Sorti en l'an 2000, Baldur's Gate II : Shadow of Amn est à mes yeux le meilleur jeu vidéo de tous les temps, tous genres confondus. Et bim, l'intro subjective d'entrée de jeu ! Est-ce excessif ? Un peu. Alors disons les choses plus calmement : Baldur's Gate II est l'un des meilleurs jeux vidéo de son genre, à savoir le RPG. Basé sur l'univers Donjons & Dragons et se déroulant dans le monde imaginaire de Féerune, il raconte l'aventure d'un personnage à l'ascendance sombrement divine – que vous créez vous-même – qui va devoir affronter un dangereux mage qui a également enlevé son amie d'enfance. Dit comme ça, ça n'a pas l'air de grand-chose, mais la longueur et la richesse de la quête principale, qui s'entremêle avec une foultitude de quêtes annexes et des personnages secondaires ma foi fort bien écrits, font du scénario de BG II (abrégeons donc) un sommet qui n'a que trop rarement été égalé. Ajoutez à cela un game-play gouleyant offrant des possibilités sinon infinies au moins très larges, et vous obtenez un jeu vidéo qui justifie pleinement ses dizaines d'heures de jeu. Minimum. Et sans mods.

Côté musique, Bioware, la maison d'édition de BG II, ne s'est pas foulée et a fait appel au même compositeur que le précédent volet, Michael HOENIG. Et... ah, j'en vois qui frétillent au fond (bon en fait non, mais faites semblant s'il vous plait). Oui, on parle bien du même Michael HOENIG qui joue des claviers chez AGITATION FREE et a remplacé Peter Baumann chez TANGERINE DREAM en 1975 ! Pour ceusses qui ne seraient pas au courant, HOENIG a commencé une carrière solo après la dissolution d'AGITATION FREE en 1976, et s'est notamment fait remarquer dans le monde de la B.O de film et série. Bon, ce n'était pas forcément du grand oeuvre, je pense notamment à un film comme The Blob (1988), mais c'était suffisant pour se faire un nom.

Pour Baldur's Gate II, HOENIG noircit des pages et commande un orchestre classique pour un résultat à la hauteur du jeu : exceptionnellement génial. Si la musique du premier B.G, sorti en 1998, n'avait pas forcément autant marqué, force est de constater deux ans plus tard que le claviériste allemand se surpasse. Tout au long du jeu, il instille des morceaux on ne peut plus adaptés aux scènes qu'ils sont censés illustrer et qui parviennent à bien faire comprendre qu'on se trouve dans un monde d'heroïc fantasy, mais sans pour autant tomber dans les clichés du genre ou oublier d'avoir de la personnalité. En effet, la musique de Baldur's Gate II ne ressemble à rien d'autre qu'elle-même. Et Dieu sait à quel point ce point fait cruellement défaut à bien des compositeurs qui se spécialisent dans la B.O de jeu de rôle (oui oui, c'est toi que je regarde Two Steps from Hell).

L'une des difficultés majeures de l'OST d'un jeu vidéo, c'est de sortir des thèmes suffisamment marquants pour faire bonne impression, mais suffisamment variés pour ne pas former une boucle des plus irritantes. Et c'est là que HOENIG excelle. En témoignent les thèmes de bataille qui se déclenchent chaque fois que votre personnage et ses alliés rencontrent des ennemis. En plus de dépendre de l'endroit où vous vous trouvez (ville, donjon, forêt...), ils offrent à chaque fois une mélodie percutante et énergique, insufflée par un caractère épique sans pour autant surjouer sur ce point (ich sehe dich Hans Zimmer), et donc gagnent grâce à leur 'sobriété'. Mais dans un registre plus calme, les autres morceaux n'ont pas à rougir. C'est même là qu'on trouve les merveilles de l'OST, comme le thème de l'Outreterre ("Underdark"), bien pesant et sombre, ou bien "Waukeen's Promenade", qui sent bon l'Orient même si, pour le coup, le côté stéréotype se fait légèrement ressentir. C'est d'autant plus fort que toute la B.O (ou presque, cf. plus bas) ne dure 'que' 51 minutes.

Au sein de BG II, ce qui fait entre autres la force de la musique, c'est sa présence dans son absence. En effet, on peut passer de longues minutes sans qu'aucune musique ne soit jouée – ou presque, les musiques de combat se mettant à boucler, situation oblige. Et non seulement ça empêche de rendre la musique pénible au bout de plusieurs heures de jeu, mais on apprécie d'autant plus les compositions. Et mesurez bien à quel point c'est important dans un jeu vidéo à l'espérance de vie si longue.

Au final, il y a deux regrets majeurs concernant la B.O de BG II. Primo, elle n'est disponible qu'avec l'achat du jeu. Impossible de légalement mettre la main dessus de manière isolée, et vu la date de sortie du jeu, on se doute que c'est un item rare. Secundo, elle n'est pas exhaustive. Il manque notamment le thème de la Couronne de Cuivre (un point névralgique au sein de BG II), tout de cuivres ronflants vêtus ; d'autres thèmes marquants manquent à l'appel, comme celui spécifique au combat contre un dragon ou encore la musique de bataille contre le boss final.

L'OST de Baldur's Gate II reste quand même un monument de la musique de jeux vidéo, de la même manière que le jeu en lui-même reste une référence du 10ème art. Un tour de force rendu possible par un compositeur ayant totalement compris l'importance de son rôle et a su mettre à profit son expérience et sa maîtrise musicales, chose qui n'a que rarement pu être vue depuis les débuts du jeu vidéo ou presque.