La musique d'ARZ NEVEZ possède un goût unique, croisement de la musique de chambre baroque, du fest-noz breton et des rivages irlandais. L'initiative vient du guitariste-arrangeur Yves Ribis, âgé d'une quarantaine d'années, qui a aimé la guitare électrique des années 60/70 avant d'étudier au conservatoire de Rennes une approche autrement précieuse de la musique. Largement influencé par Alan STIVELL dans ses aspirations bretonnes depuis l'adolescence, il accompagne le barde célèbre à la fin des années 80 (on peut l'entendre sur le single rare Delirium).

L'arrivée du IIIème millénaire n'a pas changé la donne : les formations de chambre ont toujours le vent en poupe, comme on peut le voir avec les Anglais du Quatuor ARDITTI portés par un souffle contemporain, en France le simplement nommé QUATUOR plutôt tourné vers le passé et l'humour dans un courant populaire. Après dix années consacrées au groupe de rock GLAZ et aux fest-noz, Yves Ribis tient à faire valoir une empreinte plus personnelle et donner une autre couleur à la musique bretonne.

ARZ NEVEZ est une traduction du nom d'Ars nova qui se rapporte à une période musicale de la France médiévale, au XIVème siècle, avec notamment le très célèbre Guillaume DE MACHAUT. De quoi ajouter encore au caractère ciselé d'une telle musique ! Pour les arrangements de Ribis, on rencontre aux violons Youenn Lorec et Hélène Le Flecher-Kalonneg, à l'alto Eric Lavarec et au violoncelle Kristina Omnes.

Dès ce premier effort, Pevar en Avel, en français Quatre Vents, paru en 2000 sur le label Molène Productions, les gavottes et reels gaéliques sont retranscrits dans une formule pour le moins plaisante, où la richesse des arrangements baroques-classiques aide à créer de nombreuses variations pour ces thèmes traditionnels basés sur la répétition.

Le violoncelle de Kristina Omnes aide souvent pour la rythmique, comme c'est le cas dès le début du disque. "Gouel ar c'hranked" passe d'une gavotte à un bal fisel où l'accalmie, "appel à la danse" (avec une superbe note pédale ou "tenue" au violon) précède l'entrée dans la danse, avant de revenir au pas de gavotte. Les mélodies d'alto par Eric Lavarec sont particulièrement savoureuses, mais aussi parce que cet instrument, considéré à tort comme mineur par rapport au violon, reste lui-même fort beau, en toutes circonstances.

On le rencontre assez gaillard sur "Deomp da Pont-Aven", aux couleurs baroques très nettes avec des cordes regroupées dans un esprit de quadrille. "Kimiad Iverzohn" propose un rythme joyeux et une mélodie en majeur, pour changer. En alternant ces moments-là avec d'autres qui offrent plus de liberté, la musique d'ARZ NEVEZ permet de varier les plaisirs. Si tout n'est pas toujours excellent (certaines variations, comme celle de la fin de "Kas a Barh Kreisteiz"), il y a clairement de quoi donner envie d'y revenir.

La gwerz bien connue de "Ti Eliz Iza" est complètement retravaillée sur "Enez Eusa", lente bien sûr et servie avec de la crème jusque dans son final en douceur, une marque de fabrique dont on se délecte. Les cordes graves introduisent "The May Morning Dew", chanson irlandaise que les CHIEFTAINS, drôle de coïncidence, reprennent au même moment sur leur album Water From the Well (2000 aussi). C'est l'unique chanson du disque, avec la très belle voix de Véronique Bourjot sur une valse lente. Autre sommet de l'ensemble, avec ses violons troublants, sa fin en majeur alors que tout le reste était en mineur (au conservatoire, on appelle ça "tierce picarde").

Sur "Gwez Kren en Noz", une flûte traversière, seule autre intervention extérieure du disque, se joint au quatuor. On la retrouve sur le dernier morceau, "Ar Seizh Skleur Itron Varia Rostern", lui aussi intense et de très grande qualité. Le plus brumeux et le plus long de l'ensemble, dépassant les huit minutes, qui petit à petit dessine sa progression de manière nette et va là où il veut réellement venir, une reprise du cantique breton "Spered Hollvedel", "esprit universel", dont la mélodie avait dû tant marquer Yves Ribis en introduction du live d'Alan STIVELL à Dublin (1975).