Garnet MIMMS voit le jour en 1933 à Ashland, petite bourgade de Virginie-Occidentale située à 25 bornes de Richmond. Il est tout gamin quand sa famille s’établit à Philadelphie. Comme de nombreux enfants noirs de l’époque, Garnet fait ses gammes dans la chorale de sa paroisse. Chanteur élégant et plein de ferveur, il intègre les Harmonizing Four, les Evening Stars avant de rejoindre le Norfolk Four, troupe Gospel qu’il doit quitter pour cause de service militaire.
A sa démobilisation en 1953, il regagne Philadelphie, incorpore brièvement les Deltones avant de rejoindre The Gainors, groupe dans lequel figurent Howard TATE et Sam Bell. La formation enregistre une poignée de 45-tours, pour Cameo, Tally-Ho et Mercury, qui ne connaissent aucun succès, ce qui amène à la dissolution du groupe.
En 1961, Garnet et Sam Bell sont rejoints par Zola Pearnell et Charles Boyer et fondent The ENCHANTERS. Les échecs du passé ont servi de leçon, cette fois-ci Garnet Mimms décidant de tenter sa chance à New York où il est repéré par Jerry Ragovoy et Bert Berns. Les deux producteurs parviennent à décrocher un contrat avec United Artists. Le premier jet sera le bon avec "Cry Baby" qui devient Number One pendant trois semaines dans les charts R&B et 4ème dans le Hot100, durant l’automne 63.

Chanteur à l’intonation parfaite, bénéficiant d’arrangements d’orfèvres et d’une production soignée, Garnet Mimms incarne à lui seul la transition du Gospel rural des années 50 à une Soul naissante. L’ampleur de ce succès inattendu conduit Garnet Mimms à entamer une carrière solo l’année suivante, mais en 1963, "Cry Baby" se sera écoulé à plus d’un million d’exemplaires.
En 1967, Garnet effectue une tournée européenne, se produisant avec les YARDBIRDS. La suite est moins rose. Durant les années 70, il verse dans le Funk avec un nouveau groupe baptisé Truckin’ Company dont le répertoire déroute les fans de la première heure, ce qui amène le chanteur à stopper sa carrière séculière au profit du Gospel, sa première passion.
Devenu pasteur au début des eighties, Garnet devient aumônier au sein de la New Jerusalem Prison Ministry. En 2007, il enregistre "Is Anybody Out There", un album de Gospel produit par Jon Tiven.

On peut raisonnablement penser que cette petite pépite a la malchance de sortir trop tôt, avant que les producteurs Leon Huff et Kenny Gamble ne transforment Philadelphie en capitale de la Soul et du Philly Sound.

Les choses sérieuses débutent dès l’ouverture avec "For Your Precious Love", une balade langoureuse enregistrée cinq plus tôt par Jerry Butler & The Impressions. La qualité des arrangements, l’apport d’Estelle Brown, de Dionne et Dee Dee Warwick non créditées aux chœurs et la qualité du chant font toute la différence. Cette version nous paraît supérieure à l’original et aux reprises postérieures d’Otis REDDING et Don BRYANT.
Second coup de semonce avec "Cry To Me", une tuerie de Bert Berns gravée par Solomon BURKE. Si Betty Harris en a délivré une version particulièrement jouissive, Garnet Mimms se met ici sur son 31 et nous balance une interprétation passionnée à laquelle il est difficile de résister. A noter que le morceau fera quelques émules au sein du British Blues avec les reprises des PRETTY THINGS et des STONES.
Troisième coup de canon avec "Cry Baby", une tuerie de Deep Soul écrite conjointement par Bert Russell (aka Bert Berns) et Norman Meade (pseudonyme de Jerry Ragovoy). Cette balade a connu une seconde vie au début de la décennie suivante par l’entremise d’une rouquine hippie qui n'a pas tardé, hélas, à rejoindre le fameux club des 27. Si PJ Proby et l’australien Johnny O Keefe ont repris la chanson, la barrière était tellement haute que la chute était inévitable. Seuls Don BRYANT et, dans une moindre mesure, les Rhythm Kings de Bill Wyman sont parvenus à limiter les dégâts.

S’il est rare qu’une galette propose trois parts d’anthologie, les neuf autres pistes sont loin d’être négligeables. "Baby Don’t You Weep", autre compo de Jerry Ragovoy, marche sur les traces de "Cry Baby". Changement de décor avec "A Quiet Place", compo de Sam Bell et Ragovoy, qui permet aux Enchanters de se mettre en valeur avec un titre entre Soul Sudiste et Doo-Wop délicat.
Au rayon des balades langoureuses "Don’t Change Your Heart", "Until You Were Gone", "Anytime You Need Me" avec ses montées de chœurs féminins ou "Wanting You" qui évoque Jerry Butler, se taillent une part du gâteau. A contrario, "So Close" nous renverrait presque au répertoire des ISLEY BROTHERS.
Au chapitre des reprises, le groupe reprend "Nobody But You" * du chanteur Dee Clark, conférant au morceau une ambiance teens peu convaincante. On lui préfère l’original ou la reprise de Joe Simon. Enfin, "Runaway Lover" avec son ambiance Doo-Wop s’avère presque hors-jeu.

Au moment de faire les comptes, si deux titres sur douze paraissent plus faiblards, ce qui n’a rien d’anormal, le reste de l’album pourrait largement rejoindre la catégorie des disques dits de référence d’autant plus avec ses trois feux d’artifice. Presque soixante ans après sa sortie, "Cry Baby" fait toujours figure d’épouvantail. Le vinyle serait sorti au format CD via le label Collectable.

PS : Remerciements à Stefan « Suedish » Lindgren pour le prêt du pressage US version Mono.


*Titre homonyme à ceux de Little Walter, James Taylor et Barry Mann.