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MUSIQUE CONTEMPORAINE  |  STUDIO

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Pierre HENRY - Symphonie Pour Un Homme Seul / Le Voyage (2000)
Par ONCLE VIANDE le 28 Décembre 2006          Consultée 8175 fois

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la musique occidentale fut agitée d’une effervescence sans précédent. Cette courte période d’inactivité eut pour effet de couver des bouleversements qui se manifesteraient à la fin des années quarante. La musique sérielle et ses conséquences renouvellent la donne musicale d’année en année, mais parallèlement à cette forme d’avant-garde, d’autres musiciens éprouvent le besoin d’opérer un changement d’une autre nature.
Pour beaucoup, l’instrumentarium classique est dépassé et ne suffit plus à décrire une époque qui se veut « contemporaine ». Les fresques orchestrales doivent laisser place à une musique plus dure, plus urbaine, une musique qui témoigne du monde tel qu’il est, marqué par la technique et les sciences, mais aussi par les maux de l’homme moderne.

Dans les studios de Cologne, un groupe de musiciens menés par Karlheinz Stockhausen, jette les bases de la musique électro-acoustique, façonnée par des générateurs électriques et des procédés de traitement du son. Le propos était alors de substituer aux instruments traditionnels des sons plus flexibles, pouvant être joués et transformés par des machines. Au même moment, une aventure similaire agite les studios de la RTF à Paris sous l’impulsion de Pierre Schaeffer. Celle-ci consiste à utiliser les bruits les plus divers comme véritables objets musicaux. Les bruits « concrets » possèdent non seulement une signification, rattachée au phénomène qui leur donne naissance, mais aussi une valeur plastique intrinsèque que cette démarche nouvelle se propose de mettre en valeur. Les observations et analyses de Pierre Schaeffer sur l’objet sonore déboucheront sur une infinité de réflexions passionnantes qu’il présentera dans un ouvrage incontournable, « Solfège de l’objet sonore », véritable bible de philosophie musicale.
A ce théoricien un peu glacial viendra se joindre le jeune Pierre Henry, davantage tourné vers la pratique et le contact direct avec la matière sonore. « Ce magicien du magnétophone » comme l’appellera Pierre Schaeffer, exprimera mieux que quiconque les conceptions souvent difficiles du maître : la musique concrète est née.
Les collaborations réelles entre les deux hommes seront rares, et « La symphonie pour un homme seul » de 1949 demeure non seulement la première, mais aussi la plus célèbre et la plus emblématique. Par la suite, Pierre Henry défrichera seul ces territoires vierges.

SYMPHONIE POUR UN HOMME SEUL (1949)

La « symphonie pour un homme seul » est composée et crée en 1949. La version présentée ici dure environ vingt minutes. La médiocre qualité sonore n’enlève rien à la force de l’œuvre, bien au contraire, elle l’a recouvre d’un voile étrange qui en renforce la magie, un peu à la manière du cinéma expressionniste allemand des années 20. On y découvre les principaux matériaux de la musique concrète des débuts : voix manipulées, toujours incompréhensibles, bruits de foules, chocs, frottements, battements, souffles, et surtout, le fameux « piano préparé », mis à l’honneur par John Cage, et dont la table d’harmonie est remplie d’objets divers, souvent métalliques, destinés à en déformer le timbre ou à obtenir un son spécifique selon la touche que l’on enfonce.

Chaque bruit ou plutôt, chaque objet sonore, fait l’objet d’un agencement rigoureux qui lui confère, selon qu’il soit transformé ou non, un sens, un rythme, une couleur. Jeu d’associations, d’enchaînements, détournements, ruptures. Les bruits ne sont plus inertes, ils prennent vie, tel des entités qui s’animent au contact des autres. Une musique est née, profondément nouvelle, et si elle garde un contact avec la tradition en cela qu’elle fait appel aux structures et aux alternances tension/relâchement, sa grammaire elle, lui est propre. Cette musique enfin, et c’est là son plus grand intérêt, produit des émotions sans précédents chez l’auditeur, et l’oreille humaine prend alors la mesure de certains phénomènes qu’elle ignorait jusqu’alors : le pouvoir hypnotique d’une phrase passée à l’envers, l’effet sidérant produit par certaines coupures ou collages, la perte d’identité d’un son dès lors qu’on en supprime l’attaque ou qu’on l’inverse... autant de sensations que la musique traditionnelle est inapte à produire sur le corps et l’esprit. Ce n’est plus seulement un art d’assembler les bruits qui s’offre à nous, c’est aussi une découverte presque mystique de nos perceptions et de notre inconscient à travers le médium du son. 20 minutes d’un rêve d’où émergent nos fantasmes les plus enfouis, de nos plus lumineux espoirs à nos plus sombres névroses.

LE VOYAGE (1962)

« Le voyage » est réalisé en 1962, soit une éternité après la « symphonie pour un homme seul » au regard des évolutions techniques et esthétiques accomplies. L’œuvre se situe aux antipodes de la précédente, et à la vie grouillante et angoissée de la première, oppose un au-delà mystique, aride et désertique.
Le voyage est inspiré par un ouvrage bouddhiste, « le livre des morts tibétain », qui décrit les différents états de conscience du défunt juste après la mort, de son départ du monde terrestre au néant. Cette expérience mystique est ici traduite pour ce qui, paraît-il, demeure le dernier sens en activité au moment de la mort : l’ouïe.

« Le voyage » reste une expérience aussi sensuelle que traumatisante. Les sons y sont à ce point étrangers à ce que notre monde terrestre nous fournit, qu’ils conservent, plus de quarante cinq ans après, un caractère surnaturel intact. Pour cette œuvre, Pierre Henry part pourtant de matériaux sonores bien identifiés, et de surcroît « terrestres », mais si universels que le temps ne semble avoir aucune prise sur eux : le souffle (source humaine, organique, vitale), le larsen (source électro-magnétique, phénomène physique de la nature) et le métal (source physique, la matière). La structure suit le canevas du livre et permet à l’auditeur de traverser les différentes étapes du voyage funéraire. L’œuvre va au delà de la libre interprétation ou de la mise en image, et semble posséder une réalité organique, biologique, propre à l’expérience qu’elle décrit. Par certains aspects d’ailleurs, la musique concrète n’est pas éloignée, dans les effets qu’elle produit, de certains états hallucinogènes ou certaines expériences du sommeil. Une musique à écouter allongé dans le noir, et si cela est possible, coupé du monde qui vous entoure.

Note : l’œuvre de Pierre Henry fut remixée et rééditée sous la forme d’un coffret : « le Mix ». Chaque CD est disponible séparément, et les différentes œuvres y sont présentées dans un ordre très réfléchi, ignorant les contraintes chronologiques. Ainsi, « La symphonie pour un homme seul » et « Le voyage » ont été rassemblés pour le contraste saisissant qui en résulte. Ces deux œuvres ne représentent qu’une infime partie de l’univers de Pierre Henry mais constituent déjà un aperçu intéressant de sa puissante diversité.

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- symphonie Pour Un Homme Seul (1949)
1. Prosopopée 1
2. Partita
3. Valse
4. Erotica
5. Scherzo
6. Collectif
7. Prosopopée 2
8. Eroïca
9. Apostrophe
10. Intermezzo
11. Cadence
12. Strette
- le Voyage (1962)
13. Souffle 1
14. Après La Mort 1 (fluide Et Mobilité D’un Larsen)
15. Après La Mort 2 (mouvements En 6 Parties)
16. Divinités Paisibles
17. Divinités Irritées
18. Le Couple
19. Souffle 2



             



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