willem Dafoe et l’excellente Frances McDormand) qu’il faut se diriger : Percy est encore bambin quand son paternel est battu à mort par des membres du K.K.K. A 12 ans, sa mère malade décède et Percy se retrouve seul au monde.
Refusant de rentrer à l’orphelinat, il prend la route, bien décidé à quitter les rives du Mississippi. Avant sa mort, son père lui a appris les rudiments de la guitare, instrument qu’il maîtrise en parcourant la Caroline, la Floride, Chicago et enfin le Minnesota. Subsistant grâce aux petits boulots qu’il trouve en usine, il se produit le soir venu dans les bouges de la ville, parfois en compagnie de l’harmoniciste Mojo Buford et du pianiste Lazy Bill Lucas.
Il lui faut attendre 1992 pour enregistrer son premier disque pour Blue Moon, un label de Minneapolis, avec «  A Good Woman Is Hard To Find ». Le disque lui vaut les éloges de la presse spécialisée. Notre bonhomme va alors surfer sur la vague Blues Revival. Après avoir galérer pendant des lustres, STROTHER voit enfin la lumière du jour. Il est invité à chanter sur l’album « Ready To Go » de R.J. Mischo et du Kid Morgan Blues Band. Le gars est parfaitement reconnaissable, il dépasse tous les autres d’une tête et c’est le seul noir.
Dans la foulée, il met en boîte « The Highway Is My Home » avec le guitariste Vasti Jackson suivi de « It’s My Time » pour le label JSP, deux albums qui lui permettent de traverser l’Atlantique pour se produire en Europe.

Enregistré en 1998 au Farmsound Studio à Heelsum, un village situé à une encablure d’Arnhem connu pour l’Opération Market Garden, triste épisode de la Seconde Guerre, « Home At Last » pourrait par son titre prêter à sourire. Qui irait croire que Percy STROTHER, un guitariste chanteur et colosse noir, est enfin à la maison ?
Le titre, assez curieux au premier abord, est en fait une métaphore, Percy STROTHER rendant hommage à diverses légendes du Delta et de Chicago. Sur un total de 14 titres, le puissant chanteur reprend 14 faces, on ne peut pas faire mieux en matière de copies. Alors c’est toujours l’histoire du verre à moitié vide que certains verront à moitié plein, mais ce genre d’exercice est toujours tendancieux et risqué. La comparaison avec les œuvres d’origines ou d’autres reprises, tant certains morceaux ont fait l’objet d’essais incalculables, est souvent à double tranchant. L’idée d’un manque de créativité ou d’imagination peut aussi venir à l’esprit avec ce genre de disque.

Notre colosse s’attaque par quatre fois à un autre « hercule » du blues en la personne d’HOWLIN’ WOLF. C’est d’ailleurs « Poor Boy » qui ouvre les hostilités. Malheureusement, le guitariste hollandais, patron du label Black & Tan Records, Jan Mittendorp ne parvient pas à faire oublier le jeu d’Hubert Sumlin, se montrant bien trop bavard. Mais il est amusant en parlant de reprise de rappeler que ce titre popularisé en 58 par le Loup Hurlant est lui-même issu d’un titre de Sam Butler ayant connu la version alternative de Barbecue Bob. Seconde reprise du Bull Cow⃰ avec « Cause Of It All » qui n’est autre que la réplique exacte de « Who’s Been Talking » gravé en juin 57 à Chicago. Sur cet intemporel, le chanteur modifie légèrement les paroles en rajoutant une strophe par-ci par-là et on se laisse bercer sur ce tempo lancinant, ces paroles et ce refrain ensorceleurs : « My baby caught the train, left me all alone-She knows I love her, she doin' me wrong … … Well who been talking, everything that I do … ». Si certains amateurs risquent de rester attachés à la version du Loup ou à celle du Robert Cray Band ou des nombreux Live de l’Allman Brothers Band, STROTHER ne s’en sort pas si mal, restant dans les clous malgré une basse parfois trop scolaire et un sax prenant le pas sur l’harmonica pourtant excellent. Rien à voir avec les massacres de Tom WAITS ou James Blood Ulmer. Autre grand classique du Big Foot⃰ ⃰, « Killing Floor » a connu de multiples reprises. Fenton Robinson, Byther Smith ou Albert KING en délivrèrent en leur temps de fantastiques covers, mais hélas la basse d’Ellio Martina vient alourdir le propos. Dernière chanson dédiée à HOWLIN’ WOLF avec « Howlin’ For My Baby », Percy STROTHER remplaçant le Darling du titre original par Baby. Cette fois encore, le guitariste nous délivre une interprétation sage s’appliquant à rester grosso modo dans les clous, mais quel dommage que l’orgue de Roel Spanjers, également producteur, vienne alourdir le morceau avec des passages jazzy sensés l’adoucir.

