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PROTO éLECTRONIQUE  |  STUDIO

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1957 Fantastica
 

- Style : Frank Comstock , Louis & Bebe Barron

Russ GARCIA - Fantastica (1957)
Par AIGLE BLANC le 20 Juillet 2022          Consultée 560 fois

Le Cosmos figure aux premières loges parmi les Mystères fondamentaux qui mobilisent inlassablement la curiosité humaine depuis la préhistoire, au même titre que la Mort, son corollaire. Les arts n'ont jamais manqué ce rendez-vous avec la voûte céleste, ses astres et satellites, ses planètes, comètes et éclipses. Depuis les fresques des aborigènes, gravées et peintes à même la roche, en passant par les cosmogonies sacrées inscrites dès l'invention de l'écriture sur papyrus, tablettes et autres parchemins, réenchantées plus tard par les premiers récits de science-fiction de Cyrano de Bergerac* (Le Voyage dans la lune, 1657) et de Jules Verne (De la Terre à la Lune, 1865 / Autour de la Lune, 1869), jusqu'à l'enregistrement des premières pellicules animées chères au magicien George Meliès (son Voyage dans la Lune-1902 d'auguste mémoire), l'être humain n'a eu de cesse de questionner, sur un ton philosophique ou de façon plus légère et fantaisiste, son rapport à l'immensité sidérale.
Art des plus populaires, au langage universel, la musique s'est régulièrement abreuvée au Cosmos. Gustav HOLST lui a consacré une suite orchestrale, Les Planètes,(1914-1917), dont la modernité étonne encore les oreilles d'aujourd'hui (demandez à John WILLIAMS, compositeur américain de Star Wars et de E.T, ce qu'il en pense). La musique contemporaine, depuis sa découverte de l'atonalité, a exploré dans une veine avant-gardiste les espaces astraux, comme le prouvent certaines œuvres fascinantes de György LIGETI (Atmosphere -1961 et Lux Aeterna -1966, toutes deux fort judicieusement intégrées à la bande sonore du film 2001, L'Odyssée de l'Espace -1968).
En décuplant la palette sonore, jusque là limitée, des instruments acoustiques et en outrepassant leurs limites techniques, les premières machines électroniques font accomplir un bond immense aux musiques inspirées du Cosmos. Dès 1967, PINK FLOYD ouvre le rock, jusqu'alors plutôt organique et terrien, aux sphères éthérées et hallucinogènes de l'espace ("Interstellar Overdrive", "A Saucerfull of Secrets", "Meddle"), dimension que s'empresse d'explorer plus franchement encore, 5 ans plus tard, la branche cosmique de l'école berlinoise dont le trio de représentants le plus réputé porte pour patronymes TANGERINE DREAM (le sidérant Zeit), Klaus SCHULZE (le contemplatif et cybernétique Cyborg) et ASH-RA TEMPEL (l'inaugural album éponyme). Leurs improvisations s'appuyant presqu'exclusivement sur les claviers électroniques (à l'exception d'ASH-RA TEMPEL poursuivant le travail entrepris à la guitare électrique par PINK FLOYD) fait résonner le Cosmos dans les foyers et transforme les consciences en planétarium.

