Les yéyés sont dans la place ! Nous sommes un an après le premier opus des CHATS SAUVAGES, niçois honteusement installés à Paris pour les besoins de la cause. L'heure est au rock instrumental, les SHADOWS et les VENTURES règnent à la tête des charts et nous assistons aux derniers soubresauts du rock'n'roll des pionniers en terre de l'oncle Sam. Mais en France, les années de retard se sont accumulées et c'est au son d'ELVIS, de COCHRAN, de HOLLY et de VINCENT que les ténors de la scène hexagonale font leur marché. Les versions françaises se multiplient. Pas de quoi crier au miracle et il n'y a qu'une petite poignée de morceaux originaux. Les CHATS ont toutefois posé le pied sur l'indépendance artistique en composant « Twist à Saint-Tropez », leur grand tube de 61. Voyons voir la suite !

« Oh ! Oui ! » est la resucée de « My babe ». Il faut admettre qu'elle est assez belle et que Dick RIVERS parvient à transcender le français pourtant guère efficace en matière de rock'n'roll. On remarque aussi rapidement les progrès effectués par le groupe en terme de technique musicale. Alors oui, nous en sommes toujours au début de l'aventure, mais il fallait vraiment améliorer l'ensemble. Le meilleur titre de ce deuxième album.

On est en 62, donc du rock : le « Twisti the Night Away » de Sam COOKE devient soudainement « Laissez-nous twister ». Il fallait trouver cette remarquable transcription ! Cela dit, ça se laisse écouter tranquillou même si l'original est intouchable. Le classique de Gene VNCENT « Dance To the Bop » devient ici « Quand les chats sont là », et on se prend à penser qu'il eût mieux valu la reprendre telle quelle, le français ne donne pas grand chose alors que l'accent de Dick passe remarquablement lorsqu'il chante le refrain « Dance to the rock'n'roll ».

« Tout ce qu'elle voudra » sonne déjà plus moderne. On quitte les rivages du rock'n'roll pour investir des atmosphères déjà plus pop. Un des titres les plus intéressants de l'opus, voilà un morceau qui aurait tenu la route dans le british boom qui se prépare de l'autre côté de la Manche cette même année. Sinon, « Anna, Annabelle » est un rock de belle allure avec des interventions scintillantes à la Hank Marvin des SHADOWS. « Un cœur tout neuf », « Cousin, cousine » sont des rock tout simples avec des côtés doowop, voire twist, on entend l'orgue qui commence à s'imposer.

Pas mal de slows émaillent cette livraison : « L'amour que j'ai pour toi » permet à nouveau à Dick de faire la preuve de sa belle voix. « Oh Lady » est dans le même état d'esprit alors que « Sur ma plage » sonne très kitsch aujourd'hui. Le temps a passé, c'est clair ! Dieu que c'est sirupeux ! Du sucre en barre, à grossir rien qu'en l'écoutant ! On constate donc sans ambiguïté que les slows sont véritablement une perte de temps pour les oreilles des années 2010.

Si nous sommes mieux que lors du premier album, cela est essentiellement dû aux progrès réalisés par les musiciens. Pas de quoi pondre des torrents de louanges avec cet album, mais difficile de se montrer sévère en analysant les pas des pionniers français du rock. Si on choisit d'être très objectifs toutefois, on constate que DYLAN est déjà actif aux Etats-Unis, que les premiers bluesmen blancs arment leur instruments, Mike BLOOMFIELD et Jimi HENDRIX sont aux prémices de leurs carrières, et il faut admettre que les frenchies sont bien loin d'atteindre un tel niveau. Soyons donc modestes et retenons de cet album ce qu'il est, un des premiers du rock en France ! Un 3 pas si généreux que ça ! Et Dick qui se prépare à quitter les matous pour attaquer sa carrière solo.