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1994 Mortal Kombat [mega Cd] Ost
 

- Membre : Divers Jeux Video

Dan FORDEN / THE IMMORTALS - Mortal Kombat [mega Cd] Ost (1994)
Par CHIPSTOUILLE le 4 Mai 2022          Consultée 686 fois

Au commencement était la note.

Simple fréquence vocale, puis son produit à l’aide d’une flûte creusée dans un os, la note a évolué, s’est multipliée. En les enchainant, l’homme a créé la musique. En les combinant, il a créé la polyphonie. Bien rapidement, l’homme a réalisé que toutes les notes ne pouvaient pas s’assembler ou s’enchainer ensemble. Que pour que la musique soit belle, il fallait de l’harmonie. Mais à force de combiner, d’enchainer, d’assembler, l’homme s’est lassé de l’harmonie. Il a créé les dissonances, les a d’abord tolérées, associées aux harmonies, puis les a multipliées, jusqu’à créer des musiques sans harmonie… En parallèle, comme une sorte de rejet, l’homme a également simplifié, de plus en plus, afin de faire les mélodies les plus faciles possibles, les plus évidentes, les plus banales, répétées, reprises à l’infini.

Au commencement était le rythme.

Simple claquement de mains, tapage de pied puis martelage de peaux tendues : le rythme a, comme la note, rapidement fait partie intégrante de la musique. L’homme l’a régulé pour en faire une structure. Répété, le rythme s’est avéré envoutant, prenant. De multiples décalages ont vu le jour, de multiples éléments ont servi de base. Puis, comme la note, à force de toujours le produire de la même manière, le rythme a fini par être déconstruit, désarticulé. Jusqu’à des sommets d’incohérence, prompt à vous dérégler le pouls. Comme pour les notes, sans doute en réaction de cette complexification, le rythme a été simplifié à outrance, martelé, comme une seule pulsation, de plus en plus forte, de plus en plus calée sur le temps, au point d’en perdre toute humanité.

Puis est arrivé l’enregistrement.

Fort de sa création musicale, l’homme est finalement parvenu à trouver des techniques afin de s’enregistrer. Les mécanismes d’horloge ou de boîte à musique, le disque, la bande, la donnée numérique, chaque méthode a supplanté l’autre. L’homme est finalement parvenu à prendre des extraits d’autres musiques, pour les reprendre, les modifier, les rassembler, puis les combiner avec la sienne. On a appelé cela le « sample ». Des pionniers du hip-hop aux monstres sacrés de la musique électronique, l’homme a repris et recombiné : du funk, de la soul, du jazz… Tous les styles y sont passés, jusqu’à des échantillons si courts qu’on a pu en établir une note de base, et enfin, par modulation de fréquence, en produire d’autres. On a appelé ça la synthèse FM. Elle a fait les beaux jours de vieux appareils électroniques. En parallèle de cela, on a continué à sampler tout et n’importe quoi : des voix, des extraits de films, des dialogues, des bruitages, et même des hurlements dans des publicités…

Enfin est arrivé la BO de Mortal Kombat.

Des notes, des rythmes, des samples et de la synthèse FM : tout est bien là, tous les ingrédients que l’on a mis des millénaires, peut-être des millions d’années à créer. Dans sa version originale sur borne d’arcade, Dan « Toasty » FORDEN (qui ramène sa frimousse en bas à droite de l’écran du jeu à l’occasion d’uppercuts) s’est employé à utiliser ces dissonances, ces rythmes déconstruits, limité par la synthèse FM du processeur Yamaha YM2151. Un processeur sonore qui pourrait rappeler par bien des aspects le YM2612 de la Megadrive, célèbre pour ses saturations désagréables et autres sons très synthétiques. Le tout était inspiré par de vieilles bandes sons de films d’art martiaux, telles que celles composées par Joseph KOO. Gongs sinistres, rythmes boisés et tiraillements synthétiques : le résultat est un amalgame vicié de musiques traditionnelles asiatiques, entre temps avalées, mal digérées et régurgitées par le cinéma reaganien des années 80. C’est très mauvais, mais bizarrement très adapté à la vision infernale du tournois d’arts martiaux proposé par le jeu. Bien entendu, il est impossible d’apprécier cela en dehors de son contexte.

Mais comme le jeu a été adapté sur support CD, on ne pouvait s’arrêter là. Il fallait de la « vraie » musique, qui exploite pleinement les nouvelles capacités d’enregistrement digital d’un tel support. Il était hors de question de se contenter de vaines chiptunes maladroites. Alors on a invité le duo The IMMORTALS, pour augmenter cette version Mega CD de quelques titres originaux. Le duo a donc pris l’exact contrepied de Dan FORDEN. On a récolté les samples vocaux du jeu, composé les mélodies les plus bateaux possibles, moins nombreuses qu’il n’y a de titres à l’arrivée, et posé le tout sur un beat si régulier qu’il pourrait rendre fou les plus aguerris de la Dance Music. Pour couronner l’ensemble, The IMMORTALS nous a donc répété la formule sans la moindre once de créativité.

