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2017 Kalenda

LOST BAYOU RAMBLERS - Kalenda (2017)
Par LE KINGBEE le 10 Février 2022          Consultée 535 fois

Depuis près de deux décennies, les LOST BAYOU RAMBLERS reprennent avec ferveur et respect le flambeau laissé par Iry Le Jeune, Nathan ABSHIRE, Dennis McGee, Lawrence Walker et consorts. Si ces noms ne vous interpellent pas, n’ayez aucune inquiétude, certains textes devraient faire tilt. Si la Louisiane porta durant un temps son nom en l’honneur du roi Louis XIV, elle fut vendue pour une somme dérisoire par Napoléon à Thomas Jefferson au tout début du 19ème siècle.

Nous ne reviendrons pas ici sur l’histoire de la Louisiane, les encyclopédies et de multiples ouvrages s'en chargent mieux que nous mais, pour résumer, cette région constitue un véritable melting pot dans lequel se brassent principalement une communauté française, une seconde issue d’Acadie, sans oublier l’apport d’une population créole ni la présence de nombreuses tribus amérindiennes.
Dans le cadre du New Deal et de son fameux slogan Un peuple, une langue lancé par le Président Roosevelt, d’une forte industrialisation et de la découverte de nombreux puits de pétrole, le gouvernement tenta d’éradiquer toutes les traditions ethniques de la région, à commencer par le langage.
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’invasion de l’American Way Of Life, par le biais des radios, des télévisions, du cinéma, la construction d’énormes centres urbains et une scolarisation où le français disparaissait totalement débouchèrent sur une désaffection des jeunes cajuns pour la langue de leurs parents et descendants. Il fallut un réveil organisé par la Louisiana Folklore Society puis le lancement du CODOFIL et l’intérêt d’un nouveau public porté par le succès des grands festivals Folk pour éveiller un nouveau regain à l’orée des sixties. Mais on peut penser que l’inattendu et surprenant succès de "Jolé Blonde" immortalisé par Harry Choates en juillet 1946, titre inspiré de "Ma Blonde Est Partié" compo de la fratrie Breaux, a servi de catalyseur à la musique Cajun, alors que les grandes maisons de disques ne se souciaient nullement de la préservation d’un héritage culturel, n’étant intéressées que par les vannes financières occasionnées par les ventes des 78-tours.
Et oui, l’argent est souvent le nerf de la guerre !

Revenons à nos moutons. Aujourd’hui, les LOST BAYOU RAMBLERS, nom traduisible par Derniers Remparts du Bayou, constituent la nouvelle garde de la musique Cajun, à l’instar de Steve Riley, Wayne Toups ou Jamie Bergeron. Fondé par André (lap steel, mélodéon) et Louis Michot (chant, violon, ti fer) à la fin du siècle dernier, la formation maintient une forte tradition musicale, se produisant aussi bien sur le territoire américain qu’en Europe. Les Frères Michot qui n’ont pas hésité à prendre des cours de cadien (old french) se produisent dans le monde entier et figurent à l’affiche des plus grands festivals dédiés à la musique Cajun, au Zydeco (cousin créole du cajun) et au Blues. Nominé aux Grammy Awards en 2008 pour Live A La Blue Moon, album retranscrivant une chaude prestation dans une taverne réputée de Lafayette, le groupe a depuis collaboré à plusieurs documentaires ; on retrouve les L.B.R dans la bande-son de Beasts of the Southern Wild (Les Bêtes du Sud Sauvage), film primé au Festival de Sundance.

Si le groupe a depuis ses débuts subi plusieurs changements de personnel, le répertoire s’est légèrement modernisé. André et Louis ne sont pas restés les pieds dans le même sabot, refusant de s'ancrer dans une musique certes traditionnelle mais hélas archaïque ; les deux frangins ont su faire évoluer leur musique, c’est ainsi que si le respect des us et coutumes est toujours bien palpable, le répertoire a évolué, se mariant avec une sonorité plus contemporaine englobant une musique hybride, résultat d’une fusion combinant Rock, World, Country & Western et aussi du Rock Alternatif. Certains spécialistes n’hésitent pas à coller à ce répertoire l’étiquette Cajun Progressif. Mais les L.B.R ne dénaturent absolument pas la musique cajun d’antan, on retrouve dans leurs chansons des tempi bigarrés alternant polka, mazurka, valse, two-steps, gigues, contredanse et hoedowns.

Kalenda peut se targuer d’avoir remporté un Grammy en janvier 2018, trophée amplement mérité quand on sait que Zydeco et Cajun Music sont les parents pauvres du Blues, deux registres souvent laissés pour compte.

