Sur le papier, ça vendait du rêve. L'un des producteurs les plus influents des années 80 rejoignant le chanteur de HUMAN LEAGUE : si on aime la synthpop, que demander de mieux ? Après Joe Esposito, c'est donc avec Phil(ip) Oakey que MORODER décide d'enregistrer un album complet après un galop d'essai. Et cet essai, on le connaît par coeur : "Together in Electric Dreams". Chanson qu'on retrouve ici, intacte, en très bonne position (seconde de la face B, nickel), au cas où vous auriez eu l'outrecuidance de ne pas avoir encore acheté la B.O. d'Electric Dreams (voir à ce sujet l'excellente chronique de mon très estimé collègue Baker. Pardon chef ? Ca s'est vu ?)

Et c'est bien le drame de ce disque : jamais, au grand jamais, le reste des titres n'arrive à ne serait-ce que la cheville d'Electric Dreams. Composé et enregistré, selon les dires de Oakey, en très peu de temps, ce disque mineur sent le cheap, la recette facile et surtout la précipitation, le manque de soin. Ce n'est pas à proprement parler mauvais (disons pas tout le temps), mais nous ne sommes plus du tout dans la période "Midas" de MORODER. Les riffs et mélodies sont forcés, recyclés. Déjà, passons rapidement sur le cas Oakey : il a toujours chanté plus ou moins bien, c'est encore le cas ici. Parfois, ça passe, parfois ça casse, avec voix blanche, notes pas franches. Jusqu'à "Shake It Up". A noter cependant, ce n'est pas la première fois mais là ça choque, que sur deux titres, "Now" et "Be My Lover Now" (Now that's what I call music titles...), Phil a la même voix et la même diction que Glenn Gregory. D'autant plus que "Now-tout-court" est bien pompée sur le HEAVEN 17 de How Men Are, comme il faut, sans vergogne.

Il reste des bonnes idées, de bons concepts. Par exemple, la face A est entièrement enchaînée, avec un interlude instrumental d'une laideur absolue (mais quelle guitare !), comme au bon vieux temps du disco. Et comme au bon vieux temps du disco, l'auditeur sera en droit d'exiger un petit changement de tempo de temps en temps. Bonne volonté, mais le hic, c'est que les transitions sont parfois à la truelle. L'enchaînement "In Transit/Good Times" pique un peu, moins que la production kitschounette ; celui de "Brand New Love/Valerie" ne passe purement pas. Il faut dire que "Valerie" ne passe pas, tout court. Comment un si joli prénom peut-il être associé à une chanson aussi tarte ? C'est gerbos *MEME* pour du MORODER, ça situe le niveau.

Richie Zito fait ce qu'il peut, "Be My Lover" est un single très correct et, surtout, la chanson d'intro mérite l'attention : bien composée, relativement dansante, catchy, pas encore trop pouet-pouet. Mais le reste est d'un niveau très moyen, trop attendu, trop facile, jusqu'à donc "Shake It Up", une sacrée foutue calamité. Quel beau tas de lisier ! C'est plus vide qu'un cerveau de toucan, c'est d'une laideur de gueux, et c'est chanté façon coq gaulois bourré à la Heineken. Et ça finit l'album comme on a l'impression que ça finit la carrière de MORODER, surtout à posteriori.

L'association de ces deux stars de l'electro-pop ('escrocs', entends-je vociférer au fond de la salle) est donc un flop, accouchant d'un tout petit disque de variété disco-synth aussi peu recherché que peu soigné. Heureusement, pour le sauver, outre le gros tube, il y a un certain capital sympathie car, tout caviardé qu'il soit, ce disque est distrayant. Pas agréable, ça c'est le niveau au-dessus ; mais distrayant, bien dans l'air du temps, et l'ère des 4 temps (à 120 BPM). Ce joli raté évite de peu la pire note. Dire qu'on retrouve Joe Esposito relégué aux choeurs : n'est-ce pas malheureux !