Pour de nombreux européens, The LEE BOYS ont été découverts lors d’une tournée européenne en 2005. Pour ma part, cet ensemble familial m’avait littéralement scotché lors d’un concert dans la région du Hainaut en Belgique. Le groupe aura également laissé une excellente impression lors de son passage au Blues Passion de Cognac.

Groupe familial originaire de Miami, les Lee Boys portent bien leur nom, on retrouve trois frangins Lee avec Keith, Derrick et le guitariste Alvin, deux neveux : le bassiste Alvin Cordy Jr. et le batteur Kenneth Earl Walker et un cousin Emanuel Roosevelt Collier, jeune pedal steel guitariste de Miami. Malgré son jeune âge, Collier n’est pas totalement inconnu, il s’est produit aux côtés de Warren HAYNES, Anders OSBORNE, Robert RANDOPH et les Campbell Brothers.

Si la pochette nous présente les six musiciens au sourire presque timide, qu’en est-il du contenu ? Le titre du CD ne laisse guère filtrer d’indications claires, on peut juste supposer que le répertoire demeure plus ou moins enjoué. Alors les Lee Boys sont les nouveaux représentant du Sacred Steel, un dérivé du Gospel dans lequel figure toujours une pedal steel ou une lap steel guitare. Le registre a vu le jour dans les années 30, s’est développé au sein de congrégations Pentecôtistes à une époque ou l’orgue traditionnel fut remplacé par une lap ou une pedal steel.
Historiquement, si Sister Rosetta THARPE se produisait déjà avec des représentant du Sacred Steel, les pionniers du registre demeurent Robert RANDOLPH et les Campbell Brothers. Musicalement et philosophiquement, deux mouvements s’opposent : le Jewell Dominion reste ancré dans un répertoire traditionnel et religieux, tandis que le Keith Dominion s’est orienté vers une musique séculière englobant des domaines comme le Funk, le Rock ou le Hip Hop tout en restant prudemment chevillé aux louanges dédiées au Seigneur. Ce n’est qu’au cours des années 90 que le Sacred Steel est sorti de l’ornière grâce aux efforts du folkloriste Robert L Stone et aux productions de Chris Strachwitz, patron du label Arhoolie.

La fratrie Lee a débuté précocement, à l’image de nombreux gamins les six musiciens ont fait leurs gammes dans la House Of God, leur église basée à Perrine, bourgade à mi-chemin entre Miami et Homestead, sous la houlette de leur père, le Révérend Robert Lee un redoutable praticien de pedal steel.

Enregistré au Rec Room Recording Studio à Gainesville (fief de Tom PETTY, Charles BRADLEY et Stephen STILLS), le disque démarre sur les chapeaux de roue avec "Say Yes !" qui donne son nom à l’album. Chant entrainant à la limite de la frénésie et puis cette sorte de machine à coudre cordée qui envoie le pâté. Une sauce dynamique qui tient plus d’HENDRIX que d’un cantique religieux. "Walk With Me" se dévoile comme une balade bluesy alternative d’où émerge en arrière-plan le son si caractéristique de la pedal steel, une invitation à la marche pour rejoindre le Seigneur. Changement de cap avec "Come On Help Me Lift Him Up", un frénétique Rock N Roll qui distille une boulimie d’enthousiasme avec une pedal steel en furie et deux chanteurs au bord de l’exaltation. Fluctuation totale avec "If You’re Happy And You Know It", titre qui oscille entre un répertoire à la Commodores et du Hip Hop débridé. A l’origine spiritual popularisé par le Willing Four et les Gospel Keys, "You’ve Got To Move" a connu son apogée avec la version des ROLLING STONES figurant dans "Stincky Fingers". On ne compte plus les versions Gospel, Blues et Soul que ce traditionnel à engendrer mais là encore le groupe s’offre une émancipation avec la succession de plusieurs tempos, on regrettera que le titre s’éternise avec une seconde partie exclusivement instrumentale qui finit par devenir longuette. "Let’s Celebrate", une compo d’Alvin Lee principal pourvoyeur en matière d’écriture s’inscrit dans la lignée de Robert RANDOLPH. "Amazing Grace", cantique religieux le plus joué dans le monde, est délivré ici avec une certaine retenue, la slide et la pedal steel apportent un effet plaintif tandis que les harmonies vocales toutes en contraste débouchent sur un surplus de douceur.

C’est bien connu, quand le chat n’est pas là, la souris danse. C’est le cas avec plusieurs instrumentaux : "Joyful Sounds" laisse le premier rôle à Emanuel Roosevelt Collier bien épaulé par une rythmique carrée et Alvin Lee* sur une mini guitare. Le morceau tient autant de la Country que du Blues. A contrario, "Call Him By His Name" se range dans le tiroir des Slow Blues, une bonne pépite bien groovy avec une basse bien ronde qui vient en contrepoint de la pedal steel stridente. Si le morceau est instrumental, nul doute que le titre désigne le Sauveur. De petits pizzicatos de guitare et de steel rendent hommage au guitariste Calvin Cooke, sur "Tribute To Calvin Cooke", pionnier du Sacred Steel. Dernier instrumental avec "Lee Boys Praise Jam", un Gospel Rock et Funky dans lequel Keith Lee envoie quelques bribes de paroles qui ont plus à voir avec des hurlements ou des onomatopées, un titre qui a tendance à trainer en longueur.

Si les instrumentaux donnent leur pleine mesure en Live, les musiciens ne restant pas figés comme des statues et impliquent généralement le public, le rendu en studio est quelque peu différent. Il aurait été judicieux de raccourcir les quatre pistes sans paroles, celles-ci risquent de perdre pas mal d’auditeurs en route. Ce disque studio aux morceaux trop longs en termes de durée ne retranscrit pas totalement la fougue et l’hystérie collective que les membres du groupe sont capables de transmettre au public.
Mention à "Say Yes !" le titre d’ouverture qui dévaste tout sur son passage.

* Alvin Lee n’a bien sur rien à voir avec son homologue anglais, membre de TEN YEARS AFTER, décédé en 2013, si ce n’est son nom et la pratique de la guitare.