Dans le monde des amateurs de spaghettis, il y a les inconditionnels du parmesan d’un côté et ceux qui ne jurent que par le gruyère de l’autre. Dans le monde merveilleux de l’Inner Circle, c’est à peu près la même chose, il y a les adeptes de DEAD et, en face, ceux d’Attila – irréconciliables jusqu’au jugement suprême d’Odin en personne. Et ce sont les premiers (les fans de Dead, pas les inconditionnels du parmesan) qui sont à l’honneur ici ; et ici seulement puisqu’il s’agit de l’unique enregistrement officiel en présence de Per Yngve Ohlin, qui se suicidera peu de temps après.

Ce Live In Leipzig, capturé le 26 novembre 1990, est sans conteste un disque culte, il n’y a pas à pinailler là-dessus. Pas plus qu’il n’y a à pinailler sur le fait que son caractère absolument culte (true underground scandinave black metal, donc) provient pour une part essentielle de la simple et radicale présence d’un adolescent foutrement mal dans sa peau qui se mutilait volontiers sur scène et, selon la légende, dormait en compagnie d’animaux crevés. Cette présence vient parachever ce que les inconditionnels considèrent comme le line-up de légende, à savoir Euronymous, Necrobutcher et Hellhammer. Enfin le son, jugé épouvantable et donc totalement culte alors qu’il n’est que raisonnablement correct dans le genre qui nous occupe, participe en effet à l’ambiance macabre recherchée par le groupe.

Les morceaux issus de Deathcrush sont plus brutaux ou plutôt ils donnent l’impression de l’être parce que la voix de DEAD est celle d’un jeune homme autrement plus malade que ne l’étaient Maniac et Messiah réunis. Cela dit, la version de "Chainsaw Gutsfuck" est particulièrement brouillonne, presque méconnaissable, comme si la volonté de faire plus violent que l’original ne débouchait, en l’occurrence, que sur un gros vomi de haine mal dosée. Les titres qui figureront sur De Mysteriis Dom Sathanas souffrent quant à eux de la comparaison avec un enregistrement studio et une voix nettement différente, très souvent jugée grotesque, à savoir celle d’Attila. Bien que cela soit une impardonnable hérésie, je préfère la voix du vampire hongrois à celle du mort-vivant suédois, mais c’est là un jugement purement gustatif. Il est vrai que la voix bien bestiale de Dead donne à la version de "Freezing Moon" un aspect rugueux, presque déchirant que n’a pas la version studio.

D’une manière générale, l’attention du groupe tourne autour de l’état mental de Dead, constamment à deux doigts de se taillader à l’aide de divers objets tous très tranchants, et le groupe, du moins ce qu’il est à ce moment précis de l’histoire, tient surtout par le jeu toujours infernal, quoiqu’un peu précipité par endroits, de l’héroïque Hellhammer. Euronymous, visionnaire rattrapé par ses propres visions, se démarque ici moins par sa dextérité que par un jeu chaotique et assumé ; une version scandinave de l’esprit punk en quelque sorte. Si l’homme, au même titre que son futur assassin, ne faisait pas l’unanimité question humanité, au moins le musicien était guidé par de réjouissantes influences : VOIVOD, VENOM, BLACK SABBATH ou encore la fameuse Berlin School des années 70.

Ce live de sous les catacombes, que l’on doit soit honnir pour son caractère presque amateur et sa production réputée dégueulasse, soit vénérer pour les mêmes raisons, moi je l’aime bien, mais sans le fameux plus qui change un 3/5 en un 4/5.