Enregistré au Dockside Studio de Maurice, petit studio louisianais ayant abrité BB KING, Sonny LANDRETH ou Irma THOMAS et au Parlor de la Nouvelle Orléans, ce neuvième opus voit l’arrivée de Jonny Campos, guitariste ayant partagé la route de Charlelie COUTURE. Produit sans surenchère par Korey Richey, déjà vu aux consoles derrière ARCADE FIRE, Buckwheat ZYDECO ou l’actrice Scarlett Johansson, également présent à la guitare et sur divers programmes synthétiques, le recueil nous expédie d’entrée de jeu quelques années en arrière avec "Sabine Turnaround". L’accordéon à boutons entame une virevoltante mixture de valse et de contredanse, l’assemblage du violon, du mélodéon, de la lap steel et de la pedal steel sans oublier l’indémodable triangle apportant de rares sonorités.
Les amateurs de valse mid-tempo se régaleront avec "Cote Clair Waltz" dont le texte et le violon accouchent d’une coloration mélancolique. S’ouvrant avec des percussions tanguant entre marche militaire et effervescence tribale, "Granny Smith" fait place à une dynamique mixture de one et de two steps. Le texte dresse un clin d’œil à notre ancien quotidien : Courir après les bêtes avec un bon plan de chouette- Jouer en cachette après fumer ma cigarette – Maman a crié, Papa a fouetté – Petite sœur a braillé mais moi je m’ai sauvé. Toutes les péripéties de notre enfance remontent à la surface. Avec son apport d’éléments synthétiques, ses percussions et divers bruitages, le medley "Freetown Crawl/Fightnin’ville Brawl" prend une tournure apocalyptique. Autre medley de haute tenue avec "La Valse de Balfa / The Bathtub" d’où émerge un habile contraste entre la classique valse des BALFA BROTHERS et un instrumental du réalisateur Benh Zeitlin.
Contrairement à ce que son titre laisse entendre, "Rice Pump" est une déclaration d’amour qui monte crescendo. Encore une fois, certaines paroles peuvent surprendre et nous donnent assurément du grain à moudre : Hier soir j’ai rencontré la femme je vais marier- elle m’a porté tout le bonheur – Elle fait battre mon cœur comme le Pump du riz … . Un programme qui met l’eau à la bouche ! Quand on disait que la Louisiane a connu un vrai brassage d’influences, "Si J’aurais Des Ailes" en est un parfait exemple. Cette fois, c’est une coloration irlando-celtique que diffuse la chanson avec l’apport de la flûte à bec de l’anglais Spider Stacy, ancien compagnon de route de l’impayable Shane MacGowan. Si la flûte irlandaise parfume le décor d’une ambiance verte digne de la St Patrick, les percussions rappellent certaines marches napoléoniennes.
"Nezpique" impulse une impression quasi similaire malgré l’absence de la flûte, le violon, la pedal et la lap steel en contrepoint du mélodéon nous mitonnant un délicieux fumet aux parfums celtes. Changement total d’orientation avec "Kalenda", titre donnant son nom à l’album et le plus long en termes de durée. Probablement influencé par un Folk traditionnel venu de Trinidad et Tobago, le titre passe par plusieurs phases allant du bélé trinitéen, à l’orishas, registre accompagnant les rites de possession, commémorations qu’on retrouve aussi bien aux Caraïbes que dans le vaudou des bayous. En guise de fermeture, les L.B.R nous surprennent encore une fois avec "Aloha Golden Meadow", une invitation au voyage vers Hawaï, à plus de six mille kilomètres des bayous, de l’autre côté du Pacifique. Là, c’est un doux moment de quiétude auquel nous nous retrouvons conviés. La lap steel et la pedal steel délivrent d’agréables glissandos et nous rappellent toute la virtuosité des grands guitaristes hawaïens tels Sol Hoopi, King Bennie Nawahi ou Tau Moe.

Avec Kalenda, les LOST BAYOU RAMBLERS proposent une agréable tambouille où se mêlent sonorité et tradition d’antan et un répertoire plus innovant oscillant entre Rock Alternatif et World. Mais encore une fois, l’association d’instruments devenus rares (accordéon à bouton, triangle, violon, lap et pedal steel) demeure un atout indéniable. Si certains passages diffusent un soupçon de mélancolie (cachet spécifique à certaines valses lentes), les titres propagent une effervescence hautement festive. Si certains textes peuvent prêter à sourire à une époque où le langage SMS semble régner en maître, ils retranscrivent pleinement une certaine idée de ce que devrait être notre quotidien. Dernière chose, André et Louis Michot sont généralement les auteurs de prestations scéniques sincères et hautes en couleurs.

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   LE KINGBEE

 
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- Louis Michot (chant, violon, triangle, tambourin)
- André Michot (accordéon, lap steel)
- Korey Richey (guitare, triangle, basse synthétique)
- Jonny Campos (pedal steel, guitare)
- Bryan Webre (basse 5-7)
- Eric Heigle (batterie, triangle)
- Spider Stacy (flûte à bec 7-9)
- Leyla Mccalla (violoncelle 9)
- Dickie Landry (saxophone 9)
- Jimmy Horn (conga, guataca)


1. Sabine Turnaround
2. Côte Clair Waltz
3. Granny Smith
4. Freetown Crawl / Fightin'ville Brawl
5. La Valse De Balfa / The Bathtub
6. Rice Pump
7. Si J'aurais Des Ailes
8. Nezpiqué
9. Kalenda
10. Aloha Golden Meadow



             



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