Le nom de MADREMARIA aujourd'hui ne dit rien à personne si ce n'est à ceux qui s'en souviennent. Pourtant, à l'époque, le groupe faisait un malheur et allait être encore poussé en avant par une major/grande maison de disques quand décision fut prise de mettre fin à l'histoire. Nous sommes en 1995, à Avignon, et aussi à Montpellier où ce disque unique auto-produit est enregistré (studios Lakanal). Le nom est emprunté à une "sainte" guérisseuse ayant vécu dans les années 1920 en Argentine.

Ce groupe de pop-rock latino est alors constitué de Luis Pousa (chant, guitares électriques et acoustiques), Jorge Delgado alias "Tito" (percussions, guitares classiques, chant), Fabrice "Schrubs" Muller (basse, choeurs) et Jean-Michel Parenteau (batterie, choeurs). Alors que les musiques viennent de l'effort collectif, les textes des douze chansons qui composent le disque ont tous été écrits soit par Tito, soit Luis Pousa.

On parle de chanson latine/sudaméricaine couvrant toute la mer des Caraïbes, Cuba (rumba pour "Coco's Rumba" et "La Cana Te Agarro", salsa pour "La Boca"), Jamaïque (reggae sur "Lechiguana"), Argentine dont Pousa est originaire etc, avec un son rock à son service, notamment une basse volubile du meilleur effet et une guitare électrique franchement bien sentie, en avant dès la première chanson. Les guitares classiques de Tito ne sont pas en reste, quelques percussions viennent compléter le spectre sonore.

On n'est pas réellement proche du style alambiqué de SANTANA, mais du point de vue de la qualité, par rapport à ce qu'il propose au même moment surtout, MADREMARIA se situe loin, bien loin au-dessus. Les voix gutturales et choeurs caractéristiques "à la cubaine" de "Loca", titre ensoleillé, sont révélateurs de l'ambiance qui règne dans le studio, bonne humeur, relâchement, et il n'est pas rare d'entendre des rires en début ou fin de morceau.

Les chants de Tito Delgado et Luis Pousa offrent pas mal de panache, comme le fait de jouer sur la saturation de la guitare, une couleur rock assez inédite. À partir de là, les quatre membres se font plaisir (autant qu'ils en donnent) à jouer des "Zouk" - soleil garanti et basse de dingue ! -, "Lechiguana", "La Boca" où la batterie souligne les phrases, et même "L'inébranlable". Poum-tchack à la française et accordé au seul texte dans la langue de Molière, mais avec un fort accent hispanique et pourvu d'éléments kitschs en diable, ce titre n'est pas hors-sujet, heureusement.

Si ce groupe a beaucoup plu aux dames et aux filles, on comprend pourquoi. Les musiciens ont de bonnes têtes et ils ont un niveau mieux que solide, même lorsqu'ils entonnent des complaintes, des bluettes chargées en sucre. "Manuel" enchaîne les couplets mélancoliques et les refrains légers à choeurs forts, "Luna" est mignonne comme tout.

Sur la durée d'ensemble, seule la partie "Coca"/"Al gato y al raton" (le chat et la souris) est moins convaincante, et au contraire, "La Cana Te Agarro" semble concentrer le meilleur du groupe, en commençant gentiment par une rumba, développée ensuite par un crescendo généreusement "électrifié" et en finissant par une danse folle, excellente ! Avec un son aussi chaleureux, une telle musicalité, MADREMARIA avait la possibilité d'aller plus loin encore, mais l'histoire en a voulu autrement.