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1962 Hey Boss Man!
1989 Midnight Prowler

Frank FROST - Hey Boss Man! (1962)
Par LE KINGBEE le 19 Avril 2020          Consultée 1197 fois

Si par le plus grand des hasards, vous étiez propriétaire de cette galette, ne vous en séparez pas dans un vide grenier ou une quelconque foire à disques. Un exemplaire se négocie depuis quelques années aux alentours des 4000 €. On peut douter que cette enchère trouve un jour preneur d’autant plus que le disque a été réédité par Charly Records, deux firmes japonaises et enfin par Bear Family en 2012. Ne voulant pas faire d’envieux ni de jaloux, je précise que cette chronique provient du vinyle édité par le label allemand dont le logo propose une famille d’ours. Un disque glané dès sa sortie chez Rock Paradise. A travers ce disque, il convient d’évoquer Sam PHILLIPS, fondateur mythique du label SUN Records, celui la même qui aura révélé un camionneur de Tupelo qu’on appellera bientôt le KING.

Sam PHILLIPS, cadet d’une famille de huit bambins est originaire d’Alabama. En 1941, à la suite du décès de son père, Sam qui aidait la ferme devient commis dans une épicerie puis employé dans d’une entreprise funéraire. Le jeune péquenot veut aller de l’avant, il débute un cursus en droit avant de bifurquer vers la radiodiffusion. Il est embauché sur la WLAY, une radio de Muscle Shoals, enchaîne pour des radios concurrentes où il devient tour à tour technicien puis disc-jockey. Après une brève expérience à Nashville, il atterrie à Memphis en 1945 et devient animateur pour la WREC tout en s’occupant de l’enregistrement d’acétates, les bandes magnétiques n’étant pas encore totalement au point.

S’apercevant que la ville regorge de musiciens locaux de talent il monte un premier studio le Memphis Recording Service au 706 Union Avenue. C’est là qu’il enregistre et produit des artistes du crû pour les revendre à des indépendants comme Modern ou Chess. L’aventure fonctionne à merveille et PHILLIPS fonde Sun Records en 1951 et Phillips Int. Un label qui va rester en sommeil quelques années. Sun va enregistrer à tour de bras aussi bien des artistes de Hillbilly que des bluesmen ou du Gospel, Sam Phillips ne se fiant qu’à son flair. Les choses prendront une tournure différente avec les premiers enregistrements d’Elvis PRESLEY en juillet 54, puis de Johnny CASH, Carl PERKINS et Jerry LEE LEWIS jusqu'à la revente du King à la RCA.
A coté du célèbre label aux rondelles jaunes Phillip Int. basé au même endroit a d’abord publié des singles dès septembre 1957. On ignore avec exactitude si Phillips avait une ligne éditoriale bien précise à cette époque. Entre 1957 et 1964, le label publiera 70 singles, un catalogue constitué de bric et de broc dans lequel figure quelques pionniers du Rockabilly : BARBARA PITTMAN, Hayden THOMPSON, Charlie RICH, Sonny BURGESS.

Parallèlement à la production de singles Sun et Phillips Int. Sam Phillips se lança dans l’aventure du 33 tours, le Long Play Recording. Cette série de vinyles débute avec la sortie d’un disque de Bill JUSTIS ; curieusement les références de ces 33 RPM sont chiffrées de 5 en 5, mais cette production s’arrêtera au bout de neuf disques, suite à une longue bataille juridique avec consortium hollandais Philips qui s’était lui aussi lancé à fond la caisse dans la production de disques dès 1950, Sam Phillips vendra son célèbre label à étiquettes jaunes à Shelby Singleton en 1969. Mais le bonhomme était parvenu à révolutionner l’Industrie Mondiale du Disque en partant d’un studio artisanal.

