"Il est des musiques venues du bout du monde
Changeantes comme l'océan
Elles disent le murmure des pierres, le fracas des tempêtes
Le cri des goélands"
(extrait du livret de Glen River)

La pochette de Dantec, artiste Bourguignon réputé qui réside alors en Bretagne, nous convie fortement à l'écoute de ce nouveau disque de GWENDAL. Dessin à caractère légèrement asiatique et qui semble être un pendant de Roger Dean (illustrateur pour le groupe YES et d'autres) en une période improbable, signe de raffinement.

Glen River, l'album, confirme cette sensation, on peut dire, largement lorsqu'on repense à l'effort précédent du groupe, de triste mémoire. GWENDAL délaisse quelque peu son terrain jazz-fusion pour une identité folklorique classique, mais toujours avec sa couleur propre, bénéficiant ainsi d'une remontée d'inspiration claire et nette.

Evidemment, on n'essaie plus de faire des chansons. Le groove cher à la formation virtuose s'entend bien sur "Glaz Noz", et le rock "La Tarentule", quoique très connoté d'un point de vue son, est aussi efficace que rafraîchissant. Entre les flûtes de Youenn Le Berre et les claviers de Paul Faure, Robert Le Gall fait chanter sa guitare électrique d'une manière héroïque à la Dan AR BRAZ.

C'est lui-même, Le Gall, en collaboration avec Le Berre, qui fournit l'essentiel de la composition en s'inspirant des thèmes traditionnels. Le hornpipe "Steren", avec son ambiance pub irlandais, est pourtant original ! On ne s'attendait pas à ce que GWENDAL prenne une tournure aussi poétique, mais c'est fort agréable quand on sait qu'ils peuvent faire autre chose.

On accueille donc avec un certain plaisir la première partie des "Champs Bothorel", sur fond de guitares en arpèges délicats et de basse fretless chaleureuse. La seconde partie, absente du vinyle hélas, met la cornemuse écossaise bien en avant. C'est le cas dès le début du disque avec "Glen River", porté par les nappes de claviers célestes et la caisse claire de Dominique Molard. "Noces de Granit" et ses bombardes, "Jigger Jig", sa harpe-synthé et sa mélodie endiablée nous émeuvent tout autant.

À côté de cela, GWENDAL injecte une dose d'exotisme dans la seconde partie de "Uilean Mandinga" et son côté rumba/cha-cha/latino. C'est léger, pas autant humoristique que les premiers disques et le groupe prend cette évolution très au sérieux. Toujours en rapport avec Dan AR BRAZ, le jeu de guitare par Le Gall est décidément captivant (première partie du morceau).

Patrice Guillaumat n'est pas en reste avec quelques arrangements de percussions subtiles, en dehors d'une batterie aérée suffisamment pour s'accorder avec le climat musical. On sentirait presque l'éclaboussure de l'eau sur une plage ou entre deux falaises. Si vous aimez le voyage, la Bretagne dans ce qu'elle a de plus beau visuellement parlant, Glen River est pour vous.

Ce disque édité seulement en France et en Espagne, il vaut mieux l'avoir en vinyle (la pochette !). Une parution CD de Keltia Musique est augmentée de quatre bonus, dont "Celtic Bridge", "Intro" (sons de pluie) et "Toboggan", qui alourdissent l'ensemble. "Toboggan" permet d'entendre un saxophone absent du reste du disque, et "Celtic Bridge" reste frais, mais rien d'indispensable, sauf la deuxième partie des "Champs Bothorel".