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2021 Fatigue
 

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L'RAIN - Fatigue (2021)
Par CHIPSTOUILLE le 6 Mai 2022          Consultée 1444 fois

Chaque découverte d’un son nouveau (et agréable) déclenche en nous des sensations merveilleuses. Depuis quand n’avais-je pas vécu ça ? Pas si longtemps, après avoir exploré la discographie de LORN encore récemment, je dois avouer. Mais à ce point-là ? Avec le Richard D. James Album d’APHEX TWIN, peut-être, en 2005 ? J’ai donc dû coller l’étiquette 'Soul Expérimentale' au Fatigue de L’RAIN, faute de mieux, pour faire comme tous les autres, et je le regrette déjà. La dernière fois que cette étiquette a été utilisée sur le site, Maniac Blues vous faisait les éloges de BILAL. L’RAIN a autant de rapport avec BILAL qu’avec LORN ou APHEX TWIN. Je n’avais jamais entendu ça. Le meilleur dans l’histoire, c’est que ce plaisir d’étrangeté musicale dure tout au long de cet album.

Comment Taja Cheek, native de Brooklyn, a-t-elle réalisé ce petit miracle ? Le nombre de potentiomètres et de pédales au mètre carré que vous pourrez observer lors de la prestation Live on KEXP at Home est hallucinant : première surprise. La seconde, c’est que tout cela puisse encore être joué live ! L’RAIN multiplie les pistes vocales auto-samplées (ce que font également ANAIS et CAMILLE, dans un autre genre). On y trouve également des instruments : de la guitare, du piano (superbe sur "Two Face"), du saxophone, et d’autres plus discrets. Mais ceux-ci sont au final tellement trafiqués, tellement joués différemment qu’on les reconnaît parfois à peine. Seule la voix qui donne dans le versant pop de la Soul (et encore…), ainsi que la batterie – très typée Jazz – sont finalement reconnaissables au milieu de tout cela. On vous parlera ici de psychédélisme à la Syd BARETT (PINK FLOYD), de Gospel (certes, mais enfin relisez la définition de Soul…), de musique concrète, de Shoegaze. Rien que je ne maîtrise. Mais il y a tellement de choses combinées dans Fatigue qu’il me faudrait un essai, plus qu’une chronique, pour vous en faire le tour.

Je pense qu’il est même plus raisonnable de lister ce que L’RAIN n’est pas : Metal, classique dans tous les sens du terme, Indus et tout ce qui peut se terminer en core. J’ai failli dire Techno, mais voyez la section rythmique de "Kill Self" pour la démonstration. Comme son nom nous l’indique fort justement, Fatigue est lascif, calme, posé, mais certainement pas dénué d’intensité. Il est avant tout extrêmement moderne et correspond sans doute, d’une certaine manière, exactement à ce que je cherchais au moment où je l’ai découvert. Que tous ceux qui ont l’impression de toujours écouter la même chose et que c’était mieux avant jettent une oreille sur cet album. S’il vous plaît, faites-vous cette petite fleur et profitez-en pour arrêter de râler, un peu.

Les observateurs ne savent pas comment classer L’RAIN, ou de qui vraiment rapprocher le groupe (je vous épargne la liste d'artistes éloignés mais néanmoins mentionnés dans l’analyse du youtubeur Anthony Fantano de la chaîne TheNeedleDrop). Taja Cheek rejette, comme bien d’autres, toute classification. Mais, contrairement à la majorité qui, dans un tel cas, ne fait bien souvent qu’assembler ou passer d’un style à l’autre, elle a raison. Ce rejet est même un message politique. Il s'agit d'une revendication, d'une lassitude face à la façon dont les artistes noirs sont systématiquement étiquetés, marketés et vendus comme des produits formatés. L’RAIN a adopté le « Death of the author » dans son approche, en groupe. Une désincarnation qui a permis de mieux se réincarner ? Ben Chapoteau-Katz, Justin Felton et Alwyn Robinson (les deux derniers n'étant pas crédités dans le line-up) ont donc été aussi essentiels que Taja Cheek à l’élaboration de cet album. Se focaliser sur sa chanteuse serait-il donc déjà enfermer L’RAIN dans une case ? C'est pourtant bien elle, à l'origine de L'RAIN, qui se crédite à l'écriture et se présente seule sur la pochette de ce deuxième opus élaboré entre 2018 et 2019. Aussi important qu'ait été le collectif à l'élaboration de l'album, Taja Cheek reste semble-t-il la personne ayant été la plus essentielle à son élan créatif.

