Originaire d’Auvergne, Frank FROST n’est pas bougnat pour autant. En fait, ce gars vient bien d’Auvergne mais dans l’Arkansas, une bourgade située entre Newport et Memphis (Tennessee). Le bonhomme débute par le piano dans la chorale paroissiale que dirige son paternel. A 15 ans, il prend son baluchon et s’installe à Saint Louis où il se met à l’harmonica et à la guitare au contact de Little Willie Foster. L’apprenti bluesman est pragmatique. Il a constaté qu’un harmonica pouvait tenir dans une poche, contrairement au piano.
En 1954, il rencontre le batteur Sam Carr, fils du guitariste Robert Nighthawk, les deux musiciens ne se quitteront pratiquement plus. Après avoir tourné dans le giron de Sonny Boy Williamson, les deux hommes s’adjoignent les services de Big Jack Johnson. Frost reforme ainsi la base des Nighthawks, l’orchestre de Robert.
En 1962, Frank enregistre pour Sam Phillips « Hey Bossman !», un album de blues terrien de première bourre qui aurait pu amener le trio vers la gloire. Mais, manque de pot, le disque ne sortira que 13 ans plus tard. En 1966, le trio enregistre en compagnie de Scotty Moore, guitariste d’ELVIS, « My Back Scratcher » en réponse au hit de Slim Harpo « Baby, Scratch My Back » pour le label Jewell. Le trio se produira jusqu’au milieu des années 70, principalement à Clarksdale et dans le Mississippi. Après un arrêt de quelques années, il se reforme en 1979 sous le nom de Jelly Roll King.
En 1986, Frank Frost tient un petit rôle dans le film « Crossroads » de Walter Hill ; cette apparition le remet sur le devant de la scène. Le musicien va alors connaître une période faste avec des tournées internationales et divers enregistrements. Malade depuis plusieurs années, il est victime d’une crise cardiaque en octobre 1999, quatre jours après s’être produit au King Biscuit Blues Festival d’Helena.

Cet album provient de deux sessions enregistrées en juin 1986 à Chicago et en février 1988 à New York. Michael Frank, patron du label Earwig, avait préalablement édité en 1979 sous le nom de Jelly Roll Kings le vinyle « Rockin’ The Juke Joint ». La discographie de Frost ne comptait alors que deux disques et une compilation Charly. La première session propose six titres gravés en compagnie du guitariste Ernest Roy, de son frère Walter à la batterie et de l’inamovible Jack Johnson en première guitare, Frank se chargeant du chant, de l’harmonica et du piano. En 1988, l’équipe d’origine avec Sam Carr aux baguettes et Johnson à la gratte était reformée pour les besoins. Malade depuis quelques années, Frost se montrait toutefois égal à lui-même.
Le répertoire conjugue Chicago et Delta Blues. Frost reprend cinq originaux : « Gonna Put Her Down » marqué par la slide de Big Jack Johnson, « Ernest’s Groove » un shuffle instrumental, « Undertacker » un Blues mid tempo et une pépite de Blues urbain « Mean Black Spider ».
« Midnight Prowler », un slow blues, donne son nom à l’album. Au rayon des covers, Frost s’attaque principalement à des inusités : « Cummins Prison Farm », un hit mineur de Calvin Leary, « I Wanna Get Close » (MUDDY WATERS) qui fait office de pont entre le Mississippi et Chicago, « Unseen Eye » (SONNY BOY WILLIAMSON II) dans lequel l’harmonica diatonique remplace le chromatique. Deux reprises de Little Walter figurent elles aussi au programme, « Who Told You » et « Quarter To Twelve » pour des relectures classiques. Frank Frost prend soin d’épaissir le répertoire avec deux hits : « Mustang Sally », œuvre de Sir Mack Rice popularisée par WILSON PICKETT ; ici l’orgue fait figure de passerelle entre les reprises Blues de MAGIC SLIM ou BUDDY GUY et celles des Young Rascals et des Kingsmen. Seconde grosse pioche avec « Scratch My Back », gros succès de Slim Harpo. L’un de ses plus gros triomphes (peut être le seul), « My Back Scratcher », composé en hommage à Harpo figure aussi au répertoire. C’est à ma connaissance la seule fois où ces deux titres résident sur un même album.
Cet album remettait au goût du jour un harmoniciste sous enregistré mais toujours vénéré par le public noir du Mississippi. Bon chanteur à la voix traînante évoquant JIMMY REED et LIGHTNIN’ SLIM, Frost parvient néanmoins à mettre de l’intensité, à l’image de SONNY BOY WILLIAMSON, et à rendre son œuvre authentique. Seul bémol, on se demande pourquoi les titres issus de deux sessions ont été mélangés avec un tel acharnement, alors qu’il était si simple de placer ces titres selon les années de ces séances.