Gardons-nous pour autant de penser que le groupe de Syd Barrett et la vague cosmique du krautrock soient les premiers à avoir recouru aux claviers électroniques et autres synthétiseurs pour recréer les sensations générées par l'infini de l'espace. Le cinéma, en s'aventurant dans les territoires science-fictionnels (Planète Interdite) et en adaptant ses oeuvres de référence (La Machine à explorer le Temps, La Guerre des Mondes -1898), a donné aux musiciens la meilleure des occasions d'expérimenter les instruments électroniques. Planète Interdite(1956) demeure à ce titre le mètre-étalon de toute musique proto-électronique, grâce aux recherches passionnées du couple Louis et Bebe BARRON qui en signent la partition sonore, la première intégralement électronique de l'histoire du cinéma, sorte de bruitages en tout genre filtrés, modulés et déformés par le filtre des nouvelles machines de l'époque. (Lire dans nos colonnes la chronique que nous avons consacrée à la Bande Originale de Planète interdite).
Russ GARCIA, arrangeur-compositeur et chef d'orchestre sur lequel se penche ladite chronique, compte également parmi les pionniers à avoir injecté l'électronique dans une B.O de film. Si La Machine à explorer le temps (1960) ne vient que trois ans après Planète interdite, et si sa partition musicale n'est pas quant à elle intégralement électronique, elle saupoudre fortement de sons et d'ambiances électroniques un score orchestral par ailleurs classique qui fait date dans l'histoire du 7ème art.
Aussi surprenant que cela soit, cette musique de film se voit précédée de trois ans par l'album Fantastica (1957) que Russ GARCIA a composé en dehors de toute considération filmique, un disque de musique absolue en somme. Il s'agit d'une oeuvre orchestrale conceptuelle qui nous invite à un voyage spatial des plus colorés, et dont les planètes, à suivre le déroulé des titres ("Nova, Exploding Star", "Lost Souls of Saturn", "Monsters of Jupiter", "Venus", "Red Sands of Mars", "Volcanoes of Mercury", "Frozen Neptune", "Moon Rise" constituent autant d'étapes étonnantes, mystérieuses ou enchanteresses. Dans sa conception thématique comme formelle, cette œuvre suit les pas déjà tracés par le Gustav HOLST des Planètes dont elle n'est en rien cependant un plagiat, l'arrangeur et chef d'orchestre Russ GARCIA ayant travaillé auprès des plus grands de l'époque : Ella FITZGERALD, Louis ARMSTRONG, Oscar PETERSON, Henri MANCINI et Charlie CHAPLIN, et n'ayant rien à envier à son illustre prédécesseur.
Fantastica propose une sorte de suite orchestrale composée de douze étapes faisant intervenir une armada de bois (saxophone, hautbois, clarinette, basson), de cuivres (trombone, cor d'harmonie, tuba), un vibraphone, une harpe et des percussions. Sur ce tissu des plus solides et inventifs, et jamais pompeux, l'ingénieur du son Ted Keep appose une série d'effets électroniques dont les textures non seulement côtoient celle des instruments acoustiques mais aussi dialoguent avec elles, se répondent, se contredisent par contrastes dans une cohabitation harmonieuse, l'électronique ne prenant jamais le pas sur les instruments traditionnels, mais se fondant dans l'espace sonore avec une évidence d'autant plus remarquable que c'est l'une des premières fois que deux générations d'instruments se mêlent dans un ensemble riche et chatoyant.
Les étapes alternent ambiances sombres et mystérieuses ("Lost Soul of Saturn"), joyeuses et merveilleuses ("Goofy Peepl of Phobos"), sensuelles ("Venus " évidemment), parfois dramatiques et solennelles ("Birth of a Planet", "Volcanoes of Mercury"), en un festival d'une belle spontanéité, la musique semblant s'auto-générer à chaque instant, même si à n'en pas douter les compositions de Russ GARCIA jouissent d'un travail approfondi et précis. L'album s'écoute comme on lit un roman de Jules Verne, avec un plaisir d'enfant à l'enchantement renouvelé. Une telle naïveté dans le propos (dix ans avant que l'homme ne pose le pied sur la lune) peut prêter à sourire à notre époque où le cynisme masque la douleur liée à la perte des illusions. Il fait bon se plonger dans un disque joliment désuet, chatoyant et à l'exaltation communicative. Fantastica n'a sensiblement pas été enfanté dans la douleur, mais qui a dit que l'art devait être inévitablement le fruit du malheur et du spleen ?

Installez-vous confortablement, ouvrez le livre d'images générées par la musique de Russ GARCIA, et savourez votre écoute comme on goûte le talent ancestral du conteur dont la voix se trempe dans l'encre de la magie la plus universelle. Aucun titre ne surpasse les autres ; les plages s'enchaînent dans la plus parfaite homogénéité, chacune contribuant à enrichir l'ensemble, jusqu'à former un voyage étonnant, la bande sonore de nos songes, la plus belle puisque dépourvue d'images.


* Cyrano de Bergerac : écrivain, poète, pamphlétaire et libre-penseur français (6 mars 1619-28 juillet 1655). A servi de modèle à Edmond Rostand pour concevoir l'inoubliable personnage de sa pièce éponyme (1897).

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   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Russ Garcia (compositions, arrangements, direction)
- Orchestre (saxophone, hautbois, clarinette,basson, trombone, )
- Ted Keep (effets électroniques)


1. Into Space
2. Nova (exploding Star)
3. Lost Souls Of Saturn
4. Monsters Of Jupiter
5. Water Creatures Of Astra
6. Venus
7. Red Sands Of Mars
8. Goofy Peepl Of Phobos
9. Volcanoesof Mercury
10. Birth Of A Planet
11. Frozen Neptune
12. Moon Rise



             



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