Quel est donc le sommet de cet album, pour le blanc subjectif fan de Classique et de Metal que je suis ? "Blame Me" et ses trios de notes en lick à la guitare qui coulent sur nos joues. Voilà le titre qui m’a convaincu dès le départ. Quelques écoutes plus tard, l’ensemble cohérent et fichtrement bien réalisé m’a finalement entièrement conquis.

Faut-il aller chercher un défaut dans tout ceci ? Le psychédélisme du tout peut par instants revêtir un côté un chouilla répétitif (mais vraiment un chouilla), ce qui pourrait en rebuter certains. Mais à côté des travers du Hip Hop ou de l’électro, que ceci est relatif ! L’RAIN, non-violent, n’hésite pas non plus à se faire parfois bruitiste : ambiances sonores, artéfacts de lecture de bandes magnétiques, rares saturations, cymbales qui traînent ou accumulation de pistes. Si L’RAIN a un côté posé, il n’est certainement pas minimaliste. Certains interludes ne paraissent pas toujours nécessaires ("Love Her"), mais font le plus souvent office d’introduction à ce qui suit. Quoi qu’il en soit, l’album est bien trop court pour que l’on souhaite en écourter le plaisir. Si vous y trouvez à redire, rien ne prend exagérément trop de place dans cet ensemble déconstruit et reconstruit.

Meilleur album de l’année 2021 pour le site The Wire, 2ème ex-aequo chez Pitchfork, 100% d’avis positifs sur Metacritic pour une note globale de 86% : les critiques sont aussi élogieuses qu’unanimes. Même les fans de Metal et de musique classique s’y mettent, c’est vous dire le talent. Le plus dingue, c'est que cet album n'est même pas sorti en CD. Gageons qu'avec le bouche-à-oreille, ceci ne devrait plus tarder. Pourvu, en effet, que cet album fasse des émules, vu qu’on trouve ici tous les ingrédients nécessaires, y compris l’engouement, au départ d’un nouveau genre musical. Rien de moins.

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   CHIPSTOUILLE

 
  N/A



- Taja Cheek (chant, prog., samples, guitares, claviers, klaxon,)
- Ben Chapoteau-katz (synthtiseur, saxophone, chant, percussion, klaxon)
- Jon Bap (chant sur 4)
- Quinton Brock (monologue, chant sur 1&10)
- E.t. Cali (annonce radio sur 10)
- Tiger Darrow (violoncelle sur 2)
- Buz Donald (batterie, percus sur 2&6)
- Alex Goldberg (batterie, percus)
- Travis Haynes (orgue et chant sur 2)
- Carlos Hernandez (ingé assist. sur 2&10)
- Devin Hobdy (choeurs sur 10)
- Andrew Lappin (guitare sur 6, prog sur 2&8)
- Alita Moses (choeurs sur 2&12)
- Taj Sapp (choeurs sur 2&12)
- Jake Sherman (orgue & clavinet sur 2&6)
- Mike Stephenson (choeurs sur 2&12)
- Abby Swidler (viole sur 2)
- Zosha Warpeha (violon sur 2)
- Anna Wise (choeurs sur 4)
- Gabriel Zucker (arrangement cordes sur 2)


1. Fly, Die
2. Find It
3. Round Sun
4. Blame Me
5. Black Clap
6. Suck Teeth
7. Love Her
8. Kill Self
9. Not Now
10. Two Face
11. Walk Through
12. I V
13. Need Be
14. Take Two



             



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