Si on vous dit Autriche, vous répondez très certainement HAYDN, MALHER, SCHUBERT, et bien entendu Wolfgang Amadeus MOZART. Dans le meilleur des cas, l’amateur lambda pourrait citer BRÜCHNER, les chefs d’orchestre Herbert Von Karajan, Karl Böhm et les Petits Chanteurs de Vienne. Certains amateurs éclairés pourront certainement citer des groupes tyroliens, vus lors d’une fête de la bière, soufflant dans des alphorns, sorte de grands cors en bois d’une longueur avoisinant parfois les trois mètres, et beuglant un registre montagnard en tapant le sol de leurs sabots. Mais si, vous en avez certainement déjà vus. Ils sont généralement accoutrés d’une étrange façon avec des pantalons courts qui arrivent juste au genou, sans parler de curieux chapeaux.

Pour résumer, l’Autriche fourmille de compositeurs de musique classique et de groupes folkloriques alpestres. Mais le pays a depuis peu une autre corde à son arc avec FIA SCO & The MAJESTICS, un véritable groupe de Rock conjuguant Western Swing, Hillbilly Rock et Rockabilly, bref de purs péquenots de la montagne.
Mais le distinguo entre le Tyrol et les Appalaches, région originaire de l’Old Time, pourrait être plus tenu qu’il n’y paraît à première vue. Les conditions des plus rudes entre ces deux chaînes de montagnes et les influences des premiers colons venus d’Europe (Ecosse, Irlande, Italie et de l’empire germano austro-hongrois) inspirés à la fois de chants folkloriques, de psaumes bibliques, de Polka, de valses et de mazurka allaient se fondre en un tout. Le Yodel allemand ou suisse (technique faisant passer la voix de poitrine à la voix de tête) devenant l’une des caractéristiques de la Country appalachienne.

Fia Sco (on apprécie au passage l’humour de la chanteuse) et son combo nous renvoient en plein coeur entre forties et fifties. Il faut avoir l’oreille plus qu’attentive pour croire qu’il ne s’agit pas ici d’un vieux groupe de péquenots old school comme l’Amérique en a produits à la pelle.
Originaire de Vienne, le groupe propose quatre originaux écrits par le contrebassiste Don De Vil : « Dynamite » une bonne pièce qui tient autant d’un Western Swing à la Bob Wills que d’un R&B chanté par Varetta Dillard Le rythme s’atténue légèrement via la steel guitar de « Poison », un bon Hillbilly Bop dansant. Si « Ice Cold Baby » part sur des bases plus langoureuses, le titre débutant sur les bases d’un Western Swing, pour finir sur un tempo d’Honky Tonk texan. Dernière compo avec « You’re my Sugar », un Bop de péquenot avec lap steel, influencé par le « Flip Flap and Fly » de Big Joe Turner.

Au rayon des reprises, nos cowboys privilégient les inusités. « Hey Mr. Cotton Picker », une compo de l’acteur Robert Mitchum et de Dok Stanford, s’inspire plus de la version de Tennessee Ernie Ford que de celle de Tex Williams saturée de cuivre et de cordes pour un pur moment de Western Swing. « The Donkey Song » restitue une ambiance nostalgique flirtant avec le Honky Tonk. Pour un peu, la chanteuse nous ferait verser une larme sur cet inusité de Terry Fell, créateur du célèbre « Truck Drivin’ Man », une ode à la gloire des camionneurs, nouveaux cavaliers de la route. La steel guitar apporte une touche Western Swing au « She’s Gone, Gone, Gone », compo d’Harlan Howard, popularisée par Lefty Frizzell. Résultat, on a là une version dansante nettement moins « barbante » que les versions de Willie Nelson, Country Gazette ou Glenn Campbell.
Le groupe s’attaque à « Misses Whiz », l’un des premiers succès de Jerry Reed. Le combo reprend « Crawdad Song », un trad. genre comptine enfantine inspiré du Folk « Sweet Thing », un titre repris par Woody Guthrie, Andy Griffith, Harry Belafonte et enfin de Jerry Lee LEWIS.
Fia Sco et ses cowboys se montrent dans leur élément dans le Rockab. Leur reprise de « Ice Water » issue d’un single Starday de Glenn Barber lance le disque sur de bons rails, ceux d’un Rockabilly généreux et sincère. On retrouve des influences Hillbilly dans le « Sag Drag and Fall », un Rock' n' Roll vitaminé de Sid King & the Five Strings, une brillante formation qui ne rencontrera bizarrement qu’un succès mineur. La formation se distingue sur « Catty Town », titre surfant entre Western Swing et Hillbilly Rock. Fallait-il être cinglé pour reprendre en 2014 le répertoire de Pee Wee King ? Assurément non ! Dernière petite pépite avec « Snatch it and Grab It », un Rock' n' Roll de Freddie Hart plus ou moins inspiré par le « Snatch and Grab it » de Julia Lee et là le groupe remporte le jackpot. La voix de la chanteuse se révèle beaucoup plus agréable que celle du bon vieux Freddie Hart, un ancien Marine champion de karaté dont le timbre lorgnait dangereusement vers celui d’une crécelle, du moins sur ce titre.

On note un décalage entre les indications de la pochette dorsale et le CD. Le disque contient en effet deux interludes publicitaires d’une vingtaine de secondes, des annonces radio destinées aux ménagères américaines. Ces deux spots radio n’étant pas indiqués, il y a donc un déphasage, le CD annonçant 15 pistes.

Si le groupe ne se prend pas totalement au sérieux, les quatre membres des Majestics arborent de beaux costumes capables de faire pâlir de jalousie Tex Willer le Ranger ou les Texas Troubadours d’Ernest Tubb. Musicalement, hormis un titre mal enregistré et décalé d’un demi ton par rapport à l’orchestration, les Majestics sont de bons virtuoses, respectueux des codes et des traditions. Sur scène, Fia Sco dans le rôle de la blondinette ingénue a suffisamment d’atouts pour mettre le public dans sa poche. Le répertoire combine de bons inusités et des compositions simples ne s’éternisant jamais plus que nécessaire et s’emboîtant remarquablement avec des titres d’antan. Une bonne surprise venue d’Autriche à ranger entre les Maddox Brothers, Ella Mae Morse, Janis Martin et la somptueuse Barbara Pittman. On aurait pu classer ce disque dans le tiroir du Rock' n' Roll, cependant la propension des titres liés au Hillbilly nous incite à le classer en Country.