Elsa Fourlon, aujourd'hui GILLES, musicienne de formation classique à la forte identité pop, se fait connaître auprès de Laurent VOULZY, Vanessa PARADIS, puis de sa consoeur musicienne Karen Brunon au sein du supergroupe CIRCUS. En plus de chanter, elle joue également de la guitare, du piano et du violoncelle.

Son premier album solo paraît en ce début d'année 2019, sans titre mais pas sans personnalité. Les douze chansons qui le composent s'écartent de toute envie d'originalité pour mieux se concentrer sur le principal : la qualité.

Employant la première personne, "Considérez" appartient à une âme qui ne se livre point facilement d'ordinaire mais qui le fait très bien en chanson. Elle s'adresse ensuite à l'être aimé maintes fois, sur "Ton absence" avec le ton mélancolique que l'on imagine, sur "Replay" en dévoilant les regrets d'un échange amoureux manqué, sur "Unisson" en prenant le ton désireux de faire un bout de chemin ensemble... Et même, à la manière des chansons anciennes de femmes attendant leur homme parti en mer ("Loin des rivages").

Une musicienne au bagage classique qui fait de la pop française peut très bien écrire les textes les plus "gentils", en conservant l'amour pour seule trame et avec fraîcheur, innocence, sans que l'on trouve à redire si l'on adhère un tant soit peu au style, à l'intention. Elsa GILLES a ce quelque chose d'incroyable qui donne de la beauté à la plus grande simplicité, qui fait revenir le soleil sur des paroles tristes, qui fait pardonner les maladresses (une poignée de tournures sont moins habiles que d'autres) ou les nombreuses lourdeurs du point de vue de l'écriture.

Cela, elle le doit avant tout à sa voix. Une très jolie voix, qui ne cherche à rien démontrer, simplement à donner du corps aux mots et aux notes avec un naturel et un timbre qui nous touchent grandement, immédiatement. Elle est d'un charme fou et en partie grâce à elle, son disque à un goût de petit lait exquis. Elle n'abuse pas trop des vocalises qui remplacent certains mots en plein milieu d'une phrase et elle porte ses mélodies, belles, à son image.

Surtout qu'à côté de cela, les chansons proposent un habit tout à fait séduisant. Des arpèges de guitare en acoustique ou électrique en son clair ("Loin des rivages", "Replay") qui nous rappellent combien la chanteuse a été proche de Laurent VOULZY, même momentanément, en termes de collaboration artistique. Une batterie bien placée et qui dès le premier titre, porte les mélodies plus haut encore (les entrées, les relances sur "De l'air"). Une basse qu'on entend fort bien valser des graves aux aiguës lors des envolées pour mieux renforcer l'ensoleillement réel selon les mélodies.

Quelques cordes de chambre discrètes, ici un peu de banjo, des mandolines et des ukulélés sur un ou deux titres. Des arrangements soignés, toujours, jusqu'aux sons de claviers hors-pianos (et dans lesquels il faut compter un CP-70, double miam !), d'une élégance qui s'accorde parfaitement avec la voix, comme sur "De l'air", cette nappe pour une fin planante. On regrette juste qu'il n'y ait pas davantage de couleurs instrumentales, de solos ou interventions-surprises : saxophone, violon ou autre, pour parfaire une réalisation de musicienne accomplie. Aussi, que certains choeurs soient trop prononcés, mixés en avant au moment de refrains répétés ("Unisson", "Ton absence").

Elsa GILLES livre une pop-music à la française, légère et d'une belle unité, sans remplissage. Sa voix évoque parfois celle d'une autre Elsa chanteuse qui a connu le succès et se fait plus discrète depuis des années. Musicalement, l'album avec ses teintes folk, modérément électroniques, se hisse au niveau du deuxième album de PAULINE, La Vie du Bon Côté (2010) – une qualité déjà bien rare à l'époque dans le paysage hexagonal de la chanson -, autant qu'il s'en rapproche d'un point de vue stylistique, optimiste (et, hasard ou non, le batteur est le même pour les deux albums : Christophe Deschamps !) On a bien besoin de cet esprit-là. Bienveillant et réussi ; un vrai bonheur, merci.