Perché là-haut, dans ses montagnes enfermant la vallée du Grésivaudan, ZYP culmine, face aux sommets enneigés, assis sur le divan du monde. Trio très folk, viscéralement blues, rock aussi, le groupe a vu le jour en 2020, à l’aube d’un confinement de triste mémoire. Pris au piège, le trio en a affirmé des envies d’ailleurs, des besoins de voyages, et a mis en route ce premier album, constitué pour moitié de compositions originales et pour moitié de reprises. Autour du chanteur et multi-instrumentiste Christophe Szypkowski, du bassiste Jeff Jackson et du percussionniste Chris Orsolini naît ainsi un rock mordant et bariolé, tantôt caresse, tantôt claque. Le résultat, sans prétention, est délicieusement humain, irrésistiblement virtuose.

« Ti Sable », qui donne son nom à ce premier album, est une délectable carte de visite. Il y a de la beauté dans ces guitares là, omniprésentes, qui constituent la clé de voûte de l’album. Acoustiques ou électriques, elles virevoltent, et flamboient, tissant une toile mordante permettant de mettre plus en valeur le chant, rugueux, brut de décoffrage, qui gagne ainsi en profondeur. Ecoutez-donc l’énergique « Dans Ma Rue » pour découvrir cette irrésistible alchimie. Constitué de rythmes et de paroles inspirés par divers voyages autour du monde, ce premier album résonne de la richesse de ceux qui ont fait l’expérience de la vie et de ses vicissitudes. Il y a une énergie et un enthousiasme évidents, souvent contrebalancés par une sagesse parfois désabusée, témoignage d’un groupe inspiré par une actualité brûlante. Il n’est ainsi pas surprenant de voir ZYP s’approprier « Angola », tiré du répertoire de Bernard LAVILLIERS, que le groupe interprète avec une aisance qui pourrait laisser croire qu’il en est l’auteur, tant ces ambiances moites et sombres lui vont bien au teint.

Une autre reprise de grande classe est celle du titre « Immortel », initialement écrit et composé par Dominique A pour Alain BASHUNG, qui voit une fois de plus les guitares prendre en main le propos. A la beauté simple d’une interprétation respectueuse s’ajoute cette flamboyance électrique, en toile de fond, qui génère une intensité et une émotion tout bonnement formidables. Et puis, il y a l’harmonica. Celui de Barefoot Iano, un des deux membres des regrettés MOUNTAIN MEN, qui œuvre avec discrétion sur trois des morceaux de l’album, et notamment sur la ballade « Au bistrot du carré », dont la simplicité de façade masque une richesse mélodique et une beauté désarmante. Un titre splendide, comme une évidence.

Entre hommages et travaux personnels, tout finit par se confondre, faisant de « Ti-sable » un album unique. Le folk-blues de « The Road », gorgé de feeling, aurait tout aussi bien pu être écrit par Tony Joe White dont ZYP reprend « Ice Cream Man » avec une réussite insolente, le mélange entre guitare et harmonica se faisant ici imparable et savoureux. Si quelques morceaux peuvent nous paraître superflus, que ce soit au niveau des reprises (« Les Passantes » de Georges BRASSENS) que des compositions originales (« Co-vide »), il reste néanmoins évident que, tant par le propos tenu que par sa mise en son (la production, malgré un budget que l’on imagine limité, est remarquable), ZYP n’a pas volé sa place dans un paysage folk rock francophone qui se retrouve embelli par sa présence. Amoureux de guitare et d’authenticité, voici un groupe à soutenir !

3,5/5