Joignant les deux extrémités ensembles, le disque produit est une ode au mauvais goût, un croisement entre des chiptunes dégueulasses et une techno au summum de sa médiocrité. C’est d’une absolue nullité. Le résultat est tel qu’il pourrait même faire passer Ze Mega Dingue Album, qui osait pourtant sampler les dialogues du film Les Visiteurs ("La pâte à dent", incontournable) pour une œuvre raffinée.

Ce disque semi-accidentel n’a sans doute jamais été pensé pour être écouté tel quel. Il a pris le risque de croiser les effluves, c’est-à-dire combiner deux des artefacts musicaux les plus détestés de l’histoire de la musique, et ce dans leurs versants les plus douteux. Et pourtant, malgré tout… il a bel et bien engendré un hit, l’enfant batard de toute cette médiocrité, le Bibendum Chamalow de la Dance Music. Je veux bien sûr parler de "Techno Syndrome", seule raison valable invocable pour commettre l’erreur d’écouter ce disque en entier.

La rumeur prétend que l’un des deux larrons de The IMMORTALS n’était pas disponible le jour où ce dernier a été produit (à ce point-là, c’est du concentré d’anti-talent, qu’on lui donne une médaille !). L’autre a donc profité de cette absence pour reprendre les ingrédients (une fois de plus) et en faire le hit suprême, celui qui a tué le game en matière de Dance Music ou Techno mainstream. Le sample hurlé de "Motal Kombat", qui n’a jamais eu d’autres équivalent que le "This is Sparta !" du 300 de Zack Snyder, a donc été repris d’une publicité. La légende prétend que le hook serait un plagiat de celui de "Twilight Zone" de 2 UNLIMITED. La ressemblance est certes perceptible, mais la légende n’a pas l’air de savoir ce qu’est une modulation. "Techno Syndrome" s’est fait connaître du grand public (qui n’a jamais eu les moyens de s’acheter ce foutu Mega-CD) lors de la promotion de l’adaptation en film de ce jeu sans fond ni âme. "Test your might" balancés en guise d'amuse-bouche, bruitage à base de "ough" utilisé à des fins rythmiques, énumération du casting du jeu, « MORTAL KOMBAAAAAT » hurlé plus que de raison, et un hook putassier à peine original en guise de sucrerie : c’est si nul que c’en est devenu génial. "Techno Syndrome" est le nanard musical par excellence, un plaisir coupable comme on en a rarement entendu.

Il m’est impossible de conclure sur ce disque abominable, sans évoquer la crise-passion sociétale, politique et juridique qu’avait provoqué le jeu à sa sortie, en particulier aux Etats-Unis. A bien y regarder, Mortal Kombat n’était pourtant rien d’autre que le transfert sous format vidéo-ludique des excès de gore en tout genre du cinéma reaganien des années 80. On y trouve du Bruce Lee, du Ghostbuster, du Terminator, du Poltergeist, et tant d’autres trucs bien plus sanglants de série B comme Braindead, film sorti la même année… Ce cinéma était lui-même la suite logique de la libéralisation des mœurs de la fin des années 60. Celle qui ne pouvait avoir eu lieu que dans des pays « libres ». Rappelons à cette occasion que le printemps de Prague ne s'est pas terminé de la même façon que Mai 68.

Il est donc possible que certains d’entre vous estiment encore aujourd’hui que l’exhibition de violence dont font preuve les jeux-vidéo devrait être proscrite. Qu’ils sont sans doute le mal incarné et non une simple conséquence logique de la liberté dont nous pouvons jouir. Que ce n'est donc pas le rôle des parents de prêter attention à tout cela. Mortal Kombat existe parce que ses créateurs ont été libres de le créer. Des gens l’apprécient parce qu’ils sont libres d’y jouer. Trouvant encore moi-même une certaine satisfaction dans ce genre de jeux ultra-gores - certes moins qu’à 18 ans - je dirais qu’ils ont bien au contraire la vertu de canaliser la colère, plutôt que de la provoquer. Posez-vous surtout des questions si ceux-ci constituent votre unique et principal loisir. Mais sachez donc que plusieurs pays encore en 2019, démocratiques qui plus est, ont donc décidé de se protéger de toute cette violence en interdisant la vente de Mortal Kombat 11 sur leur propre territoire. Sans doute dans le but de se protéger ? De quelle violence, ça je ne saurais bien dire. Parmi ces rares pays figurait l’Ukraine.

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