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DEDICATED MEN OF ZION - Can't Turn Me Around (2020)
Par LE KINGBEE le 26 Juillet 2020          Consultée 1312 fois

Cet album ne révolutionnera probablement pas l’Industrie du disque, il ne devrait pas exploser les compteurs de Forces Parallèles et il y a peu de chance pour que vous en entendiez ne serait-ce qu’un morceau sur les ondes de nos radios. Il serait également étonnant que vous l’entendiez à la messe du dimanche ou dans l’une de nos illustres cathédrales. Là, c’est plutôt la sirène trois tons des pompiers qui y résonne en cette période troublée.

Grand manitou du label Fat Possum, Bruce Watson a monté il y a peu Bible Records, un label qui comme son nom le laisse entrevoir propose du Gospel. Après la réédition de faces d’Elizabeth KING, la petite maison de disques a dégoté un petit ensemble issu de Caroline du Nord, DEDICATED MEN OF ZION. Drôle de blaze que celui-ci, Hommes dévoués à Zion : le Zion en question se rapportant à Sion, c'est-à-dire tout ce qui porte la présence de la bénédiction de Dieu. Ne m’en demandez pas davantage, ces histoires à dormir debout me dépassent.

L’emblème Zion est une figure fréquente dans le Gospel, La bénédiction étant un thème récurrent de la Bible et des évangiles. Zion et le Gospel, c’est une longue histoire : à la Nouvelle Orleans, The Zion Harmonizers chantaient à la gloire du Seigneur depuis le début des années quarante. A quelques kilomètres de là, à Baton rouge, le quintet Zion Travelers faisait ses débuts dès la fin de la Seconde Guerre. De leurs côtés, Bells of Zion ont enregistré pour les labels Peacock à Houston et Nashboro dès les sixties. N’oublions pas non plus le Singing Son Of Zion de Brother Shelby Bransford, auteur de plusieurs singles pour Sensational Sound et Spiritual Julilee. Durant les eighties, c’est une formation féminine qui reprendra le mot à son compte avec les Daughters of Zion. Pas moins de quatre Mount Zion Missionary Baptist Church verront le jour dans quatre états différents, les ensembles rajouteront juste le nom de leur état d’origine. En Afrique ou le Gospel a pris une dimension supplémentaire depuis une trentaine d’années, Zion a intégré le nom de scène de nombreuses troupes allant du duo aux orchestres. Enfin au Canada, le Silver Mount Zion, un septet blanc glorifiant Dieu parcourt le pays de long en large dans le circuit des universités et des collèges, des tournées qui peuvent parfois rapporter plus gros que les circuits classiques.

La pochette laisse entrevoir plusieurs indications : DEDICATED MEN OF ZION est donc un quatuor et si les quatre chanteurs ne portent pas la soutane, ils sont parés des mêmes deux pièces à l’instar de nombreux quartet ou quintet vocaux des décennies précédentes. Généralement, les pochettes de disques de Gospel représentent le leader au milieu de la troupe, il arrive même que celui-ci soit drapé différemment de manière à ce que les profanes puissent reconnaitre qui est le patron. Ce n’est pas le cas ici, mais Anthony Daniels, le plus à droite et aussi le plus âgé fait office de leader auprès de ses trois compagnons de routes. Originaires de Greenville et Farmville, les quatre partenaires sont affiliés par le sang ou le mariage. A l’image des groupes d’antan créés en fonction d’une affiliation sociale, religieuse, familiale ou bien communautaire (parfois les 4), un fort lien les réunit.
Anthony Daniels n’est pas le premier perdreau de l’année, il s’est longtemps produit dans la région d’Atlanta, il a été choriste pour Elton JOHN, Toni Braxton et Bebe Winans. Antwan Daniels, son rejeton a fait ses gammes dans sa paroisse en jouant de l’orgue tout en menant une carrière dans le Hip Hop. Dexter Weaver a chanté dans de nombreux ensemble religieux de Greenville et avait côtoyé à plusieurs reprises son leader.

Contrairement à la majorité des productions Gospel contemporaines, le quatuor est secondé par un vrai groupe de studio All-Star. On retrouve ici le guitariste Will Sexton (ex Stevie Ray VAUGHAN, Doug Sahm), le frère de Charlie s’étant récemment établi à Memphis, le batteur George Sluppick (ex JJ Grey & Mofro, Chris Robinson Brotherhood), le batteur Mark Stuart (ex Steve Earle, Bastard Sons Of Johnny Cash), les saxophonistes Jim Spake (ex Barbara LYNN, Irma THOMAS, Ann PEEBLES) et Art Edmaiston (ancien Bo-Keys, Don BRYANT, JJ Grey & Mofro).
Enregistré à Memphis, au Delta Sonic Sound, sous la houlette de Bruce Watson, le disque surprend d’entrée avec l’énergique "Father, Guide Me, Teach Me". Cette ouverture s’annonce agressive en diable, un comble pour une chanson religieuse dans laquelle la demande du Père (le Seigneur) dans un rôle de guide s’avère pressante. Si les riffs de guitare diffusent une coloration Rock fin 70’s dans le style de Foghat ou Humble Pie, on reste pantois devant la qualité et la puissance des harmonies. Le refrain chanté par la voix de tête se retrouve renforcé par le chant des trois équipiers comme dans une sorte de jeu question réponse. Le quatuor s’attaque à "A Leak In This Old Building", œuvre probable du Brother Claude Ely éditée par King Records au début des fifties. Repris par The Angelic Gospel Singers, le titre propose comme un repenti, l’orgue d’église contribue à apporter une atmosphère crépusculaire. Le groupe modernise juste ce qu’il faut le "Down Here Lord", une compo du Révérend J.M. Gates datant des années trente. Encore une fois, si le premier soliste change, les harmonies des trois autres compères viennent surenchérir la portée du chorus.
"I Feel Alright" gravé en 1972 par The Hebrew Children tient autant de la Soul que du Gospel, le nappage des sax et le leitmotiv répété jusqu’à plus soif renforce la litanie. "Can’t Turn Me Around", variante de « Nobody Can Turn Me Around », est un Gospel social dans lequel les paroles sont parfois changées selon le contexte. Historiquement le morceau fut repris lors de la marche vers Selma et Joan BAEZ en fera une adaptation personnelle des plus pertinentes. Par rapport à la version des JACKSON SOUTHERNAIRES, celle-ci beaucoup plus lente et groovy s’inscrit entre Memphis Soul et Gospel, un titre hautement significatif alors que le nom de George Floyd allait résonner sur toutes les ondes juste quelques mois après cet enregistrement. S’il débute sur un accompagnement d’orgue crépusculaire, "You Don’t Know" prend vite des allures quasi festives, la foi en Dieu semble ici capable de renverser des montagnes. "Leaning On The Lord" se rapproche de "Leaning On Jesus", peut importe le nom donné au Seigneur, seule la foi compte. La guitare entraine tout le monde sur son passage sur « When I Look Back », thématique bien connue sur le passé et l’avenir.
Œuvre obscure des Gospel Wymics, un ensemble de Crawfordsville, ville natale de Johnnie Taylor, "It’s A Shame" pourrait s’inscrire dans un disque d’Al GREEN ou de James Carr. L’album s’achève sur "Work Until My Days Are Done", un traditionnel des Pilgrim Jubilees repris par Albertina Walker et Marie Knight. A l’instar de nombreux prêches, le chœur ne cesse de reprendre sous forme de chorus le couplet principal, la voix de basse venant se placer à l’occasion en seconde position, un procédé largement utilisé par les quatuors et quintets vocaux de l’âge d’or du Gospel.

Si la qualité des harmonies vocales est le cheval de bataille d’Anthony Williams, ce disque pose de solides fondations contemporaines sur un Gospel traditionnel du meilleur jus. Traversés par de superbes fulgurances issues de la Soul de Memphis, domaine dont la Stax et Hi Records furent les chefs de file ; ces dix pistes tracent un pont efficace entre musique profane et religieuse. La qualité des arrangements, une orchestration qui parvient à conjuguer le feeling de Muscle Shoals et du Memphis Sound tout en demeurant respectueuse des racines, la qualité des harmonies et une complicité sans faille entre les différents membres sont les meilleurs atouts de cette galette sortant des sentiers battus. Si le premier album autoproduit était passé inaperçu, cette production liée à Big Legal Mess et au label Bible & Tire devrait permettre à l’ensemble de se faire un nom avec ou sans la bénédiction du Seigneur. Existe en version vinyle et CD. Seul bémol, le manque d’indications sur les auteurs des dix titres.
Le genre de galette qui vous donne irrémédiablement envie d’aller "taper" l’hostie et trinquer avec le curé du coin via un godet de vin de messe.

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   LE KINGBEE

 
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- Anthony Daniels (chant)
- Antwan Daniels (chant)
- Marcus Suggs (chant)
- Dexter Weaver (chant)
- Will Sexton (guitare)
- Mark Stuart (basse)
- George Sluppick (batterie, percussions)
- Jim Spake (saxophone)
- Art Edmaiston (saxophone)


1. Father, Guide Me, Teach Me
2. A Leak In This Old Building
3. Down Here Lord
4. I Feel Alright
5. Can't Turn Me Around
6. You Don't Know
7. Leaning On The Lord
8. When I Look Back
9. It's A Shame
10. Work Until My Days Are Done



             



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