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2007 Faces In The Rocks

MARIEE SIOUX - Faces In The Rocks (2007)
Par AIGLE BLANC le 18 Juillet 2019          Consultée 976 fois

Pour le chroniqueur professionnel obligé de soutenir la cadence infernale d'une actualité musicale toujours pléthorique, la lassitude paraît inévitable. L'expérience acquise au cours des années, qui se mesure au nombre d'albums écoutés, finit néanmoins par tellement aiguiser son esprit que son exigence s'accroît de manière exponentielle et réduit conséquemment sa capacité d'émerveillement. Difficile voire impossible dès lors pour lui de rencontrer un artiste apte à secouer sa léthargie, à éveiller ses sens forcément émoussés par la médiocrité ambiante. Si à Forces Parallèles le bénévolat nous protège de cet écueil somme toute compréhensible, force est d'admettre que nous n'échappons pas à la routine des évaluations tièdes. Pour nous aussi, un album est à ranger soit dans la catégorie "insipide ou médiocre", soit dans celle du "tout bon", soit plus rarement dans l'élite des "meilleurs parmi les meilleurs".
Mais il est une autre option qui ne s'offre au chroniqueur qu'une fois par décennie, voire tous les vingt ans à peine, option difficile à défendre par les mots : l'état de grâce. Que vous soyez croyant ou non, en sympathie ou en guerre envers les pensées religieuses, l'état de grâce est ce sentiment inexplicable qui vous saisit quand le talent d'un artiste voire son génie ne suffisent plus à définir son oeuvre. Si le talent ne garantit pas le succès populaire, l'état de grâce pulvérise quant à lui la dichotomie succès/échec. Peu importe votre classe sociale, votre culture et votre sensibilité, l'oeuvre de l'artiste s'impose au-delà de tout sens critique.

A ce titre, qu'il est bien difficile d'évaluer le premier album de Mariee SIOUX ! Si votre serviteur use de superlatifs, son avis risque de devenir suspect. Et pourtant, comment rendre compte autrement de l'expérience magique qu'offre l'écoute, même répétée, de Faces in the Rocks ? J'ai découvert ce disque l'année de sa sortie en 2007, sur la seule foi d'un critique enthousiaste de la défunte revue CROSSROADS. S'il m'a fallu douze ans avant de m'exposer à la chronique présente, c'est par peur de ne pouvoir ajuster les mots pour traduire le sentiment qui m'étreint à chaque écoute de l'album. Même si le temps écoulé permet une analyse plus "objective" de l'opus, réduisant ainsi le risque de le surévaluer, le sentiment de magie persistant annihile toute mesure, coupe le souffle de la pensée critique et renvoie les mots à leur insuffisance.

La Folk a ses détracteurs qui lui reprochent son verbiage et le caractère souvent convenu des compositions plaquées sur le rythme des paroles. Le minimalisme de la Folk traditionnelle (une guitare acoustique égrenant ses accords ou ses notes en picking en accompagnement d'un chant naturaliste) ne facilité pas, il est vrai, la variété des timbres ni des climats. Il est par conséquent facile de verser dans une routine transformant chaque chanson en une copie de la précédente. De ce point de vue, rien a priori ne distingue Mariee SIOUX de ses jeunes consoeurs (Alela DIANE, Marissa NADLER, Emily Jane WHITE) ou de ses doyennes (Buffy SAINTE-MARIE, Jon BAEZ, Joni MITCHELL) : ses chansons sont bâties sur des textes abondants et ses mélodies naturelles se ressemblent toutes au point qu'il n'est pas évident d'en retenir une plutôt qu'une autre. Si vous n'aimez pas la Folk, il y a fort à parier que les beautés de Faces in the Rocks s'étranglent dans les tressauts de vos ricanements intérieurs. Pourtant, il serait dommage de passer à côté d'un album magique qui doit sa singularité aux origines ethniques de la chanteuse.

Mariee SIOUX naît le 4 février 1985 en Californie, élevée à Nevada city où elle réside, d'un père hongro-polonais et d'une mère native américaine. Si l'influence de son père Gary Sobonya se cantonne à la mandoline qu'il interprète lui-même dans l'album, celle de sa mère imprègne la thématique spirituelle qui parcourt ce premier opus, fortement coloré d'éléments mythologiques renvoyant à la culture du peuple sioux. La chanteuse y convoque ainsi les figures du lézard, du serpent et du grizzly. La dimension chamanique qui concourt au charme de Faces in the Rocks ne se limite cependant pas aux références à la culture primitive amérindienne, elle transfigure une écriture éminemment ésotérique, aux images puissantes aptes à vous fouiller l'estomac, indéniablement le point fort de l'opus, qui nourrit le psychédélisme ambiant de chaque titre et constitue la meilleure défense du disque contre les mauvaises langues qui pourraient l'accuser à tort de verser dans la mièvrerie. Les paroles épousent le rythme chamanique en suivant une logique symboliste, par des passerelles établies entre la sphère privée et collective. C'est en parlant d'elle et de sa famille que Mariee SIOUX réactive les liens d'avec ses ancêtres, abreuvant son écriture à la logique animiste que d'aucuns parmi nous attribueraient à la poésie surréaliste.

Ses autres atouts, la jeune femme les distille dans le ruisseau limpide de sa voix à la fois lumineuse et profonde, sensible et authentique, une voix enjôleuse dont elle joue avec un naturel confondant pour épouser les sinuosités de ses lignes vocales. Si son chant ne brille pas par la variété de ses effets (aucune rupture de ton ni d'octave ne vient secouer l'auditeur), il confère à l'écoute de l'album un ensorcellement aussi serein qu'immersif.
Conformément à la tradition folk, Mariee SIOUX s'accompagne à la guitare dont sa technique de jeu en picking diffuse dans l'album une légèreté et une grâce des plus envoûtantes.

L'autre prouesse de l'artiste réside dans la durée inhabituelle des 8 pistes constituant l'album et qui comptabilisent au final 50 minutes de musique, soit une moyenne de 6 minutes par titre, avec deux poussées à près de 10 minutes. Loin d'être une pause prétentieuse, cet étalement des chansons se voit motivé certes par l'abondance des paroles. Mais ce qui eût pu s'avérer un écueil devient par la magie des mélodies, et l'art du chant de Mariee SIOUX, l'atout le plus puissant du disque. L'envoûtement est si réussi que la durée des pistes jamais ne sonne comme une faiblesse, jamais ne paraît forcée : les chansons s'écoulent sans heurt tel un ruisseau indomptable dévalant les prairies, malgré le caractère incantatoire des lignes vocales qui entraîne une inévitable redondance musicale. La chanteuse n'a pas son pareil pour pulvériser ce qui semble au départ une simple structure couplets/refrain et devient par la magie de son interprétation une science ahurissante de la répétition à travers l'itération de certaines phrases musicales ou l'étalement hypnotique des couplets.

L'album est composé exclusivement de ballades rêveuses mais jamais ennuyeuses car soutenues par d'excellentes idées de production : c'est ainsi que brille la flûte indienne de Gentle Thunder sous le pseudonyme de laquelle se cache la multi-instrumentiste Lisa Carpenter, adepte de la flûte native-américaine, et du hammer dulcimer. Dans Faces in the Rocks, elle assume aussi les percussions primitives autant que la production et le mixage. Son travail magnifie les compositions de Mariee SIOUX. Si les chansons s'offrent dans leur plus simple appareil, cela n'empêche pas l'intervention parcimonieuse de l'accordéon de Maggie McKaig ni celle du violoncelle de Luke Janela.

Faces in the Rocks est une merveille hors-du-temps, que les écoutes répétées jamais n'altèrent. Un album d'une rare beauté.

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   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Mariee Sioux (chant, guitare acoustique)
- Gentle Thunder (flutes, bâtons de pluie, cymbales, grosse caisse, )
- Gary Sobonya (mandoline)
- Maggie Mckag (accordéon)
- Luke Janela (violoncelle)
- Jonathan Hischke (guitare basse)


1. Wizard Flurry Home
2. Buried In Teeth
3. Friendboats
4. Wild Eyes
5. Bravitzlana Rubakalva
6. Two Tongues
7. Bundles
8. Flowers And Blood



             



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