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FEVER RAY - Plunge (2017)
Par JOVIAL le 25 Octobre 2018          Consultée 1172 fois

À juste titre, un lecteur se demandait dernièrement comment certains chroniqueurs pouvaient proposer la critique d'une nouveauté moins d'une semaine après sa sortie. Question à laquelle il lui fut répondu qu'il existe en fait deux types de chroniqueurs. Les premiers s'estiment capables de mettre rapidement leurs idées en ordre, sans éprouver le besoin de laisser décanter un peu. Les seconds, en revanche, se disent bien incapables d'agir aussi vite et doivent écouter de nombreuses fois l'album, pendant d'interminables semaines au coin du feu, avant de pouvoir se construire un avis définitif. Il aurait aussi fallu préciser à ce même lecteur qu'il est, sournoisement caché parmi les chroniqueurs les plus lents, un autre type d'individu : la feignasse ! Sous prétexte d'une vie déjà bien remplie, la feignasse refuse de se creuser la tête dès qu'une nouveauté résiste trop longtemps à sa plume. « Il me faut un peu de recul, mais ça va venir ! » s'excuse-t-elle alors régulièrement. En réalité, la feignasse est déjà passée à autre chose et, quelques mois plus tard, la nouveauté n'en est plus une.

Parfois, ce fameux recul de la feignasse est une bonne chose. Le très attendu Plunge, second album de FEVEY RAY, en est l'illustration parfaite. Typiquement, voici le genre de sortie à laquelle on aurait d'emblée prêté une oreille très critique, lui collant un deux étoiles rapide et rageur, assorti d'un « c'était mieux avant » voire d'un peu glorieux « revendez-le ». Mais la feignasse a des doutes, ne sait pas trop comment aborder sa chronique. « On verra ça plus tard ! » s'écrit-elle en fermant son ordinateur. Et voici donc le FEVER RAY abandonné à côté de la chaîne hi-fi. Toujours bien en vue, en haut de la pile, car on ne le range pas. Pas par acquit de conscience, non, mais parce que, aussi étonnant que cela puisse lui paraître, ce Plunge intrigue et attire. La première lampée n'est pas dingue, pas plus que la seconde ni la troisième, mais il y a, comme qui dirait, un petit goût de reviens-y. Et bientôt, l'addiction guette. La feignasse, formidablement conquise, s'écrit alors « Mais bon sang ! Il faut absolument que je la fasse, cette satanée chronique ! ».

Acceptons tout de suite ce qui en premier lieu a certainement déçu : Karin Dreijer a quitté les sentiers obscurs de son premier album. La prêtresse nordique s'est faite star de l'électro moderne. Les parures païennes ont été troquées contre un cuir moulant et le maquillage gothique s'éclaire désormais au néon. Les beats techno remplacent les percussions ethniques. Les errances nocturnes prennent fin alors que Plunge pousse les portes d'un club branché où les postures invocatrices précèdent invariablement quelques déhanchés langoureux. Dès lors, FEVER RAY évacue presque l'ensemble de son bagage atmosphérique. Un tel renouvellement semble bien incroyable. Après huit ans d'absence, la Suédoise réapparaît là où nul ne l'aurait attendue.

C'est une belle réussite. Les apparences peuvent être trompeuses, car Plunge ne cède jamais à la facilité. Malgré des compositions souvent plus épurées, les arrangements restent d'une grande rigueur, autant que le travail d'écriture et les effets de voix. Karin Dreijer s'est d'ailleurs entourée de musiciens et producteurs de renoms, à l'instar de Paula Temple ou de Peder Mannerfelt, parfaitement à la hauteur du projet.

Si quelques morceaux rappellent encore l'électro-pop crépusculaire du disque précédent (« Musn't Hurry » et « Plunge » entre autres), pas question de nous rejouer 2009. Ce second album voit plus loin et expérimente avec richesse de nouveaux horizons électroniques. C'est un grand « plunge » ! Assez violemment, « Wanna Sip » et « A Part of Us » virent à la pop racoleuse. Des étincelles indus jaillissent de « Falling » alors qu'« An Itch » aurait pu figurer sur l'un des derniers LAIBACH. « Idk About You » danse dans le rythme d'un bon vieux DIE ANTWOORD, simple, binaire, efficace. Yolandi Visser se retrouve d'ailleurs singée à l'étape suivante, sur « This Country », dont les aînés de D.A.F. n'auraient certainement pas renié l'érotisme ambigu. On perd un peu ses repères, cependant FEVER RAY fait souvent mouche.

À l'automne 2017, la sortie de ce second L.P. a été accueillie avec enthousiasme et les critiques se sont immédiatement montrées assez positives. Néanmoins, ce sont surtout les textes que ces dernières ont abondamment commentés, acclamant son discours féministe et révolté. L'ancienne Andersson n'en était pourtant pas à son premier coup d'essai. En 2013, Shaking the Habitual – dernier album de The KNIFE, en compagnie de son frère – reprenait en partie les mêmes thèses queer et féministes. Plunge poursuit dans la même veine et parle ouvertement de sexe, hétéro comme homo. C'est parfois cru, n'en déplaise à certains culs-serrés, et il est amusant de constater que les paroles de l'excellente « To the Moon and Back » auraient eu un écho bien différent si elles avaient été prononcées par un homme. Le propos politique est plus dilué, FEVER RAY aborde en substance les thèmes de l'amour libre et de l'avortement (« This Country »).

Malgré tout, la compositrice suédoise ne se limite pas à un simple plaidoyer. Ce disque parle aussi et surtout d'amour. Rencontrer, chauffer et séduire, baiser sans lendemain, aimer et s'unir, faire un enfant, rompre et recommencer. Rien d'extraordinaire en somme, mais Karin Dreijer n'est ici que faussement naïve. Plunge est personnel, voire intime. La déchirante « Red Trails » s'adresse même directement à son ex. Mais le ton n'est jamais plaintif ni mélancolique, Plunge n'est ni une cache ni un repli. C'est une invitation, sourire aux lèvres, bras ouverts. Le maquillage fait un peu peur mais Karin ne vous mangera pas. Laissez-vous aller.

Note réelle : 3,5/5

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   JOVIAL

 
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- Fever Ray (chant/production)
- Tami T (chant/production)
- Johannes Berglund (production)
- Peder Mannerfelt (production)
- Paula Temple (production)
- Nídia (production)
- Deena Abdelwahed (production)
- Sara Parkman (violon)
- Aldo Arechar (flûtes)
- Mandy Parnell (mastering)


1. Wanna Sip
2. Musntn't Hurry
3. A Part Of Us
4. Falling
5. Idk About You
6. This Country
7. Plunge
8. To The Moon And Back
9. Red Trails
10. An Itch
11. Mama's Hand



             



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