Après Chester Burnett alias HOWLIN’ WOLF, l’album s’attaque à une autre icône du Delta et du Chicago Blues en la personne de McKinley Morganfield, plus connu sous le nom de Muddy WATERS. Cette autre grande vedette du label Chess est représentée ici avec trois titres : « Blow Wind Blow » passé presque inaperçu lors de sa sortie, le titre connaît un regain de popularité au début des eighties avec une reprise correcte de CLAPTON. Si la version de Strother ne souffre d’aucune faiblesse, on ne peut s’empêcher de penser que Spangers n’est pas près de faire oublier Otis Spann et que le jeu de guitare de Jan Mittendorp s’avère bien lourdaud comparé à celui de Jimmy Rogers, guitariste de la version originale. Jimmy Rogers, parlons-en justement, en délivre quelques semaines plus tard une version plus punchy, secondé par Jeff HEALEY, bien plus captivante que celle-ci. Avec « Still A Fool », il opère un virage à 90 ° avec une interprétation en solo et en acoustique donnant ainsi une coloration plus roots, plus près des racines du Delta. Si cette variante du « Two Trains Running » a connu de belles interprétations (Clarence EDWARDS, Magic SAM ou Eddie C. CAMPBELL) elle paraît bien plate à côté de celle que délivre le trio Lonnie Brooks/ Long John Hunter/Phillip Walker l’année suivante dans l’album « Lone Star Shootout ». Le guitariste achève son hommage et son disque avec « Kingbee » accrédité à Muddy WATERS. Si Muddy WATERS donne ce nom à son 14ème album studio produit par Johnny WINTER en 1981, il s’agit bien du morceau de Slim HARPO, lui-même inspiré d’une chanson interprétée par Memphis Minnie sur un riff de Lil’ Son Jackson. Avec un tel blaze que le mien, on est sensé connaître le sujet. Toujours est-il que Percy joue encore en solo, l’harmonica de Tom Schepp aurait pu lui servir de bonne barre d’appui.

Muddy WAZTERS et HOWLIN’ WOLF représentent à eux deux la moitié du CD. L’entraînant « Keep What You Got »⃰ ⃰ ⃰ accrédité ici à Josea - Taub (les pseudos de deux des frangins Bihari) provient plus certainement d’une œuvre de Lonnie Johnson. « Home At Last » qui donne son titre à l’album reprend avec verve une chanson de Rudy Toombs popularisée par Little Willie John. Ce titre permet d’entrevoir une autre facette de l’univers de STROTHER, celui-ci ayant été influencé au début de sa carrière par le registre Soul Blues. Ce titre tient plus du R&B stylisé que du Blues du Delta, et les accompagnateurs bataves se montrent à la hauteur.
Arrive le doute avec « I Ain’t Superstitious », compo de Willie Dixon mais enregistrée pour la première fois par le Loup du dessus. Rendons à César ce qui lui revient, Dixon étant accrédité d’un autre titre. Là, STROTHER se montre convaincant à la guitare, le chant puissant est efficace et plein de feeling et les accompagnateurs hollandais n’en rajoutent pas et restent bien dans le ton. Peut être l’une des meilleures reprises du standard avec celle de Melvin Taylor. Autre compo de Dixon, popularisée bien sûr par le Loup, « Red Rooster » a connu de multiples variantes entre le Banty Rooster de Charlie Patton et le « If You See My Rooster » de Memphis Minnie. L’histoire de ce petit coq nous renvoie à une atmosphère à mi-chemin d'un bouge enfumé et des rives du Delta. Le piano de Spanjers, la guitare et la voix de Percy se complétant remarquablement. Deux reprises de l’harmoniciste Little Walter viennent compléter le tableau : l’excellent « Last Night » (rien à voir avec le titre homonyme des Mar-Keys utilisé sous forme de Madison) délivré ici avec respect et classe, l’une des meilleures covers avec celles de Luther Allison, Carey Bell et George « Harmonica » Smith. Excusez du peu !
Second point de désaccord avec « Crazy Mixed Up World » accrédité à Little Walter mais compo de Willie Dixon (présent à la contrebasse dans la version originale). Cet intemporel oscillant entre Blues, R&B et Rock' n' Roll bénéficie d’une interprétation soignée. Un morceau qui vient booster l’ensemble avec une guitare qui touche à chaque note mais qu’on aurait aimée plus agressive.
Le Mississippien achève sa quête initiatique avec « Take My Love » l’un des derniers succès de Little Willie John gravé cinq ans avant qu’il ne soit battu à mort dans une cellule du pénitencier de Wella Wella. Un titre rarement repris sinon en Live.

Ce disque lançait la discographie du label hollandais, une maison de disques qui intensifiera sa production avec de nombreux disques de Boo Boo Davis et Doug Mac Leod. Si le guitariste Jan Mittendorp poursuit aujourd’hui ses activités de tourneur et de producteur, il semble que le label ait stoppé son activité.
Le succès est de courte durée pour Percy STROTHER. Revenu dans sa ville adoptive après cet enregistrement, il décède d’un cancer du foie en 2005. Le répertoire totalement constitué de reprises et la présence d’accompagnateurs attitrés du label, davantage portés sur la culture de la tulipe que la cueillette du coton, empêchent ce CD d’accéder à une note supérieure, le chant de Percy méritait mieux.

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- Percy Strother (chant, guitare)
- Jan Mittendorp (guitare)
- Ellio Martina (basse)
- Frank Bolder (batterie)
- Roel Spanjers (orgue, piano)
- Tom Schepp (harmonica)


1. Poor Boy
2. Keep What You Got
3. Home At Last
4. I Ain't Superstitious
5. Cause Of It All
6. Blow Wind Blow
7. Killing Floor
8. Still A Fool
9. Red Rooster
10. Take My Love
11. Last Night
12. Crazy Mixed Up World
13. Howlin' For My Baby
14. King Bee



             



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