SEVERED HEADS est le type même de projet qui existe depuis toujours (enfin depuis 1979 de manière parfaitement officielle) et que personne ne connaît vraiment, surtout les connaisseurs. Et pourtant, l’impact de ce groupe se ressent de SKINNY PUPPY à THE ORB au moins, et bien sûrement au-delà.

A l’origine de ce groupe qui s’appelait d’abord MR AND MRS NO SMOKIN’ SIGN, deux Australiens, Richard Fielding et Andrew Wright, plus un autre compatriote qui débarqua en 1979, Tom Ellard – c’est LE nom à retenir puisqu’il en deviendra assez rapidement le principal représentant.

Sorti en 1983, dans un presque parfait silence, on pourrait dire de ce disque qu’il réussit le plus naturellement à opérer la synthèse entre le CABARET VOLTAIRE grinçant des débuts et NEW ORDER mais avec une touche d’attachante originalité rarement vue à l’époque et encore moins depuis. Mais c’est là peu dire, non seulement dudit disque, mais de tout ce qui suivra très rapidement et abondamment.

On entre ici comme dans un moulin dont les hélices qui sont plutôt des lames ne passent jamais bien loin de votre chère tête. Non que Since The Accident soit violent ; on a plutôt à faire à de l’electro très libre et par conséquent farouche. Toujours très proche de l’indus dans ses codes et ses sonorités abrasives mais très éloignée du caractère conflictuel et hargneux d’une certaine partie de cette scène.
Une pièce comme "Gashing The Old Mae West", hommage à l’art surréaliste du collage ainsi qu’à la musique tribale, est une très intense invitation à la transe extatique ainsi qu’une leçon de l’art du sampling bien des années avant que les perroquets de la presse musicale n’aient reçu la consigne de parler de cet art.

La présence du lumineux et rafraîchissant "Dead Eyes Open" aurait pu me suffire, si j’écrivais ici uniquement en tant que commentateur, à mettre 5 étoiles à l’album. Il faut bien comprendre que ce titre, que beaucoup qui lisent ces lignes ont sûrement soit déjà entendu quelque part dans le noir de leur mémoire, soit écouté mille fois sous toutes ses proto-formes dj.compatibles, est un classique absolu de l’electro (certains diront de la dance, et ils n’auront pas tort non plus). Une seule écoute suffit pour s’en rendre compte. Impossible d’y résister, c’est là LE moment de quintessence ouvert à toutes et tous. Un tube, en d’autres termes, mais un tube encore trop scandaleusement ignoré de nos jours. Trop attachant et singulier pour devenir un tube officiellement reconnu, probablement.

"Exploring The Secret of Treating Deaf Mutes" est un titre à la fois puissant, expérimental et nostalgique. Exactement ce que continuera à faire Tom Ellard par la suite, mais avec une progressive diminution du caractère expérimental au profit de schémas plus dansants et plus directs mais non moins singuliers.

On finit d’abord dans les bras d’une boucle intelligemment travaillée et au rendu savoureux, "Brasserie, In Rome", puis dans ceux grouillants et incertains comme un clin d’œil du très bref "Wasps".

Bien qu’australienne, SEVERED HEADS est une formation on ne peut plus exemplaire et recommandable – et très attachante, j’insiste.