Sur la page Facebook de WE ARE MAGONIA (et ailleurs…), vous trouverez une vidéo intitulée Showing Darksynth to Your Friends. On y voit un jeune homme à l’air inquiet, redoutant ce qui est sur le point de lui arriver. Quand "Crucified" de WE ARE MAGONIA commence pour de bon, le pauvre se prend une bonne soufflante en pleine figure. Le montage, bien évidemment, illustre plutôt bien l’effet « Wow » qui accompagne la découverte de WE ARE MAGONIA.

"Synthwave is Dead" nous balance ce trio français en sixième piste de son second album. Déjà ? Depuis combien de temps a-t-elle commencé ? Débarquer après la bataille, j'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette histoire-là. Rappelez-vous Human After All des DAFT PUNK (2005), qui avait mis de la distorsion sur les claviers et viré toute trace de groove de sa House au passage. Ne vous fait-il pas penser à l’album éponyme de BLACK SABBATH ? Les élucubrations de KAVINSKY et autres COLLEGE dès 2006 ne peuvent-elles pas être comparées à celles des groupes de Hard-Rock des années 70 ? La B.O du film Drive (2011) a été le coup d’envoi d’une relative popularisation du genre. N'est-ce pas comparable à ce qu’a été la 'New Wave of British Heavy Metal' ? L'un comme l'autre ont fait germer des dizaines de groupes obscurs et sans grand avenir. Où se situerait WE ARE MAGONIA là-dedans ? 2018, date du premier album, est déjà trop tardif pour faire un parallèle avec les débuts du Thrash. Chez le concurrent GosT, la graine de discorde du Black Metal est reconnaissable. Concernant WE ARE MAGONIA, un parallèle avec le Death Metal me semble plus pertinent.

"The Living Will Envy The Dead" est l’un des représentants extrêmes de la Synthwave. Logo illisible, corpse paint, satanisme de supermarché : tout y est. Le groupe ne se prend pas trop au sérieux (visez les surnoms) et tout ceci est réalisé dans un esprit de déconnade de bon aloi. Mais entre les intégristes de la Synthwave (ça existe!) qui les rejettent, et les fans de WE ARE MAGONIA qui ne se privent pas d’une blagounette au détriment de The MIDNIGHT à l’occasion, on sent qu’un schisme vient de s’opérer.

Pourtant, personne ne vocifère dans le micro de WE ARE MAGONIA, qui nous propose une musique instrumentale à quelques monologues ou chœurs féminins près. Si l’on a envie de faire un rapprochement avec le Death Metal, plutôt le Death Mélodique d’ailleurs, ce n'est pas du fait de growls ou de riffs de guitares saturés (on trouve quand même de chouettes soli). Le côté extrême de cette Synthwave (tendance Dark ou Horror, au choix) est dans sa production. On se prend le mur du son en pleine face. WE ARE MAGONIA est d’une puissance rarement égalée. Même les ténors du Gabber ou de la Techno Hardcore en prennent ici pour leur grade. The PRODIGY qui se réclamait du Punk, paraît bien ridicule à côté. Nous sommes ici arrivés bien au-delà de ce que proposent des PERTURBATOR, DAN TERMINUS ou LAZERHAWK. Même les guitares saturées de DANCE WITH THE DEAD ne peuvent vraiment rivaliser. Pour les références plus proches, et donc encore plus obscures, il faut aller chercher du côté de ISIDOR ou ELAY ARSON (1). Franck Sinistra est même au mixage et au mastering du dernier single de FUNERAL DIRECTOR, si vous avez déjà été convaincus par WE ARE MAGONIA.

Mais comme je vous le disais, cette histoire a un semblant de déjà vu. Ce n’est pas à un vieux briscard du Metal qu’on va apprendre à faire la grimace ! Est-ce que WE ARE MAGONIA survit à son effet 'Wow' passé la dizaine d’écoutes ? Leur puissance d’apparat doit beaucoup à une couche de claviers avec distorsion. Un effet surexploité, à l’image des blast beats du Metal extrême, parfois trop envahissants. La même note percussive, répétée en groupe de 3, a tendance à recouvrir la majorité des titres de The Living Will Envy the Dead.

Mais il s'en sort plutôt bien en définitive, grâce à de jolies mélodies qui nous proviennent soit de la musique baroque, soit des B.O de film d’horreur. Elles peuvent néanmoins parfois manquer de répondant. Ce deuxième essai est meilleur que le premier, Apocalypse, sur lequel on pouvait déplorer une impression de clavier joué à l’index. Les mélodies atteignent ici un niveau relatif de complexité bienvenue. Le plus bel exemple est la sonate au piano de conclusion, "Requiem for Humanity" (qui n'a rien d'un Requiem). WE ARE MAGONIA conclut son apocalypse musicale avec l’ancêtre du clavier saturé, comme DEATH concluait ses meilleurs albums à la guitare acoustique.

WE ARE MAGONIA peut cependant faire mieux que ça, on en est persuadé. The Living Will Envy The Dead s’essouffle à mi-parcours. Le rythme y est pourtant relativement varié ("Diabolus in Musica" et "Running With Scissors" aèrent intelligemment l’album). Mais cette incessante attaque sur la même note mériterait de l'être également. On peut faire tout aussi puissant avec des mélodies plus prenantes.

Le groupe mentionne des influences Post-Punk et EDM pour son prochain album (prévu pour 2022). Espérons qu’il se concentre sur faire mieux, avant de vouloir faire trop différent. Car c’est là tout le malheur de l’électro, un domaine trop facile à copier. PERTURBATOR a déjà annoncé vouloir partir dans une autre direction à cause du nombre de suiveurs (2), CARPENTER BRUT ne ressemble déjà plus tout à fait à lui-même… "Synthwave is Dead" donc ? Déjà ?

(1) C’est bien pratique pour nous autres chroniqueurs, ces recommandations Bandcamp…
(2) La direction qu’il faut que tu prennes, mon coco, c’est celle de la mélodie !