Cette pochette ne laisse guère de doute sur son contenu : le visuel évoque plusieurs productions Hillbilly de la MGM et plus particulièrement d’Hank WILLIAMS. Reposant contre une barrière, coiffé d’un stetson, d’un costume à rayures et de bottes de cowboy, on n’a cru bon d’affubler Sheb WOOLEY d’une guitare, alors qu’il n’en joue que rarement en session, mais peu importe, ça fait plus fun.

Si aujourd’hui, chez nous, on se rappelle vaguement le visage de Sheb Wooley, c’est principalement pour sa participation à la série télé "Rawhide" avec Clint Eastwood et Eric Fleming. A l’instar de Fleming, Sheb quittera la célèbre série, estimant que la CBS les sous-payait. Les cinéphiles et les amateurs de westerns auront très certainement reconnu sa tête. Sheb a joué dans de nombreuses séries télé des années 50 ; au cinéma, il joue le rôle d’un porte flingue poivrot dans "High Noon". Plus tard, son pote Clint Eastwood lui donne un rôle dans "Josey Wales Hors La Loi". Au milieu des années 80, on le retrouve au générique de "Silverado" avec Scott Glenn, Danny Glover, Kevin Kline et Kevin Costner.

Sheb Wooley voit le jour en 1921 à Erick (Oklahoma), une bourgade située à un jet de pierre du Texas et de la Route 66. Elevé dans la ferme familiale, il se passionne très vite pour la musique et l’équitation. Cavalier émérite, il intègre le circuit pro du rodéo, participe à son premier show radio à quinze ans au sein des Plainview Melody Boys. Ses nombreuses blessures dues au rodéo ne lui permettent pas de s’enrôler, il travaille dans l’industrie du pétrole et devient soudeur. En 1945, à Nashville, il grave son premier titre en compagnie de Zeb Turner pour le label Bullet. Il enchaîne chez Bluebonnet, petite maison de disque pour laquelle il met en boîte trois singles avant d’être embauché par la MGM. Touche-à-tout talentueux, capable de s’adapter à différents styles, pouvant enchaîner le Western Swing et le Honky Tonk, en passant par le Boogie, la Polka et le Nashville Sound, Sheb connaît son plus grand succès en 1958 avec "The Purple People Eater". Compositeur habile, sa voix nonchalante a traversé les décennies. Wooley a également contribué au succès de l’émission TV « Hee Haw », un show diffusé par CBS mêlant humour et musique ayant permis à la Country de se faire connaître hors du terroir sudiste. Sheb, qui s’est également produit sous le pseudo de Ben Caulder (son rôle de cowboy porté sur la bouteille dans "Hee Haw") s’est produit jusqu’à la fin du siècle dernier avant de perdre son combat contre une leucémie en 2003.

En 1956, après avoir publié une vingtaine de singles de Sheb Wooley, la MGM qui a perdu gros avec le décès d’Hank WILLIAMS en 53 décide de lancer l’ancien cavalier sur le marché du 33-tours. Ce premier disque sans titre résulte en fait de cinq sessions : 5 juin 52, 30 juin 53, 23 décembre 53, 27 juillet 54 et 24 janvier 55. En fait, la MGM se contente de regrouper douze faces parues en singles entre juillet 53 et aout 55. Si ce premier jet permet de découvrir le chanteur dans plusieurs styles, il démontre que l’acteur savait également s’entourer de redoutables accompagnateurs, la plupart d’entre eux tournant dans le giron du steel-guitariste Speedy West. C’est ainsi qu’on retrouve au fil des sessions les guitaristes Jimmy Bryant et Joe Maphis, le fiddler Harold Hensley (ex-Merle Travis) ou le pianiste Billy Liebert.

En ouverture, "Blue Guitar" propose une ballade dans laquelle le jeu de Speedy West nous renvoie vers Sol Hoopii ou King Bennie Nahawi, deux rois de la guitare hawaïenne. Après cette douce mise en bouche que certains jugeront un peu mollassonne, "White Lightnin" vient booster la cadence, le titre se situant entre Western Swing et Square Dance. Le fiddle de Margie Ann Warren virevolte tel un papillon sur les vagues de la steel guitare tandis que Jimmy Bryant assène quelques notes Jazzy. Changement de rythme avec "A Fool About You", une ballade sentimentale genre Honky Tonk, la steel de Speedy West conférant au titre une ambiance hawaïenne. "I Go Outta My Mind" se déguste comme une belle combinaison de Western Swing et de Nashville Sound. Le violon d’Harold Hensley n’a ici qu’une idée en tête : celui de nous faire danser, tandis que le jeu de guitare de Joe Maphis évoque celui de « Sugarfoot » Garland. Si vous avez bien suivi, vous devinerez aisément ce que nous propose le chanteur : une ballade lente avec "Listening For Your Footsteps" alternant ainsi avec le dynamique "I Flipped" qui fait penser à certains mid-tempos de Johnny Horton. Les violons d’Hensley et Robert Ray tentent de faire rentrer dans cette farandole qui aurait mérité quelques vitamines supplémentaires.
Si sa voix se fait souvent nonchalante, Sheb Wooley est capable de s’orienter vers les styles crooner ou chanteur de charme, comme en témoigne "Knew I Had Lost", un vrai Honky Tonk fifties. Le tempo s’accélère d’un cran avec "Don’t Stop Kissing Me Goodnight", un bon Rock' n' Roll enrobé d’un délicat nappage de violon, tandis que Billy Liebert se prend pour Moon MULLICAN. Au fil des années, le titre tombera dans l’escarcelle de plusieurs rockeuses (Lydia & Her Melody Strings, Irene Van Hemert et Bonnie Lou). "Texas Tang" nous convie à la danse à travers un dynamique Western Swing texan qui rappelle la virtuosité des grands orchestres d’antan (Bob Wills, Milton Brown, Light Crust Doughboys). Retour vers le Honky Tonk avec "I’ll Return The Letters", une histoire d’amour perdu. Pour un peu j’en aurai presque une larme. Certains titres sont parfois trompeurs et farceurs. Si au milieu des fifties, le mambo, danse cubaine en vogue, connaissait une montée en puissance via le "Mambo Italiano" de Rosemary Clooney ou le "Papa Loves Mambo" de Perry Como, "Hillbilly Mambo" constitue une réponse claire à cette mode. Du mambo, il n’en est nullement question ici hormis dans le titre, la chanson nous entraîne entre quadrille et Square Dance pour un maelström plein de gaité. Le disque s’achève comme il avait commencé sur un Honky Tonk sentimental, plus larmoyant que joyeux avec "Love At First Sight".

Disque de Country bien représentatif des fifties et du catalogue MGM, ce premier disque de Sheb Wooley bénéficie d’une production maligne de Jesse Kaye, un ingé-son producteur se partageant entre la MGM et Hollywood pour lequel il produira de nombreuses bandes originales. On regrette que Kaye n’ait pas incorporé le Hillbilly Rock "Mule Boogie", ou "Hoot Owl’ Boogie", deux titres précurseurs du Rockabilly enregistrés antérieurement avec la même équipe, en lieu et place de deux Honky Tonk baladeurs. Si la sonorité Old Time et l’abondance de risque de rebuter les amateurs de Country FM ou de New Country, Sheb Wooley nous offre ici un disque au répertoire varié et prouve qu’il était à l’aise comme un poisson dans l’eau dans divers registres.
Jamais réédité, le disque se négocie actuellement entre 20 et 60 €. On conseille aux amateurs de se pencher sur les compilations du label Bear Family, certaines reprenant la plupart de ces 12 faces.

Note réelle entre 2,5et 3.

PS: Avec mon avatar, je te devais au moins une chronique cher Sheb.