On ne reviendra pas sur la vie de Frank FROST (voir la chronique de "Midnight Prowler"). En juin 1962, Frank attire l’attention de Sam Phillips qui décide de l’enregistrer. De cette session, le label édite préalablement un 45 tours avec "Jelly Roll King" couplé à "Crawlback", histoire de voir, un peu comme au poker. Si Lee Bass, manager de Frost et de ses deux potes, n’a cessé de vanter les mérites du trio, Phillips ne va pas hésiter longtemps à produire un album, la symbiose entre les trois musiciens est évidente et lui rappelle le souffle des premières productions Sun. Dès le premier titre, on se retrouve comme avalé par la puissance d’une rythmique minimaliste qui n’a de cesse d’imprimer un tempo identique tout le long du titre. On doit cette curiosité aux NOMADS, un combo de Liverpool orienté sur le Blues qui se fera connaitre plus tard sous le nom des MOJOS. Ces derniers n’enregistreront le titre pour Decca qu’en 1964. Repris par plusieurs combos ancrés dans le Merseybeat alors très en vogue, le titre connaîtra une seconde jeunesse en 73 via David BOWIE, dans une version médiocre qui ne parvient jamais à restituer le climat torride insufflé par les NIGHT HAWKS. Les INMATES remettront le morceau à l’honneur dans l’album "Fast Forward". Mais alors que de nombreux jeunes britanniques reprenaient les titres des vieux bluesmen du Delta ou de Chicago, ce titre témoignait que la tendance pouvait changer, pour le coup c’est la Tamise qui se déversait dans les méandres boueux du Mississippi.

La torpeur s’accentue davantage avec "Lucky To Be Living", paradoxalement plus lent, le rythme devient accablant juste entrecoupé un harmonica geignard. L’allure reprend sa vite de croisière, le Delta n’étant pas connu pour la vitesse de ses rapides, avec "Jelly Roll King" l’un des titres fétiches du trio. Si vous êtes amateur d’harmonica pleurnichard et strident, de rythmique métronomiques "Baby You’re So Kind" devrait combler votre attente avec une fréquence de tonalité qui évoque fortement John Lee HOOKER. La cadence n’augmente guère avec "Gonna Make You Mine", le genre de Boogie brut de décoffrage comme en distillait HOOKER. Cette face A s’achève sur "Now Twist", un instrumental qui pourrait servir de pont entre le Blues de Hi Records à Memphis et celui du Delta.

La reprise de "Big Boss Man" en ouverture de face B n’est pas anodine, s’il s’agit d’une compo de Luther DIXON le titre rend clairement hommage à Jimmy REED et fait office d’analogie avec le titre de l’album. Le trio nous en délivre une interprétation cradingue qui prend vraiment aux trippes d’autant plus que la rythmique infernale rivalise avec celle de l’original tandis que Big Jack JOHNSON se démultiplie à la guitare. S’ensuit le shuffle "Jack’s Jump", un instrumental se situant entre HOOKER et Muddy WATERS. Vous l’avez remarqué, HOOKER et REED ont souvent été évoqués, mais un autre personnage peut s’insérer dans ces séquences de Blues terrien : Slim HARPO. Sur "So Tired Living By Myself" on n’a l’impression que FROST et ses Night HAWKS se sont immergés dans les marais louisianais, la rythmique squelettique et sans pitié et l’harmonica fortement aigu sur les notes insufflées ne peuvent que rappeler la glorieuse époque du Swamp. Jimmy REED est encore à l’honneur, "Now What You Gonna Do" pourrait s’inscrire dans l’un de ses disques avec cette rythmique aussi chatoyante qu’imperturbable. Le Rockin’ Blues "Pocket Full Of Shells"▪ suggère tant par le tempo que la sonorité l’homme orchestre Joe Hill LOUIS, l’auteur de l’impayable "Tiger Man (King Of The Jungle)" une tuerie que reprendront les groupes français SWAMPINI et AUTOMATIC CITY. Enfin "Just Come On Home" nous expédie vers un Boogie hookérien intense et quasi instrumental.

Si vous êtes comme nous, pauvres mais passionnés, vous pourrez déguster "Crawlback", l’instrumental ne figurant pas sur la version d’origine mais présent comme bonus sur la réédition Bear Family. Signalons à toute fin utile que le pressage est identique à celui d’origine. La rondelle est, elle aussi, similaire à celle d’origine avec la représentation d’une carte géographique bleue surmontée d’une bannière semblant volé au vent et dans laquelle figure le nom de Phillips avec deux doubles croches en guise des 2 L. Un des derniers albums de Blues terrien gravés à Memphis.

▪ Il s’agit d’un titre homonyme à celui de RAGE AGAINST THE MACHINE.

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   LE KINGBEE

 
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- Frank Frost (chant, harmonica, basse)
- Big Jack Johnson (guitare)
- Sam Carr (batterie)


1. Everything's Alright
2. Lucky To Be Living
3. Jelly Roll King 2:30
4. Baby You're So Kind
5. Gonna Make You Mine
6. Now Twist
7. Big Boss Man
8. Jack's Jump
9. So Tired Living By Myself
10. Now What You Gonna Do
11. Pocket Full Of Shells
12. Just Come On Home
13. Crawlback



             



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