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1968 This Is Clarence Carter

Clarence CARTER - This Is Clarence Carter (1968)
Par LE KINGBEE le 22 Octobre 2020          Consultée 1062 fois

Le titre du premier disque de Clarence CARTER a le mérite d’être clair. Au cas où vous n’auriez pas bien vu de qui il s’agissait sur cette pochette relativement parlante, le titre sert de rappel à l’ordre. Pour ce qui est de voir, signalons que le bon Clarence n’y voit pas plus que Ray CHARLES, MOONDOG ou Louis Braille. CARTER appartient à la longue tradition des chanteurs-guitaristes aveugles. A contrario de Blind Lemon Jefferson ou Blind Willie Johnson qui se produisaient dans les rues pour survivre, le guitariste a pu poursuivre un cursus universitaire en Alabama, ce qui lui permet d’écrire en braille ses compositions et ses arrangements.

Clarence CARTER voit le jour en 1936 à Montgomery, ville rendue célèbre pour une sombre histoire de place dans un bus. Certains lecteurs pourraient s’offusquer de ce préambule facile, mais le petit Clarence voit vraiment le jour, ne devenant aveugle qu’à un an. Alors qu’il songeait devenir enseignant, Clarence décidant de se tourner vers la musique monte le duo Clarence & Calvin en compagnie d’un copain de fac Calvin Scott. Après avoir enregistré pour Fairlane, un micro label d’Atlanta, le duo change de crémerie en signant chez Duke, firme pour laquelle les deux amis enregistrent une poignée de singles sans succès marquant. L’aventure prend du plomb dans l’aile lorsque Calvin Scott, victime d’un grave accident de la route, est obligé de stopper sa carrière.
En 1965, juste avant ce crash, le duo enregistre à Muscle Shoals, sous la houlette de Rick Hall, deux titres qui sont édités par Atco, filiale d’Atlantic. Deux ans plus tard, CARTER, fidèle à Rick Hall, signe trois singles FAME comprenant deux petits hits "Thead The Neddle" et "Tell Daddy" (transformé l’année suivante en "Tell Mama" par Etta JAMES). Distributeur du label FAME, Atlantic prend alors CARTER sous contrat ; Atlantic connaît une réussite fabuleuse, avec pas moins de dix-huit best-sellers dans le Hot 100.

Musicalement, l’industrie phonographique américaine subit une mutation socio-politico-culturelle rare. Entre le décès accidentel d’Otis REDDING (10 décembre 67), l’assassinat de Martin Luther King (4 avril 68) et les multiples émeutes qui vont embraser le territoire, on constate une radicalisation des rapports entre les communautés blanches et noires, drames qui vont se ressentir de plein fouet dans la plupart des studios. Géographiquement isolés, les studios de Muscles Shoals se situent à l’écart de toutes ces turbulences. Dans les studios FAME, il est de bon ton d’éviter les sujets politiques. Si le studio a connu son lot de problèmes, notamment avec Ted White (mari d’Aretha FRANKLIN), on se concentre en priorité sur les musiciens qui viennent enregistrer. CARTER n’est pas un inconnu à Muscle Shoals. Il est déjà venu enregistrer avec son ancien compère Calvin, et le disque "This Is Clarence Carter" s’avère un grand crû avec pas moins de quatre entrées dans Top 50 R&B, "Slip Away" cassant la baraque avec une seconde place dans les classements noirs et une très honorable 6ème place en Pop.

Ce disque provient de six différentes sessions principalement enregistrées dans les studios FAME entre juillet 67 et mai 68, là où il rencontrera sa future épouse Candi STATON. On retrouve ici toutes les influences du chanteur : le Gospel, le Blues et enfin la Country Music, trois ingrédients qui en font l’une des cartes maitresses de la Soul sudiste. Excellent auteur pouvant manier l’humour, le chanteur s’illustre aussi dans la technique du double sens issue du Blues. Entre deux ricanements moqueurs et sarcastiques, il peut ainsi se moquer de thèmes comme l’adultère, sujet encore tabou dans l’Amérique puritaine de cette fin des sixties. A l’instar de certains prêcheurs et évangélistes, il est aussi à l’aise dans la technique de l’homélie. Si CARTER parvient à assumer une ambiance rurale, combinant Country du Grand Sud à l’instar de Ray CHARLES et Blues du Delta, il imprègne ses morceaux d’une coloration issue du Chitlin’ Circuit. L’homme aux lunettes noires demeure l’auteur de trois titres alors que deux autres sont coécrits avec Rick Hall.

Un délicat enrobage de cuivres ouvre les premières notes de "Do What You Gotta Do", imprimant une ambiance mélancolique et churchy. Cette compo du countryman Jimmy Webb s’avère autrement plus captivante que les versions antérieures de Johnny Rivers (trop neuneu) ou Nina SIMONE (trop barbante). Selon nous, la meilleure reprise du morceau avec celle de Ronnie Milsap. On retrouve deux emprunts au tandem Dan Penn/Spooner Oldham : "Slippin’ Around", enregistré sans succès par Art Freeman pour FAME et par Jimmy Hugues dans une version ampoulée de cordes et de chœurs. L’orchestration associée à une voix profonde et expressive fait là toute la différence. "She Ain't Gonna Do Right" diffuse lui aussi une ambiance d’église, les riffs d’orgue de Beckett apportant ici une envie de revenir via un refrain aussi simple qu’entêtant. On évoquait plus haut certaines aspérités issues de la Country, "Set Me Free"⃰, une compo de Curly Putman, en est un bel exemple. Une version moins pleurnicharde qu’Arthur Alexander, moins maniérée qu’Esther Phillips et plus adulte que celle de Tammy Wynette. Un titre toujours très tendance, les Bo-Keys en délivreront une superbe version en 2016. Avec le concours de sidemen rompus à la Southern Soul, il transforme "I’m Qualified", une compo de Rick Hall et du disc-jockey Quin Ivy, enregistrée par Jimmy Hugues, en une pépite de Deep Soul. Popularisé par Little Johnny Taylor, "Part Time Love"⸋, œuvre de Clay Hammond, a fait le bonheur de nombreux soulmen et bluesmen. Avec sa guitare granuleuse et son chant puissant et expressif, CARTER nous en livre une version de bon calibre. Une version peut être abrupte, inférieure aux douceurs délivrées par Howard TATE et Ann PEEBLES.
Coécrit avec Rick Hall, "Looking For A Fox"⃰ ⃰ conjugue groove efficace, humour, grosse ligne de basse et rappelle par moment le répertoire de Wilson PICKETT. Un titre qui sera repris plus tard par les énergiques BLUES BROTHERS. "Funky Fever", également coécrit avec Hall, se révèle Funky, comme son titre le suggère et surtout plus moderne. Le chanteur prend un malin plaisir à surprendre son auditoire avec une coloration plus moderne et rythmée en diable.
Trois œuvres du guitariste viennent agrémenter l’opus : l’introspectif "I Can’t See Myself", une ballade gorgée de tristesse rappelant par moment le répertoire de Ben E KING ou Percy SLEDGE. Le titre agrémentera la bande-son du polar "Another Day In Paradise" de Larry Clark avec Melanie Griffith et James Wood. "Wind It Up" s’annonce plus léger et dansant, évoquant par moment PICKETT ou le duo SAM & DAVE. Le syncopé "Thread The Needle" fait parfois penser à Robert Parker, le titre s’annonça plus frivole et plus gai. Comment ne pas terminer ce panorama avec "Slip Away"▪, une ballade intemporelle qui figurera plus tard dans la bande originale du film "The Commitments" d’Alan Parker. Cette délicieuse pépite de Deep Soul connaîtra de superbes reprises (Don BRYANT, Eddie FLOYD ou Tyrone Davis), mais l’originale bénéficie d’une symbiose des arrangements, de l’orchestration et de la voix au-dessus du lot. Le titre est toujours tendance, le guitariste John Primer et Lisa Mills l'ayant récemment repris à leurs comptes.

Avec ce premier disque, Clarence CARTER enregistrait un excellent disque de Soul sudiste. A classer à côté d’O.V. WRIGHT. Ce disque bénéficie également de la production de Rick Hall et de l’un des meilleurs orchestres de la fin des sixties. La suite sera moins rose malgré la réussite de "Patches", le chanteur connaitra des fortunes diverses. Aujourd’hui, CARTER écume toujours l’Amérique dans le circuit rétro auprès d’un public qui a vieilli avec lui.

⃰ Titre homonyme à celui de The KINKS.
⃰ ⃰ Figure aussi au générique du film "Another Day In Paradise".
⸋ Titre homonyme à celui d’Elton JOHN.
▪ Titre homonyme à celui de David BOWIE.

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- Clarence Carter (chant, guitare)
- Jimmy Johnson (guitare)
- Albert Lowe (guitare 3-11-12)
- David Hood (basse)
- Roger Hawkins (batterie)
- Barry Beckett (orgue)
- Spooner Oldham (piano 3-11-12)
- Floyd Newman (saxophone)
- James Mitchell (saxophone)
- Charles Chalmers (saxophone)
- Andrew Love (saxophone)
- Aaron Varnell (saxophone)
- Gene Miller (trompette)
- Wayne Jackson (trompette)


1. Do What You Gotta Do
2. Looking For A Fox
3. Slippin' Around
4. I'm Qualified
5. I Can't See Myself
6. Wind It Up
7. Part Time Love
8. Thread The Needle
9. Slip Away
10. Funky Fever
11. She Ain't Gonna Do Right
12. Set Me Free



             



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