« Si seulement il avait fait plus de musique, je pense que Robert RENTAL aurait pu devenir l'Arthur Russell écossais. Il ne ressemblait absolument pas à Arthur, mais le petit nombre de morceaux qu'il nous a laissés provient d'une même et unique partie de l'âme. J'ai certainement écouté ce disque bien plus que n'importe quel autre, et pourtant il continue à m'apporter quelque chose à chaque fois. »

Cette véritable déclaration d'amour de la part de l'Écossais JD Twich à l'un de ses compatriotes résume sans doute mieux que n'importe quelle chronique ce que l'on peut ressentir à l'écoute de Double Heart. Son géniteur n'était définitivement pas un bon musicien, mais sa musique transpirait d'honnêteté. Robert RENTAL était un passionné qui souhaitait réellement vivre de son art, sans pour autant singer les cadors de son temps. Il cherchait un autre son, un nouveau son, conscient peut-être que sur les cendres encore chaudes du mouvement punk pouvait naître quelque chose de différent. Sa démarche n'était cependant pas aussi radicale que des groupes tels que THROBBING GRISTLE, CABARET VOLTAIRE ou The NORMAL. Souvent, les expérimentations s'effaçaient au profit de morceaux plus conventionnels, volontairement dégrossis comme pour s'assurer un passage radio. C'est d'ailleurs le cas de Double Heart et de ses deux pistes de chacune trois minutes, loin, très loin de ce que l'on pouvait entendre deux ans plus tôt sur Paralysis.

Ce single, c'est surtout un excellent titre, certes perfectible mais d'une très grande poésie. À l'instar de The Bridge, une troublante mélancolie règne sur « Double Heart ». Avec autant de sincérité que de simplicité, Robert RENTAL touche son auditeur droit au cœur. Entre ombre et lumière, ce morceau rend étonnamment nostalgique, amoureux transi d'images révolues et regrettées. En face B, « On Location » passe à une pièce électronique abattue, d'où notre Écossais s'échappe après un cri fantastique, laissant ses machines conclure sa carrière à sa place.

Symboliquement, Robert RENTAL signe le début d'une nouvelle époque en Angleterre. Double Heart est l'un des premiers singles à sortir chez Mute Records, jeune mais déjà vigoureux label de son camarade Daniel MILLER. Il est également mis en boîte aux Blackwing Studios, avec Eric RADCLIFFE et John FRYER aux manettes, qui s'occuperont par la suite de DEPECHE MODE. On note aussi la présence de Robert GÖRL, batteur de DEUTSCH AMERIKANISCHE FREUNDSCHAFT, duo prépondérant au sein de la scène électronique des eighties.

Double Heart, c'est enfin l'ultime production de Robert RENTAL, qui se retire alors définitivement du monde de la musique pour se consacrer à sa famille. Il décède d'une longue maladie en janvier 2000. Deux disques posthumes sont à signaler, respectivement sortis en 2017 et 2018 : celle d'un E.P. inédit réalisé en 1979 avec Glenn WALLIS (futur KONSTRUKTIVISTS) et d'une compilation de démos enregistrées en 1980.