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1966 The All Seeing Eye

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2013 Without A Net
 

- Membre : Enrico Pieranunzi
- Style + Membre : Weather Report, Joni Mitchell

Wayne SHORTER - The All Seeing Eye (1966)
Par K-ZEN le 12 Mars 2021          Consultée 984 fois

Les paupières ne peuvent réprimer un songe.

L’accointance de Miles DAVIS avec Wayne SHORTER est évidente. Le saxophoniste a fait partie intégrante du légendaire second quintet de Miles, participant au monument In a Silent Way. A-t-il songé à la vitrine ornant cet album de son protégé pour son propre compte ? Ou simplement son photographe rend-il ainsi le plus bel hommage possible à l’esthétique Blue Note ?

Comparons plus précisément les deux pochettes. Quelques différences notables sont à noter. Un gros plan plus zoomé pour le saxophoniste, regard et inclinaison du visage inversée des deux hommes. Mais une idée de départ similaire : un instantané facial, avec peu de lumière éclairante, favorisant la prédominance des ombres, transparaissant ainsi dans la musique mais de manière diamétralement opposée. In a Silent Way retient la tranquillité et la quiétude des heures sombres au cours de ses 36 minutes fondatrices, The All Seeing Eye retranscrit une humeur lugubre voire inquiétante.

En cela, l’aspect dual des deux disques est assez remarquable, dénotant tous les deux une recherche aboutissant finalement. Bien qu’il n’atteignît jamais plus la rigueur mathématique de son prédécesseur, les sorties féroces et toujours plus jusqu’au-boutistes sont en cheminement pour DAVIS, le gargantuesque Bitches Brew en tête. L’apogée se révèle plus invraisemblable pour Wayne, s’éloignant ensuite de ce trou noir béant ; son jazz avant-gardiste n’aura jamais été aussi proche du free, s’y refusant un peu comme Miles, passant ensuite du côté fusion avec WEATHER REPORT, même si toutefois, pour un temps, ses albums ultérieurs en solo porteront encore quelques stigmates de ces climats dérangeants.

The All Seeing Eye, sixième disque en leader de SHORTER, est un album-concept sous forme d’introspection plutôt pessimiste sur la vie, l’univers et Dieu en 5 phases.

Tout démarre par les dix minutes de la piste éponyme dépeignant l’omniprésent œil de Dieu, également nommé de la Providence, généralement représenté par un globe oculaire entouré de rayons lumineux au cœur d’un triangle, exerçant sa surveillance sur l’Humanité. On peut le retrouver ornant les billets d’un dollar américains ou abondamment dans l’iconographie franc-maçonnique, ce n’est pas (encore tout à fait) devenu un symbole complotiste. La chanson commence par des motifs abscons d’Herbie HANCOCK au piano. Un incroyable thème fait ensuite irruption, urbain et big band en diable – le groupe étant ici organisé en septette –, une méditation du créateur concernant ses projets se greffant à ce vide inaugural. Les solos respectifs représentent la machinerie divine sur le point de se mettre en branle.

"Genesis" concrétise ensuite cette élaboration vitale sous toutes ses formes. Sa mise en musique est largement méditative mais richement ambiancée. On joue avec les silences, les solistes sont convoqués tour à tour pour se répondre en duel, trio ou tous ensemble lors d’un thème encore une fois mémorable, entendu dans le circuit citadin nocturne de Mario Kart Double Dash ! entre les camions fous, voitures-chenilles, étoiles et carapaces ailées.

Le bien nommé "Chaos" matérialise le résultat de la rencontre entre l’homme et la production divine : les conflits, les mésententes, la malveillance, sous la forme d’un morceau tumultueux et à haut rythme cardiaque. "Face Of The Deep", délicate et légère balade, porte encore la marque de la contemplation : sur ce que Dieu a réalisé et en miroir ce que l’homme a pu faire de sa création.

Enfin, "Mephistopheles" nomme explicitement le mal. « Un cri » selon SHORTER, cette lancinante et imprévisible pièce a été écrite par le frère Alan SHORTER, également invité à l’interpréter au bugle. Basse doublée au piano sur une note plutôt grave, motifs répétitifs et stridents, ce titre est sans doute le plus sombre du répertoire du saxophoniste. Entrecoupée d’interventions agressives de Joe CHAMBERS quand il ne maîtrise pas sa métrique ou des souffleurs, guides au fin fond des escaliers infernaux, le titre fait furieusement songer à "The Egg", étrange morceau d’Herbie HANCOCK sur Empyrean Isles. Une conclusion toute en nerfs pour un album aussi déroutant que fascinant et unique.

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   K-ZEN

 
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- Freddie Hubbard (trompette, bugle)
- Wayne Shorter (saxophone tenor)
- James Spaulding (saxophone alto)
- Grachan Moncur Iii (trombone)
- Herbie Hancock (piano)
- Ron Carter (contrebasse)
- Joe Chambers (batterie)
- Alan Shorter (bugle sur 'mephistopheles')


1. The All Seeing Eye
2. Genesis
3. Chaos
4. Face Of The Deep
5. Mephistopheles



             



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