Reprenons les aventures de Lara là où nous les avions laissées il y a un an, chose normale puisqu'il fallait attendre, comme dans toute bonne saga littéraire, que la suite soit écrite. Plongée alors dans les plus grands troubles, elle quitte le Rime à Rien pour plonger dans la Rimeraie mais, sachez-le, elle n'est pas au bout de ses peines !

Respectant l'horaire, HEGOA propose donc la deuxième et dernière partie de son Rêve de Papier avec des moyens à la hauteur. Point de cuivres cette fois, mais un peu de violon, flûte, clarinette et surtout, des choeurs féminins multiples et orchestraux (l'Ensemble harmonique de Bellegarde) sur "Ma Rimeraie", "The Old Oak's Fall"...

Preuve qu'à côté d'une maîtrise instrumentale indéniable et en plus de Marine Poirier que l'on retrouve avec un bonheur particulier, le groupe soigne toujours ses empreintes vocales auxquelles Charlie Henry, Gabriel Keller et Jonathan Camara participent occasionnellement ("Les Docks"). La réalisation garde une couleur fait- maison qui renforce la chaleur live, les montées de chorale se font entendre au mieux à côté de la frénésie dégagée par le quatuor talentueux Giet/Camara/Keller/Henry.

Des qualités à tous les niveaux, ce deuxième volume n'en manque point. Il y en a une par idée musicale, quand le texte ne s'ajoute pas avec son découpage en chapitres. Une nouvelle fois, l'auditeur est pris par la main et convié au voyage ; cette fois, cela débute par la forêt, mais attention car le Diable surveille Lara et voudrait la soumettre ! Après une "Rimeraie" magique à l'ambiance guitares 12 cordes très éthérée qui rappelle le GENESIS des années 70, HEGOA insère un bout du refrain des "Lilas dérobés" à celui des "Docks", avec une autre empreinte folk, plus "chanson de marin", violon et flûte traversière à l'appui.

La musique se densifie sur ce "Cher mensonge" au rythme des guitares et de leurs effets respectifs, de la narration de Marine Poirier qui passe de murmures à des cris délicieux en un tournemain, et toujours sans excès. C'est vraiment un groupe de personnalités fortes, cinq en tout, qui peuvent se contrôler dans leur virtuosité (ce qui n'est pas toujours le cas dans le prog), savent aller et s'arrêter là où il faut lorsqu'ils l'étalent. Les deux parties instrumentales de "Victura", en intro et en interlude, sont des démonstrations rock progressif séduisantes.

Et puisqu'on parle de séduction, "Jouons à chat" permet à Marine Poirier d'user davantage qu'ailleurs de sa malice. La production, côté batterie et chant, est étrange sur ce titre et sur le suivant (à la fin), un brin stridente, mais on apprécie les effets spéciaux, le ton de la chanteuse qui se durcit au moment où Lara invoque la Bête sur ce qui s'apparente à un rite satanique. Un beau chapitre en latin, français et anglais, pour un final sombrement éclatant ! Et l'album, quoique moins diversifié, est la continuité digne de son premier chapitre par son excellence.

Ayant vu HEGOA en concert, loin de leur région d'origine (Lyon, Bourgoin Jallieu), c'est un groupe recommandé non seulement à l'écoute mais aussi en live. Généreux, sympathiques, ces cinq musiciens sont passionnés et fantastiques, brillants défenseurs d'une musique riche et complexe qui devient plus accessible, grâce à eux. Ils n'auront peut-être jamais de Victoire de la Musique - l'espoir motive encore pour penser qu'un jour, chez nous, elles seront distribuées judicieusement, avec un rayon médiatique égal - mais pour l'heure, compte tenu de leur jeune âge et sur la scène française, ils se placent en chefs de file. Comptons sur d'autres histoires de ce